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droits humainsIVG dans la Constitution : pourquoi les personnes trans sont aussi protégées

Par Nicolas Scheffer le 05/03/2024
Le Congrès a voté une nouvelle loi inscrivant le droit à l'IGV dans la Constitution française.

Si la formulation retenue par le Congrès pour inscrire dans la Constitution la liberté d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse (IVG) s'applique à "la femme", le Conseil d'État a déjà acté que ni l'état civil, ni la nationalité ne font obstacle à cette "liberté garantie".

C'est une première mondiale. La France a décidé d'inscrire l'interruption volontaire de grossesse (IVG) dans sa Constitution, protégeant ainsi dans sa loi fondamentale la liberté d'avortement menacée dans plusieurs pays du monde par le lobby réactionnaire et les extrémismes religieux. Réunis en Congrès à Versailles ce lundi 4 mars 2024, les parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat se sont accordés sur une formulation qui consacre la "liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse". Celle-ci doit être officiellement scellée par une cérémonie au ministère de la Justice le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes.

La formulation n'inclut donc pas explicitement, comme l'avaient réclamé plusieurs associations LGBTQI+ ainsi que têtu·, toutes les personnes dotées d'un utérus, et donc susceptibles d'être enceint·es, à savoir les hommes trans et les personnes non-binaires. Mais que les personnes concernées soient rassurées : elles sont bel et bien protégées par la même liberté. Dans un avis publié en décembre dernier, le Conseil d'État a en effet spécifié ceci : "Le caractère personnel de la liberté reconnue, que le Conseil constitutionnel rattache à la liberté personnelle, rend nécessaire d’en désigner le bénéficiaire, c’est-à-dire la femme. Il résulte de l’objet même de cette liberté et conformément à l’intention du Gouvernement qu’elle doit être entendue comme bénéficiant à toute personne ayant débuté une grossesse, sans considération tenant à l’état civil, l’âge, la nationalité et la situation au regard du séjour en France."

Devant l'Assemblée nationale, mi-janvier, le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti a également précisé que "le terme 'femme' ne doit pas être interprété comme excluant les personnes transgenres du champ d'application de la loi". À noter, alors que le gouvernement persiste à vouloir remettre en question l'Aide médicale d'État (AME), que le Conseil d'État garantit également que les personnes étrangères sont protégées par la liberté de recourir à l'IVG.

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Garantir l'accès à l'IVG

"Ce qui est juridiquement important, au-delà de la clarté de l’avis du conseil d’État et de la confirmation du gouvernement inscrit au procès-verbal, c’est qu’il apparaît aussi clairement des débats que la volonté du législateur n’a jamais été de trouver une formulation qui exclut les personnes trans. Ça n’est pas satisfaisant mais c’est important pour la suite, car le Conseil constitutionnel interprètera aussi une éventuelle loi à l’égard de cela", a écrit fin février sur X (Twitter) la sénatrice écologiste Mélanie Vogel, qui a porté la nouvelle loi à la chambre haute.

Ainsi, SOS homophobie salue "une victoire des luttes féministes et des luttes pour l’égalité", quand bien même "une mention plus explicite des hommes trans aurait été souhaitable". Et de prévenir : "L'association sera en tout état de cause extrêmement vigilante sur l'application effective de la Constitution." Car au-delà de la protection du droit, son manque d'accès effectif a aussi été pointé lors des débats. Si le nombre d'IVG augmente, celui des centres qui peuvent les pratiquer diminue : le Planning familial rapporte que 130 établissements réalisant des IVG ont fermé en quinze ans. Conséquence, 17% des avortements ont lieu en dehors du département de la personne qui y a recours, indique la Dress, service statistique ministériel dans les domaines de la santé et du social.

Enfin, si cette liberté est désormais consacrée dans notre loi fondamentale, la sénatrice socialiste Laurence Rossignol rappelle que ce combat doit être poursuivi dans le monde. "Nous allons continuer pour celles qui résistent à Trump, Bolsonaro, à Orbàn, à Milei, à Poutine, à Giorgia Meloni. Mais sans oublier bien sûr dans cette liste, celles qui résistent aux mollah et aux dictateurs théocratiques", a déclaré au perchoir l'ancienne ministre des Droits des femmes quelques minutes avant le vote du Congrès. "Maintenant, ayons le courage d'en faire un droit européen !", a par ailleurs lancé Mélanie Vogel sur X. Les femmes comme les queers le savent bien : nos combats ne sont jamais terminés !

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Crédit photo : Laure Boyer / Hans Lucas via AFP