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cinémaFestival de Cannes : "Les Reines du drame", lesbiennes givrées et radicalité queer

Par Florian Ques le 17/05/2024
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Figure émergente et prometteuse du cinéma queer à la française, Alexis Langlois dévoile à Cannes son premier long-métrage sélectionné à la Semaine de la critique. Avec Les Reines du drame, il explore une passion conflictuelle entre deux chanteuses à succès aussi bouillantes que timbrées.

Cette année, au Festival de Cannes, impossible de trouver plus queer que le film d'Alexis Langlois. Remarqué pour ses formats courts barrés De la terreur, mes sœurs ! ou encore Les Démons de Dorothy, le jeune cinéaste français présente son premier long-métrage, Les Reines du drame, dans lequel sa recette mêlant queerness assumée et folie sans limite demeure savoureuse.

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C'est au début des années 2000 que Mimi Madamour, ado lesbienne dans le placard, participe à un télé-crochet façon Nouvelle Star dans l'espoir d'atteindre la gloire. Jackpot : en peu de temps, elle se retrouve catapultée au statut d'idole des jeunes. Une ascension express qui déplaît à Billie Kohler, sa petite amie qui se morfond de ne pas pouvoir assumer leur idylle passionnelle. Au fil des décennies, les rancœurs accumulées conduisent ces deux "drama gouines" en puissance à se déchirer sous le regard inquisiteur des paparazzis et de leurs fans.

Queer radical

Les Reines du drame opère comme un rêve fiévreux : on discerne des éléments du réel – les années 2000 sont reproduites via des clins d'œil (à Mylène Farmer, Britney Spears, Lorie...) et une esthétique savamment pensée – mais ceux-ci sont magnifiés grâce à une mise en scène presque kistch qui mélange les genres tous azimuts. Excessif, le film flirte constamment avec l'absurde. Des décors au jeu des interprètes, il y a quelque chose de volontairement théâtral dans ce premier long-métrage à travers lequel Alexis Langlois s'impose comme l'enfant spirituel de John Waters – qui aurait eu Gregg Araki pour nounou.

Parfois à la frontière du lourdingue, l'histoire d'amour entre les deux héroïnes – jouées par Louiza Aura et Gio Ventura – s'avère essentiellement captivante, car imprévisible. Comme dépendantes l'une de l'autre, Mimi et Billie soufflent tour à tour le chaud et le froid, souvent bouillantes mais toujours givrées. À travers elles, le réalisateur déchaîne une romance lesbienne décadente comme l'on en croise rarement. Leur romance est crue, bordélique… et surtout toxique.

À la fin de la séance, le constat est frappant : on tient ici une œuvre radicale, conçue par et pour les personnes LGBTQI+. À l'écran, Bilal Hassani, dans un rôle méta en youtubeur botoxé complètement timbré, croise des figures notables du microcosme queer parisien comme Raya Martigny et Dustin Muchuvitz. Démentielle, la bande-son a quant à elle été confiée entre autres à Rebeka Warrior et Yelle – dont on retient un tube décalé et presque fleur bleue... sur le fist-fucking. Le film assemble donc tel un patchwork tout en paillettes des références et des codes inhérents à la communauté queer, quitte à laisser les hétéros moins informés sur le bas-côté. Alexis Langlois n'est pas là pour les prendre par la main – et il faut avouer que ç'aurait été dommage.

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Crédit photo : Bac Films