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musique"C’est un appel au lâcher-prise" : rencontre avec Omar Apollo pour "God Said No"

Par Florian Ques le 28/06/2024
Le chanteur Omar Apollo assis chemise ouverte dans une pièce bleue devant un miroir

[Cette rencontre est à retrouver dans le magazine têtu· de l'été, disponible en kiosques ou sur abonnement] Les saisons passent, mais l'amour pas toujours lorsqu'il est déçu. Alors on écoute le nouvel album d'Omar Apollo, God Said No, qui sort ce vendredi 28 juin, et on pleure un bon coup.

"C’est trop tôt pour ce genre de questions, je viens à peine de me réveiller.” Il a un petit ricanement nerveux, puis un sourire gêné. Les yeux encore embués, Omar Apollo estime que 9h du matin n’est pas l’horaire idéal pour parler de sa plus récente rupture. On le comprend, seulement c’est tout le propos de son deuxième album, God Said No : 14 morceaux où le chanteur américain, qui possède aussi la nationalité mexicaine, égrène les différentes étapes du deuil amoureux sur fond de mélodies R’n’B et pop tantôt dansantes, tantôt mélancoliques. “J’alterne encore entre la colère et la tristesse, développe-t-il. J’ai l’impression que mes émotions sont trop intenses pour suivre une ligne droite. C’est plutôt comme une boucle où les sentiments s’enchaînent et se répètent.”

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Généreux et transparent avec son auditoire, il ne craint pas de se montrer pathétique, comme sur son single “Dispose of Me” où il supplie son ancien amant de ne pas tirer un trait définitif sur leur histoire. En interview, l’artiste de 27 ans se révèle toutefois frileux à l’idée de décortiquer ses paroles. “Quand tu écris sur ta vie privée, tu fais très attention aux mots que tu choisis parce que tu sais que tu vas les chanter encore et encore et qu’on va te questionner à ce sujet, explique-t-il. J’ai pourtant du mal à revenir dessus. Pour moi, c’est comme une capsule temporelle que je ne veux pas rouvrir. Je sais, ce n’est pas très logique…”

Il peine à trouver ses mots, il s’excuse, on le rassure : son interlocuteur traverse lui-même une rupture récente. “Ah ! Je me disais bien, c’est pour ça que cette interview est si intense”, s’exclame-t-il en rigolant cette fois de bon cœur. Et de s’enquérir : son disque nous a-t-il fait du bien ? Peut-être. “Tu as une chanson préférée ?” Sans doute “Less of You”, un petit bijou d’électro-pop taillé pour les clubs qui rappelle Olly Alexander période Years & Years. Il souligne que ce titre a été inspiré par le compositeur italien Giorgio Moroder, en particulier la bande-son qu’il a réalisée pour Midnight Express, d’Alan Parker, avec Brad Davis dans le rôle principal, un de ses films préférés. “Je l’ai écrit à Londres, où j’avais emménagé pour plancher sur l’album, retrace-t-il. J’avais envie de changer de décor et j’adore cette ville. Surtout il me fallait une météo qui collait avec mon humeur. C’était parfait pour me mettre dans un état d’esprit nostalgique !”

C'est Pedro Pascal qu'il nous faut

Pendant deux mois, le chanteur a suivi une routine bien rodée : salle de sport le matin, studio d’enregistrement le reste de la journée, fête le soir. “Mais j’étais toujours amoureux, précise-t-il. Tu ne peux pas vraiment te distraire quand tu écris de la musique parce que le but est justement d’ausculter ta vie personnelle. Ça vient limite empirer les choses.” Parmi les amis qui l’ont soutenu dans sa rupture, Pedro Pascal, le daddy de référence depuis son rôle dans la série The Last of Us – n’en déplaise aux ragots qui les fantasment en couple. On entend d’ailleurs l’acteur de 49 ans sur l’album lors d’un interlude entre deux chansons sobrement intitulé “Pedro”. “Je lui avais fait écouter quelques morceaux, se souvient Omar Apollo. Il avait beaucoup aimé 'Glow', un titre qui parle de deuil. Je lui ai alors demandé s’il était partant pour évoquer ce sujet-là avec moi. Il était hyper motivé et m’a envoyé un message vocal dans la foulée. C’est celui qu’on entend dans l’album, un peu retouché, bien entendu.”

Pour reconstruire son cœur brisé, le chanteur a cherché partout, y compris dans la culture catholique de ses parents, immigrés mexicains aux États-Unis : “Ma mère répétait la phrase 'si Dios quiere' ('si Dieu le veut'). C'est l'origine du titre de mon album : 'Dieu a dit non'. C’est un appel au lâcher-prise, détaille-t-il. Si ce n’est pas arrivé, c’est que ce n’était pas fait pour moi. Peu importe ce que tu veux me faire traverser, je l’accepte et j’avance.” Cette inclination à prendre du recul ne l’a pas empêché de se trouver, par moments, totalement désemparé. “Il faut accueillir ses sentiments. Ne surtout pas les ignorer. Certains vont se mettre la tête à l’envers, en buvant, en fumant ou quoi que ce soit. Oui, tu peux choisir de faire ça. Mais après, tu devras quand même faire face à toutes les pensées et émotions que tu as essayé de fuir. La seule solution pour guérir, c’est de laisser le temps faire son travail.”

Ou se laisser moisir sur son lit en écoutant des musiques tristes (notre solution préférée) ? Omar Apollo s’esclaffe, mais veut réagir vite : “La pire chose à faire, c’est d’écouter une chanson que l’autre t’a fait découvrir. Tu ne fais plus que penser à la personne…” Puis il se ravise : “C’est beau, d’une certaine manière. Et c’est pour ça qu’on crée de l’art : c’est la preuve de nos souffrances. La douleur est un moteur, elle inspire la création. Étrangement, c’est beau de se tourner vers le passé pour se rappeler ce qu’on a ressenti et se dire que ça existera pour toujours.” On raccroche là-dessus, c’est vrai que ça fait du bien.

>> God Said No, d’Omar Apollo. Sortie le 28 juin.

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Crédit photo : Aitor Laspiur

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