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interview"C'est les Jeux olympiques gays" : Olly Alexander, gay as Eurovision

Par Tessa Lanney le 11/05/2024
Olly Alexander

Le Royaume-Uni s'est choisi Olly Alexander, ex-Years & Years également connu pour la série It's a Sin, pour le représenter à Eurovision 2024, dont la finale se déroule ce samedi 11 mai à Malmö (Suède). Les Britanniques sont-ils prêts à voir porter leur drapeau "de la manière la plus gay possible" ? Nous, oui.

En 1997, Olly Alexander, 6 ans, s'éclate déjà devant "Love Shine a Light" du groupe Katrina and the Waves, qui remporte l'Eurovision cette année-là. Vingt-sept ans plus tard, c'est au tour du jeune homme de faire danser l'Europe entière comme candidat du Royaume-Uni au concours européen de la chanson, dont la finale est prévue pour le 11 mai à Malmö, en Suède. Le chanteur a toujours le même visage angélique, mais n'a plus rien d'un gamin. On aimait bien la pop/house de gentils Britanniques qu'il faisait avec Years & Years. Mais… pour l'Eurovision ? Alléluia, Olly a eu une poussée de queeritude au passage de la trentaine et du lancement de sa carrière solo (parfois ça prend des années et des années) : moule-bite doré, chaps de cow-boy qui fait la tournée des saloons, petite robe en tulle, crop-tops plus serrés que les fesses du plus actif de tes actifs, le tout couplé à une gestuelle et à une mise en scène plus-queer-tu-meurs.

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Le twink a chaud : dans "Sweet Talker", Olly Alexander se balade dans un château médiéval comme une princesse prête à se faire explorer les douves ; pour le clip de "Crave", il prend des airs de fée Clochette touzeuse en jockstrap sous champis. Musicalement, il prend du beat, du rythme. De quoi amener un peu de peps à son électro-pop lascive typiquement british ne demandant qu'à électriser les foules. Avant sa musique faisait danser, maintenant elle nous fait bouger du boule.

Olly Alexander + Eurovision = <3

Et il n'en peut plus : quand nous le retrouvons, Olly est excité comme une puce en montée de poppers. "L'Eurovision, c'est les Jeux olympiques gays", s'extasie-t-il. Ma belle, tu dis les termes ! Du flashy, des divas, de la flamboyance : on a-do-re. "L'Eurovision coche toutes les cases pour plaire au public gay : la théâtralité, des performances éclairs, intenses, spectaculaires", liste le chanteur. Et puis bon, ça fait presque trente ans que chaque année on profite de l'événement pour inonder de paillettes les foyers européens : Dana International et Conchita Wurst sont notre tête de pont ! Dès 1961, on s'infiltrait déjà avec "Nous les amoureux" de Jean-Claude Pascal. Un gay sur la scène de l'Eurovision, c'est comme du tofu dans un brunch vegan.

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"Je suis gay, j'en suis très fier et je m'apprête à monter sur l'une des plus grandes scènes du monde. Certains y percevront sûrement un acte politique, c'est inévitable. Lorsque vous êtes gay, votre existence est politique par nature", disserte le chanteur. Alors… le lobby ne t'a pas attendu pour queerifier les masses, mon petit Olly, mais merci de participer ! Tu veux dégainer la carte gay ? Tu as de la concurrence : la jeune génération bouffe du Lil Nas X et du Troye Sivan au petit-dej, donc tu ne vas pas pouvoir te contenter d'un simple harnais en cuir rose et d'un jockstrap assorti. Il faut reconnaître que jusqu'ici le Britannique fait le job. Il aime autant se dévoiler sur Insta sous ses plus beaux atours queers qu'y ouvrir sa gueule pour défendre nos droits. "Tout ce que je peux faire, c'est être moi-même du lever au coucher", assure-t-il. La santé mentale, le harcèlement scolaire, l'éducation sexuelle à l'école... il en parle, et bien. Dans ce domaine, le fameux producteur Russell T Davies (qui nous a offert le Queer as Folk originel) l'a adoubé en lui donnant le rôle principal de la série It's a Sin, qui décrit le début de l'épidémie de sida en Angleterre.

"On est dans l'émotion brute, on est dans le salon des gens."

Donc pour Olly, l'Eurovision, c'est une nouvelle marche ; il croit en l'émission et en son influence. Elle s'adresse à tous sans distinction, jeunes et vieux, fans d'Hanouna, consommateurs honteux de Frenchie Shore ou amateurs distingués de la Nouvelle Vague tchèque. "On donne tout ce qu'on a sur scène dans l'espoir de connecter avec le public, peu importe qui nous regarde, explique-t-il. On est dans l'émotion brute, on est dans le salon des gens." Mais malgré sa gueule d'ange, Olly ne va pas se contenter de jouer au gendre idéal. Pour ces Olympiades queers, hors de question qu'on se contente d'une mi-molle ! À l'occasion de la sortie de l'album Night Call, en 2022, le chanteur hésitait sur la marche à suivre, se demandant dans les pages de têtu jusqu'où son public hétéro allait le suivre. C'est fini tout ça, Olly n'a plus d'états d'âme : "Je ne vais pas chercher à deviner les attentes du public. Je sais que j'inspirerai peut-être du rejet, que certains seront confus, mais c'est mieux que laisser le public indifférent."

La provocation ? "Ça m'excite", s'amuse-t-il avec son sourire insolent. Quand il a appris sa participation à la compétition, en décembre, Olly était aussi extatique que le directeur de la rédaction de têtu devant un concert de Mylène Farmer. Promis, il allait porter "le drapeau du Royaume-Uni de la manière la plus gay possible" : "Ce sera puissant, spectaculaire et inoubliable." Non content d'être de la fanfare, Olly Alexander compte bien être tout l'orchestre. Pour le morceau qu'il présente à l'Eurovision, "Dizzy", il a continué à piocher ses influences dans la bande-son très inspirée de It's a Sin : Asia, The Pet Shop Boys, New Order, George Michael, et toutes ces stars des années 1980 dont les échos se font ressentir dans tous les derniers titres du chanteur. Mais Olly a encore du pain sur la planche. Ses aînés ont construit une montagne de paillettes ; la gravir est l'équivalent gay des douze travaux d'Hercule. N'ayez pas peur, il compte bien vous en mettre plein la vue : "Trop gay ? Trop féminin ? Fuck, je serai encore plus gay et vous ferez avec", lâche-t-il, le menton fier.

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Crédit photo : Damon Baker

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