Dans ce portrait d'une "femme de plus de 50 ans" qui plonge dans la précarité, le réalisateur Morgan Simon met en scène une sororité amoureuse qui envoie valser les représentations habituelles. Valeria Bruni Tedeschi éblouit dans cette chronique sociale en forme d'ode à la deuxième chance, sortie au cinéma ce mercredi 4 septembre.
Dans son premier long-métrage, Compte tes blessures (2017), le cinéaste Morgan Simon construisait un trio inédit et ambigu entre un père, sa nouvelle copine et son fils. La figure de la mère, absente de ce premier opus, est plus que centrale dans son nouveau film, Une vie rêvée.
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À l’approche des fêtes de Noël, Nicole (Valeria Bruni Tedeschi), la cinquantaine, est au bord du gouffre. Délestée de son chéquier et de sa carte bancaire, isolée dans sa cité de banlieue parisienne, elle ne parvient pas à trouver un emploi et son fils, Serge (le formidable Félix Lefebvre, découvert dans Été 85 de François Ozon), ne la supporte plus malgré ses multiples tentatives, maladroites et désespérées, de faire bonne figure et de réenchanter leur quotidien. Après une violente engueulade le soir du réveillon, Serge quitte l’appartement familial, la laissant seule face à son déclin. Chronique sociale, drame familial intimiste, Une vie rêvée se mue alors en récit d’une possible seconde chance…
Valeria Bruni Tedeschi au sommet de son art
Abandonnée, Nicole va faire céder toutes les digues de ses empêchements. Poussée à sortir de son enclavement, elle va s’ouvrir aux autres, à ce monde qui l’entoure et qu’elle ne faisait que traverser comme un environnement hostile pour se réfugier dans son appartement-cocon. Sa rencontre avec Norah (Lubna Azabal, force tranquille), patronne du bistrot du quartier, sera décisive. À son contact, Nicole va explorer des territoires jusqu’alors inconnus : une solidarité qui donne le courage d’affronter les emmerdes, une sororité qui permet d’envisager autrement les rapports humains, une rencontre qui peut changer une vie. La relation entre les deux femmes est le point d’orgue à la fois pudique et bouleversant de cette histoire singulière qui s’inspire directement de celle du réalisateur et de sa mère.
Rien n’est ici démonstratif ou théorique, et la vision de ces deux femmes quinquagénaires, qui semblent s’apprivoiser à la façon de deux jeunes filles qui ne comprennent pas vraiment ce qui leur arrivent, est à la fois inédite et puissante. Présente à chaque plan, Valeria Bruni Tedeschi, au sommet de son art, donne puissamment corps à Nicole, ce personnage de mère instable et déclassée qui ne sait plus à quoi se raccrocher. Drôle et fantasque, désespérée et désespérante, elle irradie d’une présence particulière qui rappelle les grandes héroïnes populaires du cinéma néoréaliste italien, belles et rebelles.
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Crédit photo : Wild Bunch Distribution