Dans une pétition signée par la maire de Paris, Anne Hidalgo, ainsi que par des parlementaires, des militant·es et des professionnel·les de santé, l'association Élus locaux contre le sida appelle l'État à mettre en œuvre une véritable politique de prévention face au phénomène du chemsex, en s'inspirant notamment de la démarche "d'aller-vers" qui a fait ses preuves dans la lutte contre le VIH.
Après nous être réuni·es ce jeudi 17 octobre 2024 à l’Hôtel de Ville de Paris à l’initiative d'Élus locaux contre le sida, nous, élu·es locaux et nationaux, militant·es associatifs, professionnel·les de santé, exprimons notre vive inquiétude face au phénomène grandissant du chemsex. À travers ce manifeste, nous interpellons le nouveau gouvernement, et notamment son Premier ministre, pour qu’il prenne des mesures urgentes et spécifiques à ce groupe de consommateurs, afin de répondre à cette crise et d’améliorer la santé globale des personnes concernées. Nous appelons les citoyennes et les citoyens à se saisir de cette question en signant la pétition.
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Pour rappel, le chemsex est une pratique visant à combiner sexe et prise de drogues de synthèse et est en dangereuse expansion à tout âge, entraînant nombre de conduites à risque pouvant causer la mort dans le pire des cas. Les chiffres sont alarmants : les études estiment une prévalence de la pratique du chemsex de 3 à 29% chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes et ce phénomène est associé à des risques sanitaires majeurs, notamment des transmissions accrues d’infections sexuellement transmissibles (IST), des intoxications par surdose, et des troubles psychologiques et des problématiques psychosociales associées. Cette pratique concernait déjà entre 100.000 et 200.000 personnes, selon le rapport Chemsex rendu, le 17 mars 2022, par le professeur A. Benyamina au ministre chargé de la Santé. Malheureusement, malgré ces chiffres préoccupants, rien n'a été fait au niveau national pour lutter efficacement contre ce fléau.
Pour une politique nationale
C'est dans ce contexte urgent que des responsables associatifs et des élu·es locaux se sont réunis ce jour, à l'initiative d'Élus locaux contre le sida, et de son président et adjoint à la maire de Paris, monsieur Jean-Luc Romero-Michel. Les discussions qui se sont tenues entre les différentes parties prenantes ont abouti à la nécessité d’appeler les pouvoirs publics à construire une politique nationale permettant de lutter efficacement contre les dangers sanitaires et sociétaux (risques épidémiques VIH/VHC et désinsertion sociale) et les risques individuels du chemsex. Il s’agit donc d’identifier le phénomène dans ses formes actuelles, d’informer le grand public des risques à court, moyen et long termes, en particulier les jeunes, et soutenir l’ensemble des acteurs de terrain impliqués dans la prise en charge des personnes ayant recours à la pratique du chemsex.
- De fait, nous demandons une politique nationale devant être déclinée dans chaque territoire avec l’appui des agences régionales de santé (ARS) et des collectivités, afin de construire les réponses les plus adaptées, selon les besoins locaux. Plus précisément, nous invitons le gouvernement à mettre en œuvre les solutions qui figuraient notamment dans la proposition de résolution qui devait être portée devant la chambre basse le 19 juin – mais annulée en raison de la dissolution de cette dernière – par la députée Brigitte Liso, présidente du groupe d’études VIH et sida à l’Assemblée nationale. Dans cette proposition de résolution figuraient les mesures suivantes :
- Établir un état des lieux épidémiologique précis du chemsex, afin de mieux comprendre les déterminants et les conséquences addictologiques, sociales et médico-légales d’un phénomène en expansion et y répondre de manière adaptée et ciblée.
- Sensibiliser, informer largement et développer, en lien avec les associations et les établissements recevant du public, une offre de formation à destination de l’ensemble des personnels appelés à être en contact avec les personnes pratiquant le chemsex, en premier lieu les professionnels de santé incluant les pharmaciens d'officine, les acteurs médico-sociaux et associatifs, mais également les personnels judiciaires, scolaires et universitaires.
- Pleinement intégrer l’enjeu du chemsex aux différents dispositifs et actions de prévention combinée et de réduction des risques. La prescription de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) ou des traitements comme prévention (TasP), les rendez-vous de suivi des risques VIH, tout comme les différents dépistages et campagnes de vaccination devront permettre de délivrer des informations et conseils de prévention en santé sexuelle intégrant l'usage de chemsex, d’identifier de potentielles situations à risque, et les prendre en charge, le cas échéant. La prévention et la sensibilisation aux usages sexualisés de drogues pourront être abordées pendant la consultation gynécologique proposée aux 15-18 ans ainsi qu’à l’occasion des bilans de prévention mis en place aux âges clés de la vie.
- Accompagner les associations et les structures de terrain en première ligne telles que les centres de santé sexuelle (CSS), les centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic (Cegidd), les centres de santé communautaires, les consultations de prescription PreP, les centres addictologie (Csapa et Caarud), les équipes de liaison et de soins en addictologie (Elsa), les maisons santé-jeunesse, les établissements recevant du public et les associations de lutte contre le sida et les hépatites dans leur ensemble pour renforcer précocement l’accessibilité à des prises en charge globales des personnes pratiquant le chemsex, dans une logique "d'aller-vers".
- Encourager les parcours de prévention dans des villes volontaires, en lien avec les collectivités locales, sur le modèle, par exemple, de ce qui a été initié à Paris.
- Mettre en place des campagnes de prévention "hors les murs" (lieux de fête, établissements recevant du public, espaces publics, lycées, universités, grandes écoles, etc.) et intégrer le chemsex aux campagnes de promotion de la santé sexuelle en soutenant Santé publique France et les associations.
- Collaborer avec les plateformes, sites, applications et établissements de rencontres afin de bâtir avec elles une stratégie de prévention des IST et sensibiliser les utilisateurs aux risques du chemsex, en proposant des outils de repérage précoce des usages à risque et des liens (associatifs ou gouvernementaux) facilitant l'orientation au sein des parcours de prises en charge.
- Premiers signataires :
- Jean-Luc Romero-Michel – Président-fondateur d'Élus locaux contre le sida (ELCS), adjoint à la maire de Paris en charge des droits humains, de l’intégration et de la lutte contre les discriminations.
- Anne Hidalgo – Maire de Paris
- Parlementaires :
- Ian Brossat – Sénateur (PC) de Paris
- Colette Capdevielle – Députée (PS) des Pyrénées-Atlantiques
- Marie-Pierre de La Gontrie – Sénatrice (PS) de Paris
- Arthur Delaporte – Député (PS) du Calvados
- Olivier Falorni – Député (Modem) de Charente-Maritime
- Rémi Féraud – Sénateur (PS) de Paris
- Emmanuel Grégoire – Député (PS) de Paris
- Steevy Gustave – Député (Les Écologistes) de l’Essonne
- Patrick Kanner – Sénateur (PS) du Nord
- Andy Kerbrat – Député (LFI) de Loire-Atlantique
- Élise Leboucher – Députée (LFI) de la Sarthe
- Brigitte Liso – Députée (Ensemble pour la République) du Nord
- Anne Souyris – Sénatrice (Les Écologistes) de Paris
- Nicolas Thierry – Député (Les Écologistes) de Gironde
- Élu·es locaux :
- Maya Akkari – Conseillère de Paris
- Julien Beraud – Adjoint au maire de Moissy-Cramayel, secrétaire général d'ELCS
- Patrick Bloche – Premier adjoint à la maire de Paris
- Yann Botrel – Adjoint au maire de Charly
- Anne-Claire Boux – Adjointe à la maire de Paris en charge de la Santé
- Laura Cinieri – Conseillère municipale de Saint-Etienne
- Tony Di Martino – Maire de Bagnolet
- Geneviève Garrigos – Conseillère de Paris
- Johanne Kouassi – Conseillère de Paris
- Sylvie Justome – Adjointe au maire de Bordeaux
- Roger Madec – Conseiller de Paris
- Christophe Najdovski – Adjoint à la maire de Paris
- Laurence Patrice – Adjointe à la maire de Paris, vice-présidente d'ELCS
- Éric Pliez – Maire de Paris 20ᵉ
- Emmanuelle Marie-Pierre – Maire de Paris 12ᵉ, vice-présidente d'ELCS
- Olivia Polski – Adjointe à la maire de Paris
- Elisabeth Ramel – Ancienne élue, secrétaire générale d'ELCS
- Marie-José Raymond-Rossi – Conseillère de Paris
- Chloé Sagaspe – Conseillère de Paris
- Nadia Semache – Adjointe au maire de Saint-Étienne
- Florian Sitbon – Conseiller de Paris
- Eléonore Slama – Adjointe à la maire du 12ᵉ arrondissement de Paris
- François Vauglin – Maire de Paris 11ᵉ
- Ariel Weil – Maire de Paris Centre
- Militant·es associatifs :
- Habiba Bigdade – Membre du comité national Ligue des droits de l'Homme, ancienne adjointe au maire de Nanterre, secrétaire générale d'ELCS
- Jonathan Denis – Président de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), secrétaire général d'ELCS
- Fred Bladou – Chargé de mission actions communautaires à Aides
- Professionnel·les de santé :
- Hélène Donnadieu – Docteur, professeur d'université, responsable du service addictologie au CHU de Montpellier
- Laurent Karila – Médecin psychiatre
- Amine Benyamina – Professeur de psychiatrie et addictologie
- Benjamin Rolland – Médecin et professeur d'université en addictologie
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Crédit illustration : campagne de prévention de la Ville de Paris sur la pratique du chemsex.