tribunePour, enfin, une politique de prévention sur le chemsex !

Par tribune le 09/03/2023
Pour une politique de prévention sur le chemsex

Alors que le sujet du chemsex s'est invité dans les médias généralistes à la suite de l'accident dramatique de Pierre Palmade, plusieurs personnalités politiques et du secteur sanitaire appellent dans une tribune à sortir des amalgames et jugements pour concevoir une politique de santé publique à la hauteur des enjeux.

Depuis l’accident dramatique de Pierre Palmade, des pseudo-experts et autres commentateurs racontent tout et n’importe quoi sur les plateaux télé à propos du chemsex. À les entendre, la pratique serait un fléau social, aussi dangereux pour la société qu’il serait pratiqué par des personnes peu recommandables… Ne mélangeons pas tout : l’affaire Palmade est d’abord un fait divers atroce dans lequel est impliquée une personnalité publique ayant enfreint la loi en conduisant sous l’emprise de stupéfiants, provoquant le drame que l’on connaît. Ce n’est donc pas la pratique du chemsex en elle-même qui a provoqué cet accident !

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Le chemsex consiste à avoir des relations sexuelles sous l’emprise de produits psychoactifs. Actuellement, les hommes homosexuels sont les premiers concernés par le développement de ce phénomène, l’expérience de l’homophobie ou de la sérophobie formant notamment un terreau favorable aux addictions. Mais comme tout usage de stupéfiants, le chemsex représente avant tout un risque pour l’utilisateur. Combien de nos voisins, de nos proches ou de nos collègues de bureau ont-ils perdu pied avec leur consommation ? Combien se désocialisent à force de passer leurs week-ends dans des paradis artificiels ? Combien sont morts pour quelques gouttes de GBL en trop ? En raison de la mauvaise qualité des produits achetés ? Des secours qui n’ont pas été appelés par crainte d’être inquiété par les forces de l’ordre ?

Les conséquences de ce phénomène, qui prend de l’ampleur, méritent d’être abordées par une politique nationale ambitieuse : formons nos médecins, nos infirmiers, les pharmaciens et autres travailleurs du milieu de la santé. Ils doivent pouvoir détecter des situations de détresse, accueillir, orienter et conseiller leurs patients. Donnons aux personnes les moyens de poser les questions, de s’informer sans être jugées dans leur pratique, car on ne parvient jamais à régler un problème de santé publique par la moralisation. Généralisons les analyses des produits, venant le plus souvent de Chine, d’Inde, des Pays-Bas ou de Pologne.

Nous devons également nous outiller pour piloter cette politique. Il est urgent de faire l’état des lieux épidémiologique du phénomène : chiffrons les morts, les comas et les suicides liés à cette pratique, sachons combien se perdent et combien ont un usage raisonnable de ces stupéfiants. Osons une politique dite "d’aller-vers" les populations concernées, qui a fait ses preuves dans le domaine du VIH/sida. Osons donner les moyens aux centres de santé sexuelle (CeGIDD), aux centres d’addictologie (CSAPA), à tous les services qui prennent en charge les usagers. Osons lutter efficacement contre les addictions et débattons de la prohibition des drogues afin que, sur ce sujet, le ministre de l’Intérieur se tourne davantage vers celui de la Santé que vers celui de la Justice.

Signataires : 

Jean-Luc Romero-Michel, adjoint (Parti socialiste) à la maire de Paris chargé des droits humains, de l'intégration et de la lutte contre les discriminations
Ségolène Amiot, députée (France insoumise) de Loire-Atlantique
Hervé Saulignac, député (Parti socialiste) de l’Ardèche
David Valence, député (Parti radical) des Vosges
Maxime Minot, député (Les Républicains) de l’Oise
Raphaël Gérard, député (Renaissance) de Charente-Maritime
Rémi Féraud, sénateur (Parti socialiste) de Paris
Emmanuelle Pierre-Marie, maire (EELV) du XIIe arrondissement de Paris
Anne Souyris, adjointe (EELV) à la mairie de Paris en charge de la Santé
David Belliard, adjoint (EELV) à la mairie de Paris en charge des transports
Act Up-Paris
Camille Spire, présidente de Aides
Iris Bichard, praticienne en réduction des risques et des dommages (RdRD) liés au chemsex à l’hôpital Saint-Louis de Paris
Jean-Victor Blanc, psychiatre à l'APHP

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Crédit illustration : têtu·