éditoChemsex : protéger et prévenir

Par Thomas Vampouille le 17/02/2023
Le drame de l'affaire Pierre Palmade braque les projecteurs sur le chemsex.

Le drame de l'accident de Pierre Palmade braque les projecteurs sur le chemsex. Mais au lieu de déblatérer avec paresse sur un sujet complexe, nous devrions collectivement réfléchir à une politique de santé publique efficace face à la drogue, ce que nous refusons de faire depuis cinquante ans. Or, si une méthode échoue, c'est bien la répression moralisatrice sur l'air de "la drogue, c'est de la merde". Il est plus que temps de changer de paradigme.

La drogue fait des ravages, c’est entendu, sinon on n’en parlerait pas ; le problème, c’est qu’elle ne fait pas que ça, sinon on n’en prendrait jamais. Une fois cette porte ouverte bien défoncée, que faire face au déferlement massif des nouveaux produits de synthèse (NPS), et de phénomènes associés comme le chemsex, qui peut mener à des accidents et à des addictions ?

À lire aussi : Chemsex : où trouver un accompagnement face à l'addiction

L’histoire nous enseigne deux options : prohibition ou prévention. Avec le recul, les politiques qui ont fait leurs meilleures preuves sont bien celles de prévention du risque. La prohibition de l’alcool, tentée outre-Atlantique au début du XXe siècle, a échoué. La France en revanche a fait la preuve qu’un changement de paradigme, lequel a notamment mené à la loi Évin, faisait efficacement reculer l’alcoolisme. En n’interdisant pas le produit mais en contrôlant sa qualité et en inventant des politiques sanitaires réalistes, la consommation des Français est tombée de 200 litres d’alcool par an en 1960 à 80 litres aujourd’hui.

On peut aussi tenter de concilier prohibition et prévention. C’est ce que fait la France concernant la drogue, qu’elle continue de prohiber tout en ayant mis en place, entre autres, la distribution gratuite de seringues en pharmacie ou la possibilité pour un addict de trouver une prise en charge sans sortir sa carte Vitale. Reste que, s’il dispose aussi de salles de consommation, à Paris par exemple l’usager craint encore dans la rue de se faire arrêter avec ses quelques grammes dans le sac.

Tabou = honte

Or la politique de la guerre à la drogue reste une impasse. Les coups de menton et les opérations spéciales des ministres de l’Intérieur successifs ne font pas le poids face à des paradis artificiels de plus en plus faciles d’accès, commandés en quelques clics et envoyés à domicile. Le chemsex, en particulier, comme le montre notre dossier spécial, est un phénomène qui dépasse largement ses produits, et pour lequel la prévention des risques doit mêler psychiatrie, addictologie, sexologie…

Face à cette déferlante, reprendre l’air de “la drogue c’est de la merde”, slogan dépassé des années 1990, ne permettra toujours pas d’aider celles et ceux qui en deviennent les victimes. Dans son dernier mandat, le président le plus jeune de cette République a l’opportunité de déclencher un nouveau changement de paradigme. Une approche fine de la drogue, qui partirait des acteurs du terrain – l’hôpital Marmottan, les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Cspa), les associations d’autosupport –, qui comme personne ont l’expérience de ces parcours. Parce que le tabou de la drogue enferme encore les consommateurs dans le silence et l’isolement, alors que l’on sait depuis longtemps qu’on ne sort pas de l’addiction sans connexions sociales. Pour créer du lien, notre communauté le sait, il faut se débarrasser de la honte. Et pour se débarrasser de la honte, il faut que les pouvoirs publics reconnaissent enfin que la drogue concerne beaucoup plus de personnes qu’ils ne veulent le voir. Dépénalisons maintenant et passons, résolument, à l’action préventive.

À lire aussi : Sexe & drogue : prévenir rend plus fort face au phénomène chemsex

Crédit photo : Sander Koning / ANP via AFP