Élue le 5 novembre à la Chambre des représentants pour l'État du Delaware, Sarah McBride est habituée à être "la première femme trans à…". Elle l'est également des attaques puantes dont elle fait l'objet, et n'a pas l'intention de baisser la tête.
"Ils vont (…) tenter de me provoquer et mon boulot sera de ne pas leur donner la réaction qu'ils attendent." Dès avant son élection, le 5 novembre, à la Chambre des représentants pour l'État du Delaware, qui fait d'elle la première femme transgenre à entrer au Congrès américain, Sarah McBride se montrait lucide sur les réactions d'hostilité que ne manquerait pas de susciter sa victoire. "Ils essaieront peut-être de me mégenrer, ils essaieront peut-être d'utiliser le mauvais nom, ils feront ce que l'on peut prévoir qu'ils feront", énumérait l'élue âgée de 34 ans dans une interview en octobre au podcast TransLash.
À lire aussi : Aux États-Unis, l'exil de familles queers face à la transphobie d'État
De fait, avant même sa prestation de serment qui aura lieu le 3 janvier, une élue républicaine a d'ores et déjà présenté une résolution pour empêcher les femmes transgenres d'utiliser les toilettes pour femmes du Capitole. "Ce n'est pas parce qu'un élu veut porter une minijupe qu'il peut aller dans les toilettes des femmes", a déclaré Nancy Mace, représentante de la Caroline du Sud. Également du Parti républicain, le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, s'est dit favorable à cette interdiction, affirmant que "toutes les infrastructures non mixtes" étaient "réservées aux personnes de ce sexe biologique". "Je ne suis pas ici pour me battre au sujet des toilettes", a rétorqué l'intéressée dans un communiqué, indiquant qu'elle respecterait le règlement même "si elle n'était pas d'accord avec".
Sarah McBride, pionnière à Washington
Aux États-Unis, sous les coups de boutoir incessants de la droite, les droits des personnes transgenres sont devenus depuis plusieurs années l'objet d'une guerre culturelle. La présence des personnes trans dans le débat public, leur participation à des compétitions sportives féminines et encore l'accès aux soins de transition avant la majorité suscitent des débats haineux alimentés par les républicains. Donald Trump s'est abondamment servi de ce sujet dans sa campagne 2024, investissant des millions de dollars dans des clips transphobes et promettant notamment de "dégager cette folie transgenre de nos écoles et d'empêcher les hommes de participer aux sports féminins".
Sarah McBride, qui a raconté en 2018 son parcours dans ses mémoires intitulés Tomorrow Will Be Different (Demain sera différent), a commencé à se faire connaître en 2012 avec une lettre ouverte annonçant sa transition au moment de ses études à l'American University de Washington. La même année, elle effectue un stage dans l'administration Obama, devenant la première femme ouvertement transgenre à travailler à la Maison-Blanche. Elle a ensuite milité pour l'adoption d'une loi contre la discrimination et les crimes haineux fondés sur l'identité et l'expression de genre, promulguée en 2013 dans le Delaware – qui est aussi l'État d'origine de Joe Biden. Une bataille qui lui avait déjà valu des insultes, en particulier les qualificatifs de "monstre" et d'"incarnation du diable"… "Devoir entendre tout ça était humiliant et déshumanisant pour mon enfant, confiait sa mère, Sally, au Washington Post en 2018. J'ai encore du mal à m'en remettre."
Cela n'avait pas empêché sa fille de devenir en 2020 la première sénatrice transgenre au Parlement de l'État. En 2016, elle avait encore été la première personne trans à s'exprimer sur scène lors de la convention d'un parti américain, le Parti démocrate. Aujourd'hui, elle affirme que son objectif est d'être une élue efficace au Congrès, concentrée sur les préoccupations de tous les jours. Mais elle sait que son statut compte : "Je ne peux pas faire justice à la communauté trans si je ne donne pas le meilleur de moi-même au Congrès pour le Delaware, a-t-elle déclaré. C'est le seul moyen pour que les gens voient que les personnes trans peuvent être de bons médecins, de bons avocats, de bons éducateurs, de bons élus." On sait déjà que quoi qu'elle fasse, le lobby réac racontera le contraire.
À lire aussi : Karine Jean-Pierre, première porte-parole lesbienne de la Maison Blanche
Crédit photo : Samuel Corum / AFP