mondePour la fin de sa campagne présidentielle, Donald Trump mise gros sur la transphobie

Par Nicolas Scheffer le 23/10/2024
Donald Trump en meeting au Madison Square Garden, New York, le 27 octobre 2024.

Dans la dernière ligne droite de sa campagne pour l'élection présidentielle du 5 novembre, le candidat républicain Donald Trump mobilise son électorat conservateur en multipliant les déclarations et promesses transphobes, investissant des sommes colossales dans des spots sur le sujet.

Alors que la campagne présidentielle 2024 touche à sa fin aux États-Unis, l'équipe du candidat républicain, l'ancien président Donald Trump, a dépensé 19 millions de dollars pour que deux spots de télévision soient diffusés 55.000 fois les quinze premiers jours d'octobre, notamment pendant des matchs de football américain, rapporte CBS news – selon le New York Times, plus de 65 millions de dollars ont été utilisés à cette fin depuis août. Le vote se déroulant dans à peine quelques semaines, le 5 novembre, le sujet de cette campagne massive devait être essentiel : le chômage ? le réchauffement climatique ? la guerre commerciale avec la Chine ? Non : la possibilité pour les détenus d'accéder à des transitions médicales.

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À l'adresse de son opposante Kamala Harris, Donald Trump avait déjà lancé, lors du seul débat entre les candidats, le 10 septembre : "Elle a fait des choses que personne n'imaginerait. Maintenant, elle veut faire des opérations de transgenres sur les immigrants illégaux qui sont en prison." Quelle que soit la réalité derrière cette affirmation (permises sous Obama, ces opérations ont été limitées par Trump avant que la Cour suprême ne considère ces restrictions comme violant le huitième amendement de la Constitution sur les châtiments cruels), on y voit clairement la stratégie mise en place pour espérer remporter l'élection : le Parti républicain joue à fond sa partition transphobe. Avec un nouveau slogan, face à la candidate démocrate (et actuelle vice-présidente) qui soigne les signaux qu'elle envoie à la communauté LGBTQI+ : "Kamala est pour iel. Le président Trump est pour vous."

Empêcher les transitions de genre

Depuis plusieurs années déjà, les conservateurs américains ont réussi à inverser la lente acceptation des personnes trans dans la population. Si en 2017, lors de l'élection de Donald Trump, 54% des Américains considéraient que le genre était déterminé par le sexe à la naissance, d'après une étude du think tank Pew Research Center, ils sont 60% en 2022. Il s'agit par ailleurs de galvaniser les évangélistes blancs, soutiens indéfectibles de l'ancien président, pour qui la progression des droits des personnes trans est un fort enjeu de mobilisation électorale : en 2022, 68% d'entre eux considéraient que la société américaine était allée trop loin dans l'acceptation des personnes trans, contre 38% de l'ensemble de la population du pays.

Dès les débuts de la primaire républicaine, Trump avait donné le ton. Dans une vidéo de quatre minutes où il déroulait son programme concernant la transidentité, en février 2023, il s'en prenait aux transitions des mineurs : "L'insanité poussée par la gauche concernant le genre des mineurs est un acte de maltraitance des enfants. Sous mon leadership, cette folie prendra fin." Sur ce terrain de la rhétorique LGBTphobe, il double vite son fils spirituel Ron DeSantis, le gouverneur de Floride devenu son concurrent pour l'investiture. "Dès le premier jour" de son mandat, Trump annonce vouloir empêcher les médecins et les hôpitaux qui délivrent des soins d'affirmation de genre aux mineurs trans d'être affiliés aux systèmes de sécurité sociale Medicaid et Medicare, relaie The Hill. S'il est réélu, promet-il encore, les agences fédérales devront arrêter tout programme qui "fait la promotion du concept de transition de sexe et de genre à n'importe quel âge" et il sera interdit d'utiliser le budget de l'État fédéral pour financer des interventions d'affirmation de genre.

Le 17 octobre, le désormais candidat républicain s'invite chez un barbier du Bronx pour répondre à des questions de ses clients sur son programme. Sur l'école, par exemple : "Pas de transgenre, pas d'opération. Vous savez, ils prennent votre enfant. Dans certains endroits, votre garçon part pour l'école, et il revient en fille. Sans que vous ayez donné votre accord."

Un premier mandat déjà réac

Pour 2024, il a trouvé sa nouvelle marotte : les athlètes trans. En août, il accuse Kamala Harris d'être "une activiste trans radicale qui laisse les hommes battre les femmes au nom de la tolérance", en référence aux boxeuses Imane Khelif et Lin Yu-ting, participantes cis aux Jeux olympiques de Paris cibles d'insultes transphobes. Le 16 octobre, sur la chaîne Fox News, à une grand-mère qui se dit inquiète pour ses petites-filles qui pourraient être agressées dans les vestiaires, le candidat républicain promet d'interdire aux personnes trans de concourir dans des compétitions en accord avec leur identité de genre : "C'est une question tellement simple, on ne laissera pas faire (…), le président interdit et on ne laissera pas faire cela." Devant les clients du barbier, le lendemain, il réitère : "Vous n'allez plus avoir des hommes en compétition féminine. C'est complètement fou."

Le premier mandat de Trump avait déjà été marqué par des discours et des politiques anti-LGBT+, en particulier transphobes. En 2017, l'une de ses premières mesures avait ainsi été d'interdire aux étudiants trans d'utiliser les toilettes selon leur identité de genre. Après l'interdiction faite également aux personnes transgenres de servir dans l'armée, arguant d'un "énorme coût médical et en termes d'organisation", son administration a voulu mettre fin aux lois protégeant de la transphobie puis a modifié l'Affordable Care Act (la couverture minimale de santé universelle) pour qu'il ne concerne pas les soins liés à une transition de genre. Avec Mike Pence comme vice-président, Donald Trump s'était largement affiché auprès de Viktor Orbán, le Premier ministre le plus anti-LGBT+ de l'Union européenne (UE), mais aussi le président russe, Vladimir Poutine. Ambitionnant manifestement de contester à ce dernier le titre de fer de lance du monde réactionnaire.

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Crédit photo : Angela Weiss / AFP

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