LGBTphobieLois anti-trans aux États-Unis : des juges commencent à freiner le lobby réac

Par Quentin Martinez le 23/06/2023
L'Arkansas fut le premier État à adopter un texte anti-trans radical.

Alors que la communauté LGBT+ américaine subit depuis trois ans, dans les États dirigés par la droite (Arkansas, Floride, Indiana…), les assauts répétés des législateurs réactionnaires qui multiplient des lois anti-trans – les mêmes interdisent l'avortement –, les juridictions sont appelés à la rescousse et commencent à contrer le mouvement.

Le lobby réac découvre qu'il n'est pas au-dessus des lois. En Arkansas, dans le Sud des États-Unis, le juge fédéral James Moody a rendu ce mardi 20 juin un arrêt bloquant définitivement la loi qui interdisait aux personnes trans de bénéficier de tout traitement d'affirmation de genre jusqu'à l'âge de 19 ans. L'Assemblée générale de l'Arkansas, dominée par le Parti républicain, avait voté en mars 2021 ce texte, trois semaines après avoir interdit l'avortement même en cas de viol ou d'inceste, faisant de l'Arkansas le premier État du pays à adopter un texte anti-trans aussi radicale.

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Des familles ont ensuite entamé des actions en justice pour contester la constitutionnalité de cette loi. De fait, le juge l'a déclarée inconstitutionnelle car elle est est discriminatoire à l'égard des personnes trans, et viole par ailleurs les droits des médecins, à qui il était même interdit d'orienter leurs jeunes patients vers d'autres professionnels de santé pour les accompagner dans leur transition. "Plutôt que de protéger les enfants ou de sauvegarder l'éthique médicale […] l'État a sapé les intérêts qu'il prétend défendre", développe James Moody dans son arrêt. Et d'ajouter : "Les preuves ont montré que les soins médicaux interdits améliorent la santé mentale et le bien-être des patients".

Si le procureur général de l'Arkansas a déjà annoncé qu'il ferait appel de la décision, cette première annulation définitive d'une loi anti-trans nourrit l'espoir au sein de la communauté LGBTQI+ américaine, durement éprouvée par la nouvelle offensive réactionnaire qui essaime ces dernières années parmi les États dirigés par la droite américaine. "Cela devrait servir d'exemple, non seulement aux tribunaux mais aussi aux législateurs du pays qui réfléchissent à ces interdictions et à l'opportunité de les mettre en œuvre", a salué Holly Dickson, directrice de l'ONG ACLU d'Arkansas qui milite pour les droits humains.

Arkansas, Floride, Indiana

Dans tout le pays, recense ACLU, une vingtaine d'autres États à majorité conservatrice ont emboîté le pas à l'Arkansas, adoptant à leur tour des mesures interdisant l'accompagnement des mineurs trans. En Floride le gouverneur Ron DeSantis, ex-poulain de Donald Trump devenu son rival, a pris un sacré virage sur l'aile droite, allant d'une loi interdisant d'évoquer les questions LGBT+ à l'école ("Don't Say Gay") jusqu'à interdire en mai dernier l'affirmation de genre pour les mineurs et à rendre quasi-impossible une transition à l'âge adulte. Là aussi, un juge fédéral a émis il y a deux deux semaines une injonction temporaire bloquant la loi anti-trans. "L'identité de genre est réelle. Le dossier le montre clairement", a déclaré Robert Hinkle au moment de rendre sa décision. "Ces dispositions sont invalides car elles interdisent catégoriquement le remboursement par Medicaid [programme national d'aide médicale, ndlr] des traitements hormonaux", a complété le magistrat cette semaine. L'avocate des plaignants qui avaient saisi la justice, Simone Chriss, espère que cette décision va pousser les procureurs de Floride à ne pas poursuivre d'autres médecins et leurs patients trans. Le bureau du gouverneur a annoncé de son côté qu'il ferait appel de la levée d'interdiction.

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Dans l'Indiana, le blocage de la loi anti-trans, qui devait entrer en vigueur le 1er juillet, par le juge James Patrick Hanlon permet également de maintenir les soins aux mineurs trans et leur libre communication avec des médecins d'un autre État pour les aider dans leur affirmation de genre. Le juge, nommé par l'ancien président des États-Unis et réac en chef Donald Trump, n'a toutefois pas étendu sa décision jusqu'aux opérations de réassignation chirurgicale qui resteront interdites dans l'État.

"Quand bien même ils sont en poste et en majorité, les élus républicains ne peuvent pas faire ce qu'ils veulent. Les textes de loi sont soumis à un contrôle de constitutionnalité", souligne auprès de têtu· Anthony Castet, auteur de La fabrique de l'égalité LGBTQ+ aux États-Unis. Au-delà des juridictions des États, le chercheur rappelle l'importance in fine de la Cour Suprême dans ce type de débat de société outre-Atlantique. En juin 2022, celle-ci a par exemple révoqué la protection fédérale de l'avortement, causant un retour en arrière dans plusieurs États conservateurs. "C'est une institution politisée par essence car les juges y sont nommés à vie par le président, reconnaît-t-il. Mais ces derniers sont sensibles aux parcours de vie, aux expériences, notamment quand il est question de droits humains, en l'occurrence de droits LGBTQI+." Les militants LGBTQI+ le savent, la bataille juridique face au lobby réac ne fait que débuter.

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Crédit photo : Anna Moneymaker / Getty Images via AFP