[Rencontre à retrouver dans le magazine têtu· de l'hiver] L'humour est le meilleur moyen de faire passer des messages. Lou Trotignon, qui a reçu le prix de la Révélation de l'année 2024 à la Cérémonie des têtu·, le confirme avec son premier spectacle, Mérou, où il raconte son vécu trans.
Ne vous fiez pas à son air timide, sur scène Lou Trotignon (sacré têtu· de la Révélation de l’année 2024) est comme un poisson dans l'eau. "Ma voix n'est pas très masculine en comparaison de mon apparence, alors je dois aborder LE sujet dès le début." C'est donc avec sa transidentité qu'il commence naturellement son premier seul en scène, qu'il a nommé Mérou comme ce poisson capable de changer de sexe une fois dans sa vie.
L'envie de faire du stand-up lui est venue après le confinement et des études de philosophie écourtées. "Assigné star à la naissance", rigole-t-il, le jeune homme de 27 ans embarque son public dans un récit drôle et authentique où il retrace son apprentissage en tant que personne trans. Avec une visée double en tête : faire en sorte que le public queer se reconnaisse dans son propos tout en sensibilisant les hétéros cisgenres dans la salle. "Au début, j'avais un public presque exclusivement LGBTQI+, explique-t-il. Puis j'ai commencé à faire des comedy clubs en jouant devant des gens pas du tout concernés qui ne s'attendaient pas à voir une personne trans à cet endroit. Là, j'ai fait face à une sorte de mur d'incompréhension, donc j'ai dû trouver des références communes pour qu'on puisse se comprendre."
Humour éducatif
Ayant fait dix ans de théâtre amateur, le natif de Rambouillet, dans les Yvelines, amoureux de l'écriture depuis son plus jeune âge, part avec quelques aptitudes pour construire ce "puzzle mental" qui s'inscrit dans sa volonté d'être "un pont entre le monde queer et le monde hétéro". Nous, on comparerait plutôt son travail à celui d'un équilibriste. "Taper sur les minorités est un ressort humoristique qui a été très utilisé, souligne-t-il. Moi, ce qui m'intéresse, c'est d'utiliser les techniques du stand-up pour rigoler de moi en tant que personne trans sans pour autant taper sur la communauté à laquelle j'appartiens. Je ne cherche pas juste à faire rire, je veux aussi pouvoir éduquer et vulgariser la transidentité. Les salles de spectacle sont un bon endroit pour que des publics différents se rencontrent. Mais, que ce soit clair, je ne fais pas tout ça pour débattre ou convaincre les gens de la légitimité de mon existence."
Ce mélange de générosité et de détermination est d'ailleurs ce qui a séduit Jessie Varin, directrice artistique de la péniche parisienne La Nouvelle Seine, quand elle a repéré l'humoriste à La Petite Loge, une salle d'une vingtaine de places seulement, au début de l'année 2023. "Je me suis dit qu'un débat était en train de se poser dans la société et qu'il fallait se positionner, développe-t-elle. Son spectacle est fait avec humour, bienveillance, autodérision. Si les gens doivent s'interroger et se renseigner sur la transidentité, Lou a trouvé la meilleure des manières." Et ça marche, puisqu'à la fin janvier, après une tournée en France, son ascension se poursuivra dans un lieu plus grand, le théâtre Saint-Georges, dans le IXe arrondissement de Paris. Sa mission reste la même : "Je ne pense pas que l'humour doive être fédérateur, mais si on veut l'être, c'est un excellent outil pour y parvenir."
>> Mérou, de Lou Trotignon. Le vendredi et le samedi à La Nouvelle Seine, à Paris, jusqu'à la fin 2024. Le lundi au théâtre Saint-Georges, à Paris, à partir du 27 janvier 2025.
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Crédit photo : Audoin Desforges / Pasco&co