égliseFrançois : mort d'un pape du "en même temps" sur les questions LGBT

Par Nicolas Scheffer le 22/04/2025
Le pape François est mort ce lundi 21 avril 2025 à l'âge de 88 ans.

Jorge Mario Bergoglio, devenu pape François en 2013, est mort ce lundi de Pâques à l'âge de 88 ans. Le pontificat du jésuite argentin laisse une Église plus accueillante pour les personnes LGBT sans avoir touché à la doctrine catholique qui fait de l'homosexualité un péché.

La mort du pape François, ce lundi 21 avril à l'âge de 88 ans, constitue pour beaucoup de fidèles LGBTQI+ la perte d'un allié concernant leur considération au sein de l'Église catholique. "Si quelqu'un de gay cherche le Seigneur, qui suis-je pour juger ?" répond Jorge Mario Bergoglio dès le début de son pontificat, en 2013, à un journaliste qui lui parle des prêtres homos. En quelques mots, l'ancien archevêque de Buenos Aires semble amorcer un changement de ton notable du catholicisme sur l'homosexualité, là où son prédécesseur, Benoît XVI, n'avait eu de cesse de s'opposer à toute normalisation. Dans le même temps, le 266e pape n'a pas touché à la doctrine officielle et a su ménager les courants conservateurs de l'Église.

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Pour pratiquer ce savant "en même temps", le premier pape jésuite a inversé la dialectique de son prédécesseur : Benoît insistait sur l'acte, François se focalisait sur les personnes. Quand l'Allemand martelait que "la saine réaction contre les injustices commises envers les personnes homosexuelles ne peut en aucune manière conduire à affirmer que la condition homosexuelle n'est pas désordonnée", l'Argentin appelait à "accueillir et respecter" les croyants homosexuels au sein de l'Église. "Être homosexuel n'est pas un crime", professait-il, exhortant les États à abolir les lois "injustes" qui criminalisent le "péché" d'homosexualité.

L'homosexualité, un "péché" mais pas un crime

En 2023, François approuve la déclaration doctrinale Fiducia supplicans. Cette petite révolution autorise les ecclésiastiques à bénir les personnes qui forment un couple de même sexe, et valide au passage le baptême des personnes trans ainsi que des enfants nés d'une gestation pour autrui (GPA) – tout en condamnant cette pratique, assimilée à un "business mondial".

"Tout le monde est invité dans l'Église, y compris les personnes divorcées, les personnes homosexuelles, les personnes transgenres", développe-t-il page 264 de son autobiographie-testament Espère (publiée en janvier aux éditions Albin Michel). Et de raconter : "La première fois qu'un groupe de personnes transgenres est venu au Vatican, elles sont reparties en larmes, émues parce que je leur avais donné la main, un baiser… comme si j'avais fait quelque chose d'exceptionnel pour elles." Avant de répondre à un sentiment profond qu'il a bien identifié au cours de ses rencontres avec des personnes LGBTQI+ : "Si certains ont expérimenté dans leur chair « le refus de l'Église », je voudrais qu'ils sachent qu'il s'est agi plus exactement du refus d'une « personne » de l'Église : parce que l'Église est une mère qui appelle et recueille tous ses enfants." Bref, l'Église pour toustes ?

Le pape François et les "frociaggine"

Dans la même page de son autobiographie, le pape François rappelle néanmoins que Fiducia supplicans ne met pas sur le même plan les couples homos et hétéros, revenant toujours à sa distinction entre les personnes et leurs actes : "On bénit les personnes, pas les relations." Conscient qu'aller plus loin lui aliénerait les franges conservatrices de l'Église, notamment sur le continent africain où le catholicisme est en plein essor, il n'abandonne pas l'idée que les homos puissent retrouver le droit chemin : "Il s'agit de ne pas enfermer dans une situation ou dans une condition la vie entière de ceux qui demandent à être illuminés et accompagnés par une bénédiction." Page suivante, il se fait même plus politique en s'élevant contre "toute colonisation idéologique", prenant pour exemple "la théorie du genre, qui vise à annuler les différences dans la prétention de rendre tout le monde identique".

En 2018, dans un livre d'entretiens intitulé La Force de la vocation, le pape s'était déjà dit "inquiet" de la "mode" de l'homosexualité : "Dans nos sociétés, il semble même que l'homosexualité soit à la mode et cette mentalité, d'une certaine manière, influe aussi sur la vie de l'Église. (...) C'est quelque chose qui m'inquiète", fait-il savoir. Quelques mois plus tôt, alors qu'il rentrait d'une visite en Irlande sur le thème de la pédocriminalité dans l'Église, le pape recommandait aux parents qui apprennent l'homosexualité de leur enfant de les emmener chez le psy : "Quand cela se manifeste dès l'enfance, il y a beaucoup de choses à faire par la psychiatrie, pour voir comment sont les choses. C’est autre chose quand cela se manifeste après 20 ans." En 2021, lors d'une réunion à huis clos avec des évêques italiens, le souverain pontife regrette qu'il y ait trop de "frociaggine" – de "pédés" ou "tapettes" en argot romain – dans les séminaires religieux, avant de publier un communiqué d'excuses. Un sucré-salé que le pape François aura alimenté pendant tout son pontificat.

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Crédit photo : Andreas Solaro / AFP

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