Tout João Pedro Rodrigues au Centre Pompidou

Par Adrien Naselli le 25/11/2016
João Pedro Rodrigues Centre Pompidou

Beaubourg consacre une rétrospective au réalisateur portugais João Pedro Rodrigues, auteur d'une oeuvre exigeante constellée de désirs gays. Ouverture ce soir.

João Pedro Rodrigues Centre Pompidou
Où en êtes-vous João Pedro Rodrigues ?, João Pedro Rodrigues, 2016, © Centre Pompidou, Filmes Fantasma, Le Fresnoy

 
Cette photo est extraite du court-métrage autobiographique Où en êtes-vous João Pedro Rodrigues ?, oeuvre commandée au réalisateur de 50 ans par le Centre Georges-Pompidou, comme il a l'habitude de le faire à chaque fois qu'il programme une rétrospective. Le petit film est obscur, abscons et lumineux; il commence par les parties génitales de João qui descend un escalier.
Cette rétrospective, organisée dans le cadre du Festival d'automne, est aussi l'occasion de découvrir une installation sous la forme d'un gigantesque cube trônant au centre de Beaubourg. A l'intérieur, des vidéos résonnent comme le prolongement de L'Ornithologue, son nouveau film. En salles mercredi 30 novembre prochain, il s'agit du cinquième long-métrage de João Pedro Rodrigues, couronné de succès avec le léopard d'argent du meilleur réalisateur au festival de Locarno et tout récemment avec le Grand prix du jury et le Prix du public au festival Chéries-Chéris. C'est une oeuvre mystique, sensuelle, charnelle, religieuse, blasphématoire, "iconoclaste" pour reprendre les mots du réalisateur. Comme précédemment l'étaient ses deux chefs-d'oeuvre O Fantasma et Odete.
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Tout du long, on suit Fernando, incarné par l'acteur français Paul Hamy. João Pedro Rodrigues a écrit une réinterprétation de la vie de Saint Antoine, un saint homme important dans la culture portugaise. Franciscain, il parle aux oiseaux et aux poissons, tel l'Italien Saint François d'Assise.

J'ai mélangé des éléments mythologiques pour les actualiser; nous vivons dans un monde très fracturé, mais nous avons ce rapport particulier au Verbe sacré. Je me demande comment le spirituel peut encore vivre en nous... et pourtant, je ne suis pas religieux du tout.

De son personnage, on ne sait pas grand chose : il observe les oiseaux depuis les collines, les rivières. Il est gay. Son vieux téléphone portable, soigneusement rangé dans une pochette waterproof, capte peu. Il reçoit tout de même un texto de son petit copain, détail nous raccrochant au monde civilisé. Mais lorsqu'il croise Jesus sur sa route, un berger sourd et muet qui se nourrit au pis de ses chèvres, ils font l'amour :

La question de l'homosexualité est absente de mon film. Il ne s'agit que de désir. C'est comme s'il y avait un monde sans morale : ils ne se posent pas de question. Je crois que la dimension sociale de l'homosexualité est absente de tous mes films.

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Il y a du fétichisme chez Rodrigues : un personnage qui se fait uriner dessus malgré lui, des touristes chinoises qui cherchent le chemin de Saint Jacques de Compostelle et qui imposent une scène de bondage à Fernando en pleine forêt... Quand il se réveille, il est en pleine érection.

-On peut bander pour beaucoup de choses, me dit João Pedro Rodrigues.
-Mais ces deux Chinoises sont terrifiantes, elles menacent de l'émasculer, lui réponds-je.
- Elles jouent entre elles, un peu.
-Ce n'est donc que du SM ?
-Peut-être.

Le film termine en fanfare, avec Fernando/ San Antonio et Jesus qui débarquent abruptement dans la ville italienne de Padoue, tel un petit couple de pèlerins se tenant par la main sur une chanson d'Antonio Variações - un chanteur portugais mort du sida en 1984.

João Pedro Rodrigues Paul Hamy
Crédit photo : João Pedro Rodrigues par Julien Fleurence, Centre Pompidou, 24 novembre 2016

 
Dans L'Ornithologue, c'est la première fois que João apparaît à l'écran. Cela lui a donné l'idée de réitérer l'expérience dans le court-métrage qu'il a produit pour Beaubourg : "Il fallait que je me filme sans pudeur, car parler de soi c'est être impudique".
Il s'est replongé dans ses propres images, de vie et de tournage; on découvre des moments de voyage, Venise, des grappes de papillons ("la migration des papillons au Mexique, tourné en super 8") : "Dans le papillon il y a l'idée de transformation; un papillon, ça meurt et ça revient".
 
João Pedro Rodrigues au Centre Pompidou
Installation + rétrospective intégrale
25 novembre 2016 - 2 janvier 2017
 
Crédit photo couverture : João Pedro Rodrigues par Julien Fleurence, Centre Pompidou, 24 novembre 2016