L'Inter-LGBT : "Pas de politiques dans le carré de tête cette année"

Par Adrien Naselli le 27/06/2016
Marches des fiertés de Paris Amandine Miguel Inter-LGBT

La Marche des fiertés de Paris aura lieu samedi 2 juillet. Amandine Miguel, porte-parole de l’Inter-LGBT, revient sur les polémiques autour de son organisation.

La Marche des fiertés de Paris, décalée au 2 juillet pour cause d’Euro de football, a été sérieusement rabotée par la Préfecture de police de Paris et le ministère de l’Intérieur. Explications avec la co-porte-parole de l’Inter-LGBT qui a assisté aux négociations pour la maintenir, alors même que Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, a proposé un deuxième report la semaine dernière.
 
Est-ce la première fois que le ministère de l’Intérieur et la Préfecture de police de Paris proposent à l’Inter-LGBT de reporter la Marche des fiertés de Paris?
Oui, c’est effectivement la première fois. La Préfecture nous a proposé de reporter la Marche d’une semaine en février dernier en raison de la tenue de l’Euro et du maintien de l’état d’urgence. Nous avons accepté car pour nous, c’est une priorité absolue d’assurer la sécurité des marcheuses et des marcheurs. Et puis le ministère de l’Intérieur nous a de nouveau proposé de la reporter, à dix jours de l’événement… C’est alors que nous avons dû négocier, car pour nous les droits humains sont plus importants que le foot. C’est au ministère d’assurer la sécurité de cette Marche.
 
Cette proposition de report intervient aussi dans le contexte de l’interdiction puis de la relocalisation d’une manifestation contre la loi Travail le jeudi 23 juin dernier. Vous a-t-on donné les mêmes arguments qu’aux syndicats ?
On nous a effectivement dit que les forces de police étaient mobilisées par l’Euro 2016. S’il était possible de le comprendre pour le 25 juin, où plusieurs matchs étaient prévus, c’est assez incompréhensible pour le 2 juillet car il n’y a qu’un seul match qui ne se déroule même pas à Paris. Il n’était donc pas question de revenir sur cette date. Le fait de nous demander de reporter la Marche concorde avec le mépris du gouvernement pour les droits des personnes LGBT et en particulier trans depuis la loi du mariage pour tous, qui est d’ailleurs une loi a minima qui n’assure même pas la sécurisation de toutes les familles. Nous avons donc dû négocier avec la Préfecture de police et le ministère de l’Intérieur mais on peut déplorer un manque d’implication : pour eux, la Marche des fiertés de Paris est reléguée au second plan, derrière l’Euro 2016.
 
Pourquoi le parcours habituel, de Montparnasse à Bastille ou à République, ne convenait-il plus ?
Le nouveau parcours, qui remonte les quais de Seine du Louvre à Bastille, permet de mobiliser le maximum de forces de police d’un seul côté de la manifestation. De l’autre, c’est la Seine. Il s’agit donc du parcours le plus sécurité qu’on puisse avoir. Par ailleurs, cela nous permettra de varier un peu…
Marches des fiertés de Paris Amandine Miguel Inter-LGBT
Les forces de l’ordre ont-elles de vraies raisons de s’inquiéter ?
Nous sommes dans un contexte d’état d’urgence depuis les multiples attentats. Après l’attentat LGBTphobe d’Orlando, cette marche devient symbolique. Mais il ne faut pas céder à la peur, il faut faire acte de résistance et occuper l’espace public pour rendre visibles nos revendications. De toute façon, dans ce contexte d’état d’urgence, toutes les manifestations font l’objet d’une surveillance forte.
 
Cette marche intervient moins d’un mois après l’attentat d’Orlando. La voyez-vous aussi comme une manière de rendre hommage aux victimes ?
L’attaque d’Orlando rappelle que les LGBTphobies tuent. C’est pour cela que nous invitons les participants à porter un brassard noir pendant la Marche. Il y aura aussi un hommage spécial sur le podium à Bastille avec une prise de parole, notamment de l’ambassade des États-Unis.
 
Le mot d’ordre cette année, pour la première fois, concerne les droits des personnes trans. Pourquoi maintenant ?
Cela s’est imposé à nous : les trans sont les personnes les plus invisibilisées des quatre lettres de LGBT alors même que ce sont elles qui subissent le plus de violences et de discriminations. La classe politique demeure dans une inaction inacceptable. Nous voulons simplement une loi qui soit à l’image de la résolution 2048 du Conseil de l’Europe qui demande aux Etats de mettre en place une procédure rapide fondée sur l’autodétermination. Alors qu’en France, la procédure est médicalisée et ne respecte pas les droits humains. On oblige certaines personnes à être stérilisées pour obtenir des papiers conformes à leur genre. La France a déjà été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme car il s’agit d’une pratique barbare.
 
Le mot d’ordre est long : « Les droits des personnes trans sont une urgence. Stérilisations forcées, agressions, précarité : stop ! ». Vouliez-vous par là faire comprendre au grand public (et à certain-e-s LGB) la situation des trans dans notre pays ?
Il s’agit malheureusement d’une situation méconnue et pourtant extrêmement choquante. La plupart des gens ne savent rien de la situation juridique et sociale des trans. Ce sont eux qui subissent le plus d’agression et dont la précarité, à cause de l’absence de papiers conformes, est la plus grande.
 
La PMA, revendication portée les années précédentes, n’en est pas moins au point mort…
Je pense que nos mots d’ordre permettent de poser nos revendications. Mais en effet, le gouvernement ne nous écoute pas. C’est pourquoi nous aurons cette année un carré de tête uniquement militant. Nous faisons cela pour visibiliser les manifestants et pour dénoncer le fait que le gouvernement est dans l’inaction la plus totale. En revanche, nous invitons les institutionnels et les politiques à rejoindre la Marche des fiertés de Paris dans le cortège pour soutenir les militantes qui se battent chaque jour.

Marches des fiertés de Paris Amandine Miguel Inter-LGBT
Le parcours publié ce matin par l'Inter-LGBT