Pour la première fois depuis 25 ans, la manifestation du 1er décembre soutenant la lutte contre le sida pourrait ne pas avoir lieu. Dans une lettre ouverte, Act Up-Paris interpelle les pouvoirs publics.
"Pour la préfecture de police de Paris, les vies et la visibilité des séropos et des minorités ne valent pas deux bornes dans le Marais" s'insurge aujourd'hui Act Up-Paris. Une expression dure pour dénoncer une situation critique : l'amputation de la Marche du 1er décembre.
Cela fait pourtant vingt-cinq ans que les manifestants battent le pavé à l'occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida, afin d'alerter l'opinion et les pouvoirs publics des enjeux de la prévention et de combattre la sérophobie. Une mise en lumière nécessaire à l'heure où les contaminations par le VIH ne diminuent pas et augmentent même chez les plus jeunes.
"Filtrages, fouilles, barrières partout"
L'année dernière déjà, la manifestation du 1er décembre se profilait dans un climat extrêmement tendu. Moins d'un mois après les attentats du 13 novembre, celle-ci a tout de même eu lieu place Baudoyer à Paris. Immobilisée mais pas supprimée.
Cette année, quatre jours seulement avant la 29ème journée mondiale de lutte contre le sida, la préfecture de police a fait connaître aux organisateurs ses nouvelles exigences de sécurité : non plus un cortège mais un rassemblement statique dans le Marais composé de "filtrages, fouilles et barrières partout" nous rapporte Jacques Pisarik, secrétaire général d'Act Up-Paris. "Une mesure qui, symboliquement, pose problème et qui, dans la pratique, est irréaliste" ajoute-t-il aux vues de la géographie du quartier gay de la capitale.
Pour justifier ces mesures, la préfecture avance l'arrestation récente de terroristes qui projetaient de passer à l'action le 1er décembre, mais exige aux membres d'Act Up-Paris qu'ils assurent eux-même le service de sécurité ; elle menace même de ne pas autoriser la manifestation si ces conditions ne sont pas remplies.
Des "conditions inacceptables" ou l'annulation
Des discussions que l'association décrit comme un "bras de fer inacceptable pour contraindre la mobilisation à se réduire à nouveau en entamant un chantage aux conditions inacceptables ou à l'annulation." Un air de déjà-vu aussi quand on repense à la Marche des fiertés parisienne :
Une nouvelle fois plane l'état d'urgence et son lot d'interdictions de manifestations des mouvements sociaux, ou leur rétrécissement, comme la Marche des Fiertés LGBT de Paris, amputée des deux tiers et reléguée sur les quais.
Force est de constater que c'est à nouveau une manifestation LGBT qui est restreinte par mesures de sécurité, lorsque la Manif pour tous peut faire marcher ses troupes de la porte Dauphine au Trocadéro. Décision politique ? Le mot d'ordre porté cette année par Act Up-Paris l'est en tout cas sans conteste : "Séropos, on vote pour qui ?"
L'association décèle dans l'attitude des forces de l'ordre une atteinte à "la visibilité des plus vulnérables aux contaminations par le VIH et les plus touchés par l'épidémie, c'est-à-dire les minorité". Une muselière d'autant plus étroite dans un contexte où la seule vision de deux hommes enlacés sur une affiche de santé publique provoque l'ire de certains maires LR.
L'aide des élus locaux et nationaux pour peser dans la négociation
Dans sa lettre ouverte publiée cet après-midi, Act Up-Paris demande le soutien d'Anne Hidalgo, des ministres Marisol Touraine et Emmanuelle Cosse, et d'autres élus afin d'obtenir un appui politique et ainsi obtenir "de nouveaux moyens de négociation avec la préfecture de police."
A l'heure actuelle, Act Up-Paris songe à réduire son parcours mais veut conserver la mobilité d'une manifestation sans barrières. L'association a déjà reçu les soutiens d'AIDES et de Jean-Luc Romero. Les négociations avec la préfecture de police reprendront ce soir.
Lire l'intégralité de la lettre ici.
Couverture : Manifestation du 1er décembre 2015 - crédit photo Jean-Benoît Richard/La France gaie et lesbienne (www.france.qrd.org)