Certaines pages de l'édition internationale du quotidien américain The New York Times, ont été censurées par les autorités du Qatar. Au total, une dizaine d'articles ont disparu, et tous ont un point commun : ils traitaient de l'actualité LGBT+.
Plusieurs pages blanches dans l'édition internationale du New York Times au Qatar. La preuve d'une censure institutionnalisée, dans un émirat où l'homosexualité est tout simplement illégale, voire passible de la peine de mort, pour les personnes de confession musulmane - la religion d'État -. Selon le média américain ABC News, neuf articles ont ainsi été supprimés dans le quotidien américain entre avril et juillet 2018. Parmi eux, huit concernaient des sujets liées à la communauté LGBT+.
Une pratique autorisée par la loi de 1979 sur la presse et les publications, qui permet au gouvernement du Qatar, de supprimer une publication si elle « contrevient à l'intérêt national ». Le quotidien américain précise, quant à lui, à en bas de chaque case blanche : « l'article a été exceptionnellement retiré de l'édition du New York Times International à Doha. »
Violation de l'accord avec la FIFA
L'émirat doit accueillir, en 2022, la prochaine coupe du monde de football, un évènement qui attirera des centaines de milliers de personnes, y compris des supporter LGBT+. Selon la directrice des initiatives de l'organisation non gouvernementale Human Rights Watch, une telle censure dans la presse pourrait constituer une violation de l'accord du pays avec la Fédération internationale de football association (FIFA).
Dans ces statuts, la FIFA exige des pays participants à la coupe du monde de football, de se conformer à ses standards minimum concernant les droits fondamentaux, comme inscrire la liberté de la presse dans la loi ou interdire toute forme de discrimination faite sur l'orientation sexuelle. Dans un éditorial publié le 28 mai 2018, censuré sur la péninsule, l'activiste Minky Worden enfonce le clou :
« En tant que pays hôte de la coupe du monde, le Qatar devrait respecter ses engagements et appliquer les droits fondamentaux inscrits dans les standards de la FIFA. Le Qatar devrait montrer l'exemple aux pays participants. (...) La censure envoie le signe aux personnes LGBT+ qu'elles ne sont pas les bienvenues au Qatar. »
https://twitter.com/MinkysHighjinks/status/1020475740729610240?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1020475740729610240&ref_url=http%3A%2F%2Ftetu.com%2Fcms%2Fwp-admin%2Fpost-new.php
Dans une réponse adressée à l'activiste, publiée sur le site ABC News, le manager du pôle "droits fondamentaux" de la FIFA, Andreas Graf, a annoncé que la fédération internationale était en train de mener une enquête sur les accusations de censure au Qatar. Mais il précise : « le Qatar, en tant que pays hôte n'est ni assujetti aux statuts de la FIFA, ni relié aux politiques et régulations sur les droits fondamentaux menées par la fédération. »
Le Qatar, un pays tout sauf « accueillant »
Dans un communiqué publié par le bureau des communications de l'État, le Qatar s'est engagé à mener une enquête sur ces censures, arguant ne pas connaître qui était à l'origine des faits : « L'édition internationale du New York Times est imprimée par un distributeur local à Doha. Le gouvernement examinera toutes les possibilités et prendra des mesures correctives s'il le faut.»
Faisant mine d'ignorer le sort réservé aux personnes LGBT dans la péninsule, le gouvernement assure que le « Qatar est un pays accueillant et hospitalier » :
« Nous voyons la coupe du monde de football de 2022 comme une précieuse opportunité pour faire le pont entre les divisions culturelles du pays et pour servir de plateforme pour rassembler les gens. Nous avons hâte de voir converger des personnes du monde entier, avec des langages, des religions et des cultures différents sur le sol qatari, unis par une même passion du football.»
Si la coupe du monde approche, la censure, elle, s'intensifie. Selon Justin Martin, professeur de journalisme à l'université de Northwestern, il est très difficile de définir précisément qui est à l'origine de la censure et quand elle a commencé :
« L'émirat censure depuis des années, surtout des images, comme la photo du décolleté de Kim Kardashian. Ils ont commencé à supprimer des mots comme 'sexe' et plus récemment des articles entiers. Je n'avais jamais vu ce type de censure auparavant. »
Crédit Photo : Capture d'écran ABC News.