Deux manifestations ont eu lieu hier, mardi 25 septembre 2018, aux abords du siège du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), situé dans le très chic VIIe arrondissement de Paris. Elles se sont déroulées en simultané et ont opposé, d'un côté, les sympathisants de La Manif pour tous, et de l'autre, les militants pro-PMA. Ces derniers ont été décalés à la dernière minute par les forces de l'ordre à quelques rues du CCNE, pour éviter les débordements entre pro et anti. Reportage.
« Jésus, Jésus, issu d'une PMA ! », « Ta gueule homophobe ! Tu nous fatigue ! ». Les slogans entonnés hier, mardi 25 septembre 2018, au 102 rue de Varenne, dans le VIIe arrondissement de Paris, ont pu faire sourire, voire rire. Pourtant, les manifestants étaient très en colère. En colère contre la Manif pour tous, qui manifeste devant le Comité consultatif national d'éthique au même moment. En colère aussi contre l'avis du CCNE, qui, même s'il a rendu un avis favorable, peut être contesté de diverses façon. En colère contre les médias enfin, qui font la part belle aux anti-PMA sur leurs plateaux. Un mouvement « unitaire, pour fédérer de façon visible » le plus de monde possible, indique une militante d'Insomnia, le collectif féministe à l'origine de ce rassemblement.
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« Montrer des visages, des femmes concernées »
Dans la foule, beaucoup de jeunes femmes, et d'autres plus âgées dont certaines ont déjà eu recours à la PMA. Des hommes et des personnes trans' également. À l'unisson, tous et toutes ont chanté leur colère, avec comme principal objectif de visibiliser les personnes concernées. « Notre but initial était de pourrir toutes les interventions médiatiques de la Manif pour tous. Mais l'événement a pris de l'ampleur et c'était sans doute plus puissant d'être rassemblés en nombre ici plutôt que d'être derrière eux. On a d'abord voulu montrer des visages de femmes lesbiennes concernées, mais aussi afficher notre unité et notre nombre », commente cette même membre d'Insomnia, interviewée par TÊTU. Et de poursuivre :
«On veut pointer du doigt que de nombreuses femmes concernées par la PMA attendent que la loi passe alors que leurs familles existent déjà. Elles évoluent dans une société dans laquelle elles sont dans l'illégalité. On veut avant tout montrer que ce n'est pas qu'un débat intellectuel ou éthique, mais qu'il y a des cas concrets à prendre en compte. »
Les manifestantes @Insomnia_Riot entonnent "PMA on l'aura" #PMAonlaura #PMApourtoutes pic.twitter.com/mXAaCfvN1f
— Marion Chatelin (@MChatelin) September 25, 2018
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« Je viens défendre ma liberté et mon bonheur »
Tandis que le mégaphone passe de mains en mains, les slogans se poursuivent. Au plus fort du rassemblement, quelques 200 personnes sont présentes. Dans la foule, Céline, 42 ans, entonne « Et qu'est-ce qu'on veut ? La PMA ! Pour qui ? Pour tous ? Quand ça ? Maintenant ! ». Elle est venue spécialement d'Amiens, où elle vit avec sa compagne, après avoir terminé sa journée de travail. Elle explique avoir fait une PMA il y a 10 ans, en Belgique, et être aujourd'hui la maman « comblée » d'un petit garçon. Pour elle, venir défendre ses droits était une évidence :
« Je suis profondément déçue par la France. J'ai été obligée d'aller en Belgique, dépenser 6.000 euros, pour pouvoir réaliser cette PMA. On a des docteurs d'accord pour réaliser des PMA en France, on a des couples qui ont des projets parentaux et qui ont envie de donner de l'amour à des enfants. Mais c'est interdit. Je trouve qu'on martyrise une population. Si je suis venue, c'est pour défendre ma liberté, mon droit au bonheur. »
Dans la foule : Céline venue spécialement d'Amiens. Elle a fait une PMA en Belgique il y a 10 ans avec sa compagne. Si elle est venue c'est "pour se battre pour ses droits et sa liberté". #PMApourToutes pic.twitter.com/QItMckn9Gn
— Marion Chatelin (@MChatelin) September 25, 2018
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L'ouverture de la PMA à toutes, un enjeux féministe
20 heures. Sarah, 25 ans, est arrivée depuis le début - à 18h45 - et elle n'a pas lâché sa pancarte « PMA amour ». « Je suis là en tant que femme lesbienne, mais je suis là avant tout parce que je suis une femme », lâche-t-elle. « J'en ai plus qu'assez qu'on parle d'accès aux droits. Avec la PMA on parle avant tout de la libre disposition du corps de la femme. C'est notre liberté en tant que femme qui est en jeu ! », assène-t-elle.
Ce qu'elle constate également, comme de nombreuses femmes présentes à la manifestation, c'est le sexisme véhiculé par les anti-PMA qui ne mentionnent pas les femmes célibataires, et insinuent clairement qu'une femme seule ne peut pas avoir d'enfants. « La Manif pour tous n'imagine pas le mal qu'ils nous font au quotidien, en tant que femme et en tant que personne LGBT », conclue-t-elle.
Même son de cloche pour Léo, une parisienne âgée de 42 ans, venue à se rassemblement en tant que « femme féministe et très en colère » : « Ce n'est pas aux hommes ou à qui que ce soit d'autre de décider de ce que doit faire une femme de son corps », martèle-t-elle.
De son côté, Imen, membre de l'association féministe FièrEs, portée par des lesbiennes, des bies et des trans', résume :
« L'ouverture de la PMA est tout sauf une question d'éthique. C'est une question féministe, de libre disposition du corps des femmes et des trans' ainsi qu'une question d'autonomie. En n'ouvrant pas la PMA à tous, c'est le principe d'égalité qui est mis à mal, car actuellement un seul modèle familial existe : celui des hétérosexuels. Mais nos familles existent et doivent être reconnues par la loi. »
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Crédit Photo : Marion Chatelin.