LGBTphobieSOS Homophobie remet un prix à Christiane Taubira : "On rappellera que le mariage pour tous est historique, mais insuffisant"

Par Rozenn Le Carboulec le 03/10/2018
SOS Homophobie

SOS Homophobie remettra ce vendredi 5 octobre le Tolerantia Award 2018, prix européen de lutte contre l’homophobie, à Christiane Taubira. La soirée sera suivie, le lendemain, des Rencontres LGBT+, une journée de débats à Paris, autour de la PMA, de la transidentité, ou encore les discriminations LGBT+ au travail. TÊTU a interviewé à cette occasion Joël Deumier, président de l'association.

Ce vendredi 5 octobre, SOS homophobie décernera le Tolerantia Award 2018 à Christiane Taubira. Pourquoi elle ? Pourquoi maintenant ?

En 2006, SOS Homophobie a fondé l’Alliance de Berlin contre l’homophobie avec une association allemande. Celle-ci est aujourd’hui composée de cinq États membres. Pour cette 13e cérémonie, SOS Homophobie a décidé de remettre le prix à Christiane Taubira pour reconnaître son engagement en faveur de l’égalité des droits. Il s’agit donc de la remercier, mais cette décision s’inscrit aussi dans le contexte des cinq ans de la loi du mariage pour tous, et surtout en plein débat sur la PMA. On sait que cette dernière avait été annoncée en 2012. Elle a été sans cesse reportée. C’est donc également l’occasion de mettre un focus sur l’égalité des droits, qui n’est toujours pas mise en oeuvre pour les personnes LGBT en France. Ce sera le moment de rappeler que le mariage pour tous est une loi historique, mais insuffisante. Il faut aller plus loin.

« Ce risque de recrudescence de haine existe aujourd'hui et on voit d’ailleurs que c’est déjà une réalité »

Cinq ans après cette loi, nous commençons à revivre, avec la PMA, les débats interminables et violents auxquels nous avons été confrontés en 2013. Craignez-vous une recrudescence des LGBTphobies ces prochains mois ?

Oui, on est assez inquiets sur le risque de recrudescence de haine homophobe contre les personnes LGBT, particulièrement les lesbiennes, mais aussi contre les familles homoparentales. Il faut bien avoir conscience qu’à chaque fois que l’on entend, dans les médias, quelqu’un taper sur les familles homoparentales, ce sont des adolescents ou des enfants qui entendent ce qui se dit sur eux et sont directement impactés. Ce risque de recrudescence de haine existe aujourd'hui et on voit d’ailleurs que c’est déjà une réalité. Ce qu’il faut contre ça, c'est une volonté politique forte au plus haut sommet de l’État, c’est-à-dire que le président de la République rappelle son engagement sur la PMA, l’honore et soit inflexible avec la haine homophobe. C’est clairement ce qui a manqué en 2013.

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Dans un communiqué publié mercredi 19 septembre, SOS Homophobie s’est justement alarmée de l’augmentation des agressions LGBTphobes et réclamait des pouvoirs publics la mise en place de « mesures concrètes ». Avez-vous le sentiment d’avoir été entendu.e.s et prévoyez-vous des actions concrètes pour mettre la pression au gouvernement ?

De manière générale, on constate qu’il y a une tolérance avec l’homophobie dans la société française, dans les médias, mais aussi dans la classe politique. C’est-à-dire que l’on considère encore en 2018 que l’homophobie ou la transphobie sont acceptables. 

Ensuite, il y a une succession d’actes homophobes et transphobes dans le pays. On l’a dénoncé. Il faut que les pouvoirs publics aillent beaucoup plus loin et aient une politique de lutte contre les LGBTphobies qui soit plus efficace. Nous ce qu’on demande, c’est une augmentation des moyens alloués à la haine anti-LGBT, pour lancer une campagne de sensibilisation nationale, pour rappeler aux Françaises et aux Français que l’homophobie est toujours un problème. Ce n’est pas parce qu’on a eu le mariage pour tous que tout est réglé. Aujourd’hui, l’homophobie crée de l’isolement, c’est chez les jeunes LGBT que le taux de suicide est le plus élevé - deux à sept fois plus que pour le reste de la population - et la transphobie peut même tuer. Encore récemment, Vanesa Campos a été assassinée parce qu’elle était trans’.

A un moment donné, il sera nécessaire de descendre dans la rue, de se rassembler et de dire, en tant qu’association de lutte contre les LGBTphobies, que l’on ne tolère plus dans la société française, censée être ouverte et inclusive, les haines LGBTphobes.

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Ce samedi 6 octobre, SOS Homophobie organise à Paris les Rencontres LGBT+, une journée de débats autour de la parentalité, la transidentité, ou encore les discriminations LGBT au travail. Pourquoi avez-vous souhaité organiser cet événement ?

Cela fait longtemps que l’on voulait organiser un grand rassemblement qui aurait pour objectif de rassembler le mouvement LGBT pour échanger et surtout se retrouver. Dans le contexte de recrudescence de la haine homophobe, de débats sur l’égalité des droits et la PMA, il était nécessaire de se réunir pour discuter. C’est un événement en quelque sorte historique, avec 10 tables rondes et plus de 40 intervenant.e.s - des personnes concernées, militant.e.s, sociologues, historien.ne.s, responsables associatifs, représentant.e.s des pouvoirs publics… - qui vont se réunir et dialoguer sur les questions du genre, des parentalités et des luttes contres les discriminations LGBTphobes. C’est une volonté forte d’exprimer le fait que l’égalité des droits n’est pas acquise. On est là rappeler que la loi française crée des inégalités et des discriminations. 

Les rencontres LGBT+ se dérouleront à l’Espace Niemeyer, 2 place du Colonel Fabien, 75019 Paris, le samedi 6 octobre de 9h à 18h. Pour s'inscrire et avoir un aperçu du programme, c'est ici

Crédit photo : JACQUES DEMARTHON / AFP.