[PREMIUM] Son premier long-métrage, sélectionné à Cannes pour "Un certain regard", sort en salles le 20 février. Nous avons rencontré Etienne Kallos, réalisateur du film "Les Moissonneurs", un drame sud-africain sur la vie d'un adolescent afrikaner. Interview.
Premier long-métrage et deuxième sélection à Cannes. Après "No Exit" en 2006, son film de fin d'études, le réalisateur Etienne Kallos est revenu sur la Croisette en 2018 dans la sélection "Un certain regard", avec son film "Les Moissonneurs". Il sort en salles le 20 février 2019. Ce drame tout en tensions et en subtilité raconte l'histoire de Janno, jeune adolescent en proie avec ses désirs pour les garçons de son âge, dans une communauté reculée et très religieuse d'Afrikaners, ces immigrés européens installés en Afrique du Sud au XIXe siècle. Sa famille adopte Pieter, un jeune citadin sans-abri qui va chambouler son rapport au monde et aux autres. Le réalisateur fin et moustachu aux airs de dandy avait travaillé sur le très cul "Shortbus". Celui qui, selon ses propres mots, "ne serait rien sans l'industrie du cinéma français", nous a parlé d'amours contrariées, de la vie rurale et de bars gays parisiens.
"Les Moissonneurs" parle notamment d'attirances contrariées. Est-ce qu'il faut des histoires d'amours malheureuses pour faire un bon film ?
Non, pas forcément. Mais je ne veux pas cacher certaines duretés de la vie. J’ai créé ce triangle amoureux irrésolu entre Janno, Hennie et Pieter parce mon expérience d'homme gay m’a appris que les histoires de jeunesse sont impossibles. Janno a un désir secret dont il ne parle pas. Lorsque l’on est gay, on apprend par soi-même, dans le silence. Nos parents ne peuvent pas trouver des conseils appropriés à notre situation. Ces non-dits sont aussi inhérents à la culture protestante des personnages. Si j’avais eu une enfance plus heureuse, j’aurais sûrement créé un film plus joyeux.
Dans ton film, une réplique au sujet des Afrikaners résonne aussi beaucoup pour les LGBT : "Ne pas faire partie d'une communauté qui t'aime est une maladie". C'était volontaire ?
Pour tout te dire, cette phrase m'est venue alors que je passais une soirée dans un bar gay à Paris. Je ne peux pas dire lequel, je ne veux pas que ma mère s'inquiète du genre de lieux où je vais (rires) ! Cette réplique s'applique donc évidemment à la communauté LGBT. La solitude est une maladie. Elle fait aussi partie de nos parcours de vie en tant que jeunes gays. Il faut apprendre à faire avec, et à la combattre par de l'amour.
Est-ce que le cinéma t'a aidé à vivre ton homosexualité ?
Tout à fait. J’étais le genre de gamin qui ne sortait jamais du lit. Tout ce que je voulais faire, c’était regarder des films. J’étais si léthargique que mes parents m’emmenaient en permanence chez le docteur (rires) ! Depuis cette époque, mon film préféré reste « Love » de Ken Russell. Il n’est pas gay en soi, mais c’est une adaptation du livre de David Herbert Lawrence, qui était bisexuel. Les deux oeuvres explorent l’identité bisexuelle, avec des éléments très homoérotiques. C’est l'oeuvre qui m’a le plus aidé à comprendre ma sexualité. Il y a eu aussi « Another Country : Histoire d'une trahison » de Marek Kanievska. Et j’ai été très marqué par « Les Larmes amères de Petra von Kant » de Fassbinder. C’est l’un des meilleurs films de tous les temps.
"Les Afrikaners ont beau clamer 'c’est chez nous ici, ce sont nos terres', ils restent des immigrants."...