sport"Six conseils aux futurs organisateurs des Gay Games"

Gay Games

[TRIBUNE] Les Gay Games, qui ont eu lieu en août 2018 à Paris, ont rassemblé plus de 10.000 participants venant de 91 pays. Quel est le bilan de cette 10e édition ? Voici ce qu'en retiennent Pascale Reinteau et Manuel Picaud, co-présidents de l'association Paris 2018, qui a organisé l'événement.

En août dernier, la ville de Paris a accueilli la 10e édition des Gay Games, dont l’association organisatrice Paris 2018 vient de décider à l’unanimité sa dissolution, sa mission étant remplie. Qu’en retenir pour l’avenir ? Notre comité directeur a livré plus de 250 pages de rapport sur cette édition à la Fédération des Gay Games (FGG) à destination du nouvel hôte. Nous avons aussi rencontré l’équipe dirigeante de Hong Kong afin de partager notre expérience de coprésidents.

Jamais une édition n’aura été autant soutenue par les pouvoirs publics qu’à Paris, avec le haut-patronage du président de la République, des contributions exceptionnelles des ministères des Sports et de la Culture, de la Dilcrah, de la Ville de Paris et de la Région Île-de-France. Laura Flessel, Anne Hidalgo, Marlène Schiappa, Frédéric Potier et leurs équipes ont été des partenaires solides tout au long du projet. Ce sera sans doute plus difficile à Hong Kong de ce côté-là. Mais il y a d’autres clés.

Voici en substance, ce qui nous paraît incontournable pour réussir la prochaine édition en 2022.

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"Six conseils aux futurs organisateurs des Gay Games"
Crédit photo : F.Weens / Paris 2018 / Gay Games.

1. Donner toujours la priorité aux participants

Les Gay Games sont le plus grand projet de crowdfunding dans l’univers LGBT. Les 10.000 participants et 75.000 spectateurs ont payé près de 2,5 millions d’euros, soit la moitié du budget de l’événement qui est construit pour eux. Il est donc essentiel de tout faire pour réussir le programme promis.

Nous avons recommandé de simplifier le protocole qui nous a plombé la cérémonie d’ouverture au stade Jean Bouin : cela doit être moins long et plus festif encore, avec moins d’attente et de parole. Il faut privilégier un spectacle porté par la communauté locale comme celui réalisé par les associations sportives pour la cérémonie de clôture, la meilleure de toute l’histoire des Gay Games.

Côté sport, nous avons pu nous appuyer sur ces mêmes clubs très expérimentés renforcés par les fédérations nationales et sur les cahiers des charges des Gay Games que nous avons enrichis. Enfin, nous pensons que le village doit avoir une programmation variée et être une vitrine exceptionnelle au cœur de la ville sur les valeurs des Gay Games.

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Crédit photo : N. Rividi / Paris 2018 / Gay Games.

2. Fédérer l’ensemble des acteurs communautaires

Fédérer les associations, entreprises et leurs alliés. Les Gay Games sont en effet une formidable occasion de mettre en avant toutes les initiatives. Mais nous aurions sans doute dû davantage convaincre les partenaires, prestataires et commerces locaux de l’ampleur de l’événement et vérifier qu’ils en ont bien pris la mesure.

Nous avons eu une énorme chance d’avoir un paysage associatif et commercial d’une richesse et d’un dynamisme exceptionnels. Nous avons été très fiers d’avoir pu réunir pratiquement tout le monde à côté d’autres partenaires commerciaux et institutionnels. Promouvoir la diversité, c’est aussi offrir ce large panorama. Et les associations LGBT dans les entreprises étaient nos meilleurs avocats pour obtenir des sponsoring ou mécénat, comme chez BNP Paribas, Renault, GE ou Avanade.

3. Soigner nos meilleurs ambassadeurs qui sont les bénévoles

Sans nos 3.000 bénévoles, la FSGL et ses associations et évidemment l’équipe de candidature, rien ne serait possible. Il faut avoir beaucoup d’attention à chacun d’entre eux, par la formation, par des petits cadeaux, par une reconnaissance forte et par des événements dédiés.

Malgré cela, nous ne les remercions jamais assez et en profitons pour le faire une nouvelle fois. Ils ont été vraiment formidables, motivés, impliqués et leur joie et leur plaisir ont été contagieux. Ils ont été magiques !

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4. Adopter une communication transparente et fédératrice

Nous avons pour la première fois indiqué les chiffres d’inscription au fur et à mesure sur notre site web. Nous avons fourni à la FGG des rapports mensuels détaillés mettant en avant les réalisations, les réussites et les difficultés, afin de trouver rapidement les solutions ensemble. Et nous avons insisté sur le caractère universel de l’événement où tous se sentiront bien.

Il vaut mieux, à notre avis, se concentrer sur le programme et ses valeurs que sur l’attrait touristique de la région, même si ce dernier compte dans la décision du voyage. Car les Gay Games sont un événement militant et non commercial. En appliquant ces règles, nous avons obtenu une couverture médiatique incroyable et touché un milliard de personnes en août sur l’ensemble des médias, ce qui constitue un record.

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Crédit photo : R. Dugué / Paris 2018 / Gay Games.

5. Avoir une gestion financière et budgétaire très prudente

Les Gay Games nécessitent la réunion d’un lourd budget de 5 millions d’euros sur cinq ans. Cela nécessite une gestion agile comme nous avons su le faire, puisque nous finissons dans le vert.

Ça signifie une gestion de trésorerie fine, une négociation des contrats avec cliquets en fonction des recettes, une révision régulière des budgets pour limiter les dépenses non indispensables et évidemment la recherche d’une grande diversité de soutiens en subventions, sponsoring, mécénat, dons, etc.

6. Penser à l’héritage des jeux

Organiser les Gay Games doit aider la ville hôte et son pays à progresser. Nous y avons contribué en donnant une image locale plus LGBT-friendly et en générant plus de 100 millions d’euros de retombées économiques.

Mais l’essentiel est ailleurs : changer le regard sur les LGBT dans le sport. Notre conférence aurait pu se concentrer sur ces aspects.

Nous avons obtenu des avancées à l’ISU (Union internationale de patinage) pour les couples de même sexe, initié de nouveaux règlements pour les personnes trans' et ouverts des courses aux personnes non binaires. Nous avons aussi sensibilisé des administrations et des fédérations sportives aux LGBT-phobies. Et nous avons permis à 500 personnes dont 130 étrangers et 70 réfugiés de profiter de l’expérience des jeux qui leur servira dans leur construction personnelle et collective.

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Enfin, nous sommes fiers d’avoir contribué à la création de terrains de beach-volley à Paris. En Chine, l’enjeu sera sans doute la reconnaissance des personnes LGBT+ et toujours l’octroi de nombreuses bourses.

Pendant que Hong Kong prépare son édition dans 3,5 ans, nous invitons tout le monde à participer à la 15e édition du Tournoi international de Paris du 7 au 9 juin 2019. Nous-mêmes poursuivons notre combat pour davantage d’inclusion des personnes LGBT+ dans la culture et le sport au sein de la Fondation Inclusion Paris 2018, sous l’égide de FACE. Nous allons dans quelques jours lancer la première campagne de financement à destination des associations françaises.

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Crédit photo : M. Faluomi / Paris 2018 / Gay Games.

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Crédit photo : G. Galmiche / Paris 2018 / Gay Games.