Remy Frejaville a vraiment une drôle d'histoire. Après un coming-out tardif, il rejoint des assos sportives LGBT, et participe en 2012 à l'élection de Mister Gay World. Aujourd'hui, s'il vit à Paris pour le boulot, il retourne chaque année dans sa ville natale, Carmaux, dans le Tarn, pour bousculer les mentalités, et apporter, de la manière la plus festive qui soit, un peu de visibilité aux personnes LGBT en milieu rural. Dans les Queertopies, TÊTU met en avant des personnes qui, à leur manière, oeuvrent au bien-être des LGBT. On s'est donc dit qu'il y avait sa place.
Vous ne le savez pas encore, mais il est fort possible que vous connaissiez déjà Remy Frejaville. Sa barbe soignée, sa belle gueule et sa musculature fine lui avaient valu, en 2012, d'être élu Mister Gay par les lecteurs de TÊTU. On le rencontre dans son appartement du 18è arrondissement. Plus tôt dans l'après-midi, il nous avait envoyé un SMS, prévenant. "Je ne bois pas de café. Est-ce que tu veux que j'achète quelque chose en particulier ?" "De l'eau, ça ira très bien." Il nous sert donc un verre, et nous raconte qu'il est un peu bouleversé parce qu'il a perdu un de ses amis. On lui demande s'il veut reporter. "Non, non. Je sais que ça va aller quand je vais commencer à parler de la Bodegay."
Une soirée de visibilité LGBT en milieu rural
Parce que si on est là, c'est que Remy Frejaville organise à Carmaux, à côté d'Albi, une soirée très particulière. Chaque été, cette petite ville d'un peu plus de 9.000 habitants vibre le temps d'un week-end à l'occasion des fêtes de la Saint-Privat. Quatre associations locales disposent chacune d'un espace dans la ville, des "bodegas", et assurent l'animation et la restauration pour les milliers de touristes et de curieux du coin. Jusque-là, une fête de village comme les autres. Mais il y a deux ans, quelque chose change dans la bodega de l'association Point de Fût. Les bénévoles décident de consacrer une soirée à la visibilité LGBT+. "Le nom était tout trouvé, il suffisait de rajouter un y » : la Bodegay était née.
Point de fût, c'est une association cofondée il y a plus de vingt ans par Remy Frejaville et ses potes (hétéros) de Carmaux. "On voulait animer un peu la ville, proposer des activités, des soirées. Et puis de fil en aiguille, on a monté un projet pour avoir notre propre Bodega à la Saint-Privat », raconte le Carmausin d'origine. Depuis 17 ans que leur bodega existe, il y retourne chaque été, ou presque, y distribue les bières, et on l'imagine facilement gratifier tout le monde, des voisins aux touristes, de son sourire de mec bienveillant.
Une élection décisive
A Carmaux, l'annonce de sa sexualité n'a pas posé de problème. Quand il a fait son coming-out, personne - même pas ses coéquipiers de foot - n'a rien trouvé à y redire. Tout comme son élection de Mister Gay France. "Mes amis trouvaient ça incroyable qu'un fils de mineur du coin se retrouve à Johannesburg, pour représenter la France au concours Mister Gay World."
Pendant le concours, il fait des rencontres qui vont le décider à s'engager. "Mister Gay Ethiopie ne pouvait plus rentrer chez lui, un autre était exilé politique, d'autres encore avaient fait des tentatives de suicide... Ça m'a fait ouvrir les yeux sur énormément de choses." C'est à partir de ce moment-là que l'idée d'une soirée de visibilité LGBT dans sa ville natale a commencé à germer dans son esprit.
Hétéros plus que bienvenus
Parce qu'à Carmaux, comme dans de nombreuses communes rurales, la visibilité, c'est pas encore ça. "Quand j'étais jeune, je n'osais même pas regarder la couverture de TÊTU à la maison de la presse, se souvient Remy. J'avais peur qu'on le voit, que ça revienne aux oreilles de mon père. Et puis à l'époque, il n'y avait pas internet, les applis... Je ne savais pas si j'étais le seul sur terre à être comme ça. C'était l'ignorance totale."
"Pendant une soirée, on banalise la différence." ...