TÉMOIGNAGE. Des milliers de fans se rendent en juin à La Défense - Arena pour applaudir Mylène Farmer. Parmi eux, Bastien Collignon, journaliste dans "Je t'aime etc." et co-créateur du podcast « Mylène Farmer : histoires de... » . Pour TÊTU, il raconte la genèse de son amour pour la chanteuse.
C’est la fin des années 90, j’ai 9 ou 10 ans, j’habite avec ma famille dans une maison en périphérie de Grenoble. Vie de lotissement. Et je m’ennuie peut-être un peu… Un ennui qui va être brisé par une voix, celle d’une femme, qui retentit un jour dans notre salon. Cette voix est celle de Mylène Farmer et elle chante une chanson aux airs de comptines « Sans contrefaçon je suis un garçon » Coup de foudre, je suis électrisé. J’ai envie de danser.
La coupable d’une telle passion ? Ma mère, qui avait acheté le CD au contour argenté de son live à Bercy… Et je l’écoute en boucle, tournant les pages du livret. A l’intérieur des photographies de cette femme, rousse (comme moi !), que je trouve belle et conquérante. Entourée parfois de danseurs vêtus de simple boxers à paillettes ou chevauchant une araignée géante métallique. Tout un univers à explorer…
La mélancolie et le désir
Dès lors, Mylène Farmer va accompagner ma vie, avec plus ou moins d’intensité. L’adolescence, ses mutations et ses tourments vont être le terreau parfait d’une passion plus ardente. « Les mots sont nos vies » C’est vrai. Et les siens vont s’accrocher à la mienne. Car comme tant d’autres jeunes LGBT de mon âge, et dans une société si bien rangée, je ne me sens à ma place nulle-part. C’est cela que chante Mylène Farmer mieux que personne et « Je t’aime mélancolie » devient ma chanson fétiche.
Mais ne nous enfermons pas, ni elle, ni moi, dans le seul spleen Baudelairien ! L’oeuvre de Mylène Farmer est aussi celle d’une femme qui assume son désir, et le crie parfois : « Je suis libertine ! » , « En moi, en moi toi que j’aime » et autre « orifice ami » me font tourner la tête. C'est à mon tour d’assumer mes désirs et qui je suis.
Et alors que je pensais être « seul dans mon placard », je découvre l’inverse. Je m’inscris sur les forums de discussions qui lui sont consacrés. Un réseau social avant l’heure. C’est mon premier contact avec la communauté gay, très représentée au sein de la toile « Farmer ». Derrière le clavier, j’échange avec des garçons de mon âge ou plus âgés et découvre leurs vies exposées. Des modèles qui vont m’aider à me libérer.
"Mylène Farmer est une partie de moi"
Aujourd’hui, j’ai 31 ans. Mes goûts ont changé ou se sont enrichis, développés. Mais Mylène Farmer est toujours là, debout, victorieuse, parmi les cadavres de ceux que j’ai délaissés.
Victorieuse, comme elle l’est sur scène. Nous nous retrouvons une nouvelle fois pour un spectacle qu’elle donne à la « Paris La Défense Arena ». Une fête futuriste et onirique dans laquelle, je m’émerveille. Je danse sur « Sans contrefaçon » comme lorsque j’étais petit garçon, je chante l’« Innamoramento » comme lorsque j’étais adolescent. Dans la salle, il y avait toutes les générations, toutes les orientations, tous les horizons.
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Mylène Farmer n’est pas une déesse ou je ne sais quoi, c’est une partie de moi. Chaque album, chaque concert, me rappelle un moment de vie ou une époque. Nous avons traversé ensemble les modes, les commentaires et autres quolibets. Alors laissez-moi sortir du placard une dernière fois pour un «ultime » coming-out : oui je suis gay, oui je suis roux… et oh que oui, j’aime Mylene Farmer !
« Et toc ! »
Crédit photo : Nathalie Délepine