Depuis quatre ans, la compagnie d’assurances transforme en actions son discours de soutien envers la communauté LGBT+. Derrière cette volonté récente mais significative : Éric Lemaire, directeur de la communication.
L’énergie d’Éric Lemaire ressemble à celle d’un professeur de sport, d’un entraîneur qui vous encouragerait à courir plus loin avec bienveillance, humour, et surtout sans paternalisme. Une sincérité, troublante pour un communiquant, se dégage de sa voix tantôt curieuse, tantôt passionnée. Ce qui le “fait vibrer” ? Les enjeux de responsabilité sociale de l’entreprise.
L’inclusion des personnes LGBT+ n’est entrée que récemment dans le champ d’action d’AXA France, groupe d’assurances pour lequel il travaille de- puis 29 ans et dont il est directeur de la communication de la marque et de la responsabilité sociale d’entreprise depuis 16 ans. Éric Lemaire souhaite faire évoluer l’entreprise en même temps que la population française dans toute sa pluralité. “En tant qu’assureurs, il est de notre devoir d’être en lien avec la société pour mieux la protéger”, affirme-t-il. AXA, groupe international apparaissant depuis dix ans dans le classement d’Interbrand des leaders du secteur, assure 6,3 millions de clients en France.
"La diversité favorise la créativité"
Dans le secteur du care, les revendications sociales renvoient à l’essence des missions des entreprises. Elles représentent aussi un précieux indicateur de marché. L’intérêt d’AXA pour les droits et l’inclusion des personnes LGBT+ a commencé au début des années 2010, aux États-Unis. “AXA Equitable Holdings [une filiale américaine du groupe, NDLR] a été la première compagnie d'assurance à participer à la Pride de New York”, rappelle Éric Lemaire. Depuis 2014, l’entreprise sponsorise l’événement. “Lors de la mise en place de notre système informatique interne pour animer des communautés, la première créée à Equitable était celle de collaborateurs LGBT+”, détaille-t-il.
En 2012, AXA France affichait une charte de qualité de vie au travail où la direction rappelait que tous les propos et les actes discriminatoires étaient à bannir. L’entreprise a aussi été la première société française à mettre en place les CV anonymes, en janvier 2005, et les a maintenus. “La lutte contre les discriminations est avant tout une question de respect, mais aussi de performance. Elle permet aux collaborateurs de se sentir mieux. La diversité favorise aussi la créativité des équipes”, soutient le directeur de la communication.
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40.000 euros pour Le Refuge
En 2006, AXA France crée une cellule d’écoute et une adresse e-mail destinées aux employés victimes ou témoins de discriminations. “La sensibilisation à la lutte contre les discriminations se fait à tous les niveaux, souligne-t-il. Nous abordons ces sujets dans des formations spécifiques pour les recruteurs et les manageurs, et nous avons proposé à tous les collaborateurs d’AXA, soit 15 000 personnes, une formation en e-learning sur ce sujet.”
Leur soutien à la cause arc-en-ciel a été ouvertement énoncé en 2015. Deux ans après la loi du mariage pour tous, l’entreprise signe la charte d’engagement LGBT+ de L’Autre Cercle. Un tournant symbolique : “Quand vous signez un document officiel en public, cela fait comprendre aux collaborateurs que dans l’entreprise tout le monde doit être respecté.”
La même année, Atout cœur, l'association d'AXA, est contactée par Le Refuge . Cette dernière, reconnue d’utilité publique en 2011, soutient les jeunes adultes LGBT+ victimes de discriminations ou en situation de rupture familiale. Leur partenariat débute par des visites et des jeux organisés en 2015 et 2017. Cette collaboration ponctuelle s’est transformée en 2018 en soutien économique d’une autre ampleur. AXA a participé à hauteur de 25.000 euros à l’achat d’un appartement tremplin à Paris pour permettre à l’association d’héberger plus de jeunes. L’entreprise a augmenté sa dotation en 2019 à 40.000 euros.
"Il n'y a rien de plus fort que les exemples"
Éric Lemaire a connu des jeunes en situation de rupture familiale à cause de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, lors de ses anciennes permanences d’adjoint au maire. Démocrate-chrétien et également ancien assistant parlementaire, il a été élu à la commune normande de Mont- Saint-Aignan pendant plus de treize ans.
L’an dernier, au gala du Refuge, Éric Lemaire a eu la surprise d’entendre un des salariés d’AXA expliquer que son emploi l’avait aidé à retrouver une stabilité. “Tous les témoignages étaient extrêmement émouvants. Nous étions tous très émus”, se rappelle-t-il. C’est aussi par Le Refuge qu’il a été mis au courant des Gay Games, organisés à Paris en août 2018, et auxquels un groupe de salariés d’AXA a participé. Il s’est rendu compte que le salarié qui avait témoigné pour Le Refuge faisait aussi partie d’une équipe gagnante à la pétanque des Gay Games.
“Je crois qu’il n’y a rien de plus fort que les exemples”, maintient Éric Lemaire. Il cite aussi son directeur de la communication interne, Benjamin Cluzel, gay et père de deux jeunes enfants avec son conjoint. Les congés parentaux sont respectés pour les couples homosexuels comme hétérosexuels. Dans le cas de Benjamin Cluzel, il a pu prendre quatre semaines de congés paternité pour accueillir son second enfant. “Son témoignage nous prouve que c’est possible.”
Un appel au rassemblement
Au-delà des exemples individuels, les salariés d’Axa France n’ont pas de groupe ou de communauté LGBT+. “J’aimerais qu’ils en aient un, et qu’il y ait encore d’autres témoignages, appelle Éric Lemaire. J’ai adopté moi-même un enfant, et cela a participé avec d’autres témoignages à l’amélioration des conditions salariales pour s’adapter aux besoins des collaborateurs qui adoptent. C’est la preuve par l’exemple. Bien sûr, je sais qu’il y a des personnes LGBT+ au sein d’Axa qui ne souhaitent pas faire leur coming out, et c’est la liberté de chacun de le faire ou non”, tempère-t-il.
Il se rappelle avec enthousiasme le Forum interne de la diversité et de l’inclusion organisé l’an passé sous l’implusion du Conseil Diversité de l’entreprise avait organisé l’an passé : “Nous avions un stand LGBT+. Beaucoup de monde s’était déplacé, deux membres du comité exécutif étaient là. Je peux vous dire que ça avait de la gueule. Nous tirons de nos efforts d’inclusion une grande fierté en interne. On a tous un intérêt à accueillir plus de diversité et nous avons beaucoup à apprendre des collaborateurs LGBT+.”
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