La PMA pour toutes va modifier les règles de filiation en reconnaissant deux mères sans adoption. Une petite révolution pour les familles.
Le projet de loi bioéthique qui comporte l'ouverture de la PMA à toutes les femmes sera débattu à l'Assemblée à partir du 27 juillet. Les associations ne sont pas d'accord sur la manière dont l'État va reconnaître la filiation et donner la possibilité pour les enfants d'accéder à leurs origines. C'est toute la philosophie de la future famille qui est en jeu : notamment la place de la mère qui ne porte pas l'enfant. C'est aussi le regard que peut porter l'enfant sur la manière dont il a été conçu.
Tel qu'il est proposé aux députés, le texte prévoit qu'avant même d'avoir conçu le projet de PMA, les deux mères devront passer devant un notaire pour faire une Reconnaissance Conjointe Anticipée (RCA). Cette démarche n'est pas nécessaire pour les couples hétéros qui ont recours à une PMA. Au moment de la naissance, la mère qui n'a pas porté l'enfant doit montrer ce document pour être reconnue à l'état civil. Celle qui l'a porté n'a qu'à montrer son certificat d'accouchement. "C'est une position de compromis qui permet de sécuriser les deux mères qui sont autonomes", explique Coralie Dubost, co-rapporteuse du projet de loi.
Une maternité à deux vitesses ?
L'Association des parents gay et lesbien (APGL) regrette une maternité qui s'éloigne des règles des hétéros. "Rien ne justifie que la mère qui n'a pas porté l'enfant doive montrer une reconnaissance préalable. Chez les hétéros, le père n'a qu'à se présenter à l'officier d'état civil. On va demander aux femmes un acte qui n'a pas lieu d'être - et qui au passage coûte cher -", s'inquiète Dominique Boren, co-président de l'APGL. Le militant craint notamment que les enfants nés d'une PMA soient victimes de discrimination lorsqu'ils utiliseront leur état civil (où est inscrit le mode de filiation).
"Nous sommes en faveur de l’extension du droit commun" déclarait au Sénat Véronique Cerasoli, porte-parole de l’association SOS homophobie. "Cette loi a pour ambition de mettre fin à des discriminations envers certaines personnes, et notamment les femmes lesbiennes. Or créer un droit dérogatoire à leur encontre. C’est créer une nouvelle discrimination. C’est donc prendre d’une main ce que l’on donne de l’autre". Au contraire, l'Association des familles homoparentales (ADFH) appelle à étendre la RCA aux couples hétéros qui ont recours à une PMA. "C'est un progrès pour les parents et les enfants qui ne vivent plus dans le déni. Il n'y a pas de raison que les enfants de couples hétéros n'en n'aient pas le droit !", souffle Alexandre Urwicz, le président de l'ADFH.
La reconnaissance de l'engagement dans le projet d'enfant
Mais, selon Larissa Meyer, présidente du Réseau Fertilité France, c'est au contraire coller à la filiation hétéro qui créerait deux niveaux de reconnaissance de la maternité. "Dans le projet de loi, on reconnaît que le fondement de la filiation, c'est l'engagement dans le projet d'enfant. La naissance de l'enfant n'aurait pas pu avoir lieu sans l'engagement commun des deux personnes", insiste-t-elle en citant les travaux de Martine Gross. Elle soutient que la RCA devrait être élargie aux couples hétéros.
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"La paternité repose sur l'implicite que le père est biologiquement le père. On peut contester la paternité après un test génétique. La deuxième mère ne l'est jamais biologiquement. La RCA permet d'être cohérent sur ce point et d'empêcher les litiges", souligne l'avocate Caroline Mecary.
Levée de l'anonymat
L'enfant a-t-il un droit à savoir par quel moyen il a été conçu ? Non, selon l'APGL qui redoute, une fois encore qu'on installe une filiation légitime : la filiation charnelle, et une autre illégitime : la PMA. "Certaines personnes continueront d'aller à l'étranger par peur de la levée de l'anonymat. De plus, des donneurs refuseront le don au motif que l'enfant peut les identifier", estime Dominique Borden. Il préfèrerait un système modulable où un donneur peut lever l'anonymat s'il le souhaite ou contacté par un tiers sur demande de l'enfant. "Dans les pays qui ont levé l'anonymat, il y a eu une chute du don la première année, mais dès la seconde, les stocks étaient revenus à leur niveau initial", lui répond Alexandre Urwicz.
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Pour l'association PMAnonyme, la possibilité donnée aux enfants de connaître à leur majorité leur mode de conception et l'identité du donneur de gamète serait dans l'intérêt de l'enfant. "Cela peut être important, dans la construction de soi. Il n'y a rien de honteux à le dire, au contraire, c'est plus sain pour éviter les tabous. Actuellement, on nous interdit d'avoir accès à nos origines soit disant pour nous protéger, mais c'est à nous de le décider !", estime Clément Roussial, lui-même né d'un don.
Connaître ses antécédents médicaux
À l'adolescence, lorsqu'il s'est rendu compte qu'il n'avait pas les mêmes traits que son père, il a cherché à connaître l'identité de son géniteur. "Je voulais savoir quelle gueule j'allais avoir quand j'aurai 50 ans et lui dire merci !", s'amuse-t-il. Surtout, un enfant né d'un don doit pouvoir connaître les antécédents médicaux de son géniteur. Il ajoute qu'il est illusoire de dire que l'anonymat peut être préservé, alors que des tests génétiques sont possibles. "Dans notre association, environ 40 personnes ont trouvé leur géniteur et dans l'immense majorité des cas, ils ont accepté d'être contactés. Dans tous les cas, ça a été de belles histoires", conclut Clément Roussial.
Le gouvernement a défendu l'accès aux origines pour les enfants devenus majeurs. Alors député, Olivier Véran soutenait la levée de l'anonymat. Il avançait que "lever le secret et garantir ainsi à chacun le bénéfice d’informations, nous donne la garantie de ne pas nous tromper. Nous avons maintenant suffisamment de recul pour le faire, sans compter l’expérience des pays étrangers".
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