Après avoir redéfini le concept de soirées queer et être devenu le pèlerinage mensuel immanquable des ravers parisiens, Possession bande les muscles et lance sa propre maison de disques. Au menu : une techno franche et libératrice servie par les artistes qui font l’histoire et la grandeur du collectif.
Possession, ce sont cinq ans de raves techno qui ont réinventé la fête à Paris. Un phénomène qui ne fait que commencer puisque le collectif annonce aujourd’hui le lancement de sa propre maison de disques. À l’image de leurs soirées démesurées, le projet ambitieux s’incarne dans une compilation de cinq maxis qui sortiront entre le 25 septembre et le 23 octobre prochain. Réunissant une grande partie des artistes fétiches du collectif, celle-ci s’annonce comme l’émanation musicale de leurs soirées emblématiques.
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« Monter un label, c’est une idée à laquelle on pensait depuis longtemps sans trouver le temps de nous y consacrer, explique Mathilda Meerschart, co-fondatrice du projet. Constamment occupée à préparer sa prochaine sauterie, l’équipe a profité du confinement pour faire naître son label : Possession Recordings. « On avait enfin le temps de poser le projet et de gérer la paperasse administrative pour que tout soit réglo, reprend Mathilda. Après ça, il ne restait plus qu’à contacter les artistes ».
Culture rave
Anetha, Trym, Airod, Shlømo, I Hate Models… Leurs noms ne parlent pas à tout le monde et pourtant, ces artistes – tous issus du terroir français – forment la relève d’une scène rave en plein essor. « La tracklist ressemble clairement à un line-up Possession, affirme Mathilda amusée. Ce sont des musiciens qui nous fascinent, que l’on soutient depuis toujours et avec lesquels on a construit de belles relations ». À leurs côtés, le label invite quelques amis étrangers, comme le Berlinois Hector Oaks ou la productrice turque Nene H. Et puisque la scène techno ne manque pas de talents, Possession en profite pour introduire deux nouvelles têtes : ØTTA et Varya Karpova.
À l’écoute, une musique électronique décadente nous transporte sur un dancefloor aux airs de fantasme nihiliste postapocalyptique. Fidèle à la culture rave des années 90, la musique de Possession trouve sa quiétude dans les battements de kicks constants, les basses distordues, les batteries épileptiques et les atmosphère planantes. À l’image de son temps, elle interroge les codes de bienséance musicale en transcendant techno acide, trance, hardcore et même quelques réminiscences d’eurodance dans une explosion d’énergie virtuose.
« Poursuivre l’engagement »
En cinq ans de travail acharné, Possession a complétement bouleversé le dancefloor parisien. Drainant tous les mois des milliers de fêtards hors des murs de Paris, leurs « raves 2.0 » sont devenues les rendez-vous immanquables d’une génération de Franciliens dont « l’âge varie de 18 à 60 ans ». La recette du succès : une techno sans concession propulsée dans un espace régi par l’inclusion bienveillante de toutes les minorités. Un aspect central de leur travail, car pour la co-fondatrice de Possession, la techno est avant tout la « bande-originale d’une révolution ». « C’est une musique qui porte un message et appelle à la révolte, développe-t-elle. N’oublions pas qu’elle a été inventée par des personnes Noires dans une ville pauvre (Underground Resistance à Détroit). Cela me touche directement en tant que femme LGBT racisée ».
Si Mathilda admet que cette portée sociale « a pu se perdre » au profit du business, elle la défend depuis la création de son collectif : « Notre idée originale était de construire un dancefloor queer avec des line-up qualitatifs. On a réouvert les portes de la techno aux personnes LGBTQI+, aux femmes et aux personnes racisées. Aujourd’hui, on brasse plus de monde – ça change un peu l’ADN – mais l’idée reste la même : venez comme vous êtes ».
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Fondé par un trio de femmes, le collectif Possession entend poursuivre son travail de mise en avant des minorités au-travers de son label : « On aura forcément quelques EPs de mecs hétéros bien blancs mais on tient vraiment à poursuivre l’engagement. L’idée est d’attirer l’attention sur d’autres types d’artistes ». Ainsi, Possession annonce déjà trois EPs à la suite de sa compilation – tous trois signés par des artistes féminines émergentes. Il y aura d’abord celui de Nene H, suivi par celui de Cassie Raptor – dont le nom est aujourd’hui sur toutes les bouches – pour finir avec celui de ØTTA, leur dernière découverte en date. En définitive, les habitués du dancefloor devraient donc retrouver tout ce qui fait le sel des soirées Possession sur ce nouveau label. Quant aux autres, ils ne devraient plus trop tarder à se joindre à la fête.