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Christiane TaubiraCécile Coudriou, une prof ouvertement lesbienne à la tête d'Amnesty pour défendre les droits humains

Par Nicolas Scheffer le 28/11/2020
Amnesty

La présidente d'Amnesty France, Cécile Coudriou, a étonné en parlant de son homosexualité lors du Z event. Mais loin d'être cachée, son orientation sexuelle est un moteur dans sa lutte pour la dignité humaine.

Il faut imaginer l'atmosphère : une salle sans fenêtre, bardée d'écran d'ordinateurs, des geeks de partout. Alors qu'un garçon aux cheveux verts et en déguisement pyjama passe, la présidente d'Amnesty International en France lâche le mot. "On nous accuse d'être pro-LGBT+ et en plus d'être pro-avortement. Mais on n'a pas à être pour ou contre les LGBT+, on est né LGBT+ ou pas. Moi-même, je suis une lesbienne out depuis des années, c'est comme ça", explique Cécile Coudriou devant 300.000 personnes sur Twitch.

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"En amont de cet événement, j'avais été interpellée par un membre qui m'alertait sur l'homophobie qui existe dans le monde du gaming", explique la présidente. Mais elle n'en démord pas et se porte garante de la bonne tenue de l'événement. Évidemment qu'elle parlera de l'homophobie, bien-sûr qu'elle ira là où on n'attend pas Amnesty et qu'elle convaincra ceux qui doivent l'être. Résultat, lorsqu'elle a évoqué sa propre expérience, le compteur de réactions s'est affolé : les coeurs ont inondé l'écran de ZeratoR qui animait le Z event. Mieux encore, pendant ce weekend dédié, Amnesty a récolté 5,7 millions d'euros de dons. Un record historique.

Au départ, le combat contre la torture

On aurait pu croire que l'association qui promeut le droit international pour défendre les droits humains aurait choisi une juriste à sa tête. Mais c'est une enseignante de communication à l'université Sorbonne Paris Nord qui la dirige. Certes, après 20 années de militantisme, Cécile Coudriou a mérité sa place de spécialiste du droit international. Mais c'est avant tout la pédagogie, la fermeté et l'empathie que l'on remarque chez elle. C'est d'ailleurs - tiens donc - une prof au collège qui lui a transmis le goût de l'engagement pour Amnesty.

"Au départ, ce n'est pas tant la cause LGBT+ qui m'a poussé à m'engager chez Amnesty, mais le combat contre la torture. C'est quelque chose que je trouve insupportable, dans ma chair". Au sein de l'asso, cette agrégée d'anglais a trouvé la solidarité internationale qu'elle cherchait, une recherche de terrain, gage de sérieux, ainsi qu'une indépendance, indispensable pour "être crédible contre l'arbitraire".

Confrontée à l'homophobie

L'arbitraire et l'injustice, elle y a été confrontée jeune, à l'âge de 18 ans. Sa mère tombe sur une lettre d'amour que lui a écrite sa copine de l'époque, "une violation de ma vie privée", qualifie-t-elle. Sans la mettre à la porte, ses parents - prof eux aussi - traitent Cécile Coudriou de tous les noms."Tu es mon cancer moral", lui a carrément envoyé sa mère. Depuis, "c'est 40 ans d'une homophobie rare. Ils ne veulent pas rencontrer ma femme ou même en entendre parler. C'est très pénible, en même temps, ça a forgé mon caractère", dit-elle.

En l'occurence, alors qu'elle est une jeune adulte, elle refuse de renier qu'elle aime les femmes. À Toulon où elle a grandi et dont elle a un peu gardé l'accent, "j’ai connu un peu d’homophobie quand les personnes se sont rendues compte que j’étais lesbienne mais ça m’était complètement égal".

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"L'indignation, ce n'est pas la même chose que la colère", note l'enseignante. Ce qui la déprime, "c'est lorsqu'une partie du peuple est apathique et la résignation, dans les États-Unis de Donald Trump, par exemple". Au contraire, en Pologne, où les droits sont remis en cause, la société civile est fortement mobilisée. "Pendant un quart de seconde, on reçoit un coup sur la tête, on se dit qu'en matière de droits, il n'y a jamais rien d'acquis. Et puis, un coup de fouet : on ne peut pas ne rien faire quand ces gens-là se bougent dans les conditions qui sont les leurs", pointe-t-elle.

"Je lui ai répondu poliment mais fermement"

Au Z event, le coming out devant 300.000 personnes n'en n'est pas véritablement un. À la fac, à la boulangerie, à Amnesty, bref, dans son quotidien, elle corrige systématiquement lorsqu'on lui parle de "son mari" et n'hésite pas une seconde avant de parler d'Isabelle, "ma chérie". En 2018, lors d'un gala, elle remercie sur scène Christiane Taubira "qui m'a permis d'épouser la femme que j'aime". Après ce soir-là, elle a reçu un mail assassin d'un donateur. "Je lui ai répondu poliment mais fermement".

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Quand on lui dit qu'on aimerait voir plus de femmes lesbiennes à des postes aussi importants que le sien, elle nuance. "Il faut garder la tête froide, je ne suis pas pour autant un modèle. Si parler ouvertement de mon homosexualité peut avoir un petit effet chez mes étudiants ou donner de l'espoir à certaines personnes, je suis contente". Alors, sur Twitter, lors de la Journée de la visibilité lesbienne, elle se montre en photo avec sa femme, Isabelle, artiste-peintre (mais aussi, croyez-le ou non, militante chez Amnesty). Elle reçoit un accueil positif, notamment de la part de jeunes "contents de voir aussi des photos de quinqua", dit-elle. Sa seule crainte, c'est que ses positions ne soit lues que par le prisme de son orientation sexuelle.

Un aiguillon pour les politiques

Alors, elle prend la parole. Le matin de notre rencontre, elle a écrit une tribune pour alerter sur les atteintes aux femmes par l'Arabie saoudite qui cherche à redorer son image. L'association veut être un "aiguillon" pour les politiques. Comme tout bon élève, on a vérifié la définition dans le dictionnaire. "Longue perche pointue, utilisée pour conduire et stimuler les bœufs, en les piquant au besoin", dit le Larousse.

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Amnesty joue la stratégie de la carotte et du bâton. Elle peut utiliser des formules incendiaires, pour parler des violences policières par exemple. Mais aussi féliciter comme lorsqu'Emmanuel Macron a parlé publiquement de la Tchétchénie en conférence de presse avec Vladimir Poutine. "C'est important dans notre stratégie d'être dans l'accompagnement", insiste-t-elle. "Cécile Coudriou est quelqu'un qui aime apporter de la complexité dans les sujets. Tout n'est pas blanc ou noir et on cherche à apporter des réponses complexes", pointe Sébastien Tüller, responsable des questions LGBTI. Le jeune militant s'est fait tatouer le logo d'Amnesty sur le bras, rien que ça.

On sait qu'on a un rôle à jouer

Parfois, Amnesty fait un peu les devoirs à la place de certains députés. Lors de l'examen du projet de loi bioéthique, Amnesty a apporté son expertise. En 2015, c'était sur la loi renseignement, une loi ô combien technique. Certains parlementaires n'avaient aucune idée d'où ils mettaient les pieds. L'association est un peu groggy de voir que des droits fondamentaux sont parfois traités avec si peu d'expertise, "voire de la légèreté", regrette sa présidente. Mais finalement, "on est galvanisé parce qu'on sait qu'on a un rôle à jouer", souligne la présidente.

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Mais entre le militantisme contre la peine de mort, le tapage pour faire libérer l'avocate Nasrin Sotoudeh, ou la dénonciation des violences sur le corps des personnes intersexes, difficile de comprendre où commence et où s'arrête le militantisme d'Amnesty. "Ce qui me révolte, c'est lorsque la dignité humaine n'est pas respectée. La cause LGBT+ est directement liée au fait de déshumaniser quelqu'un, lui refuser son droit de disposer de son corps, d'aimer, d'élever des enfants. C'est un droit fondamental", juge-t-elle, lunettes rehaussées, du rouge sur les lèvres et impeccablement habillée.

Cécile Coudriou, une prof ouvertement lesbienne à la tête d'Amnesty pour défendre les droits humains
Cécile Coudriou avec sa femme, Isabelle

Amnesty signe régulièrement les communiqués d'autres associations LGBT+. "On est une association généraliste, on est présent dans 150 pays sur 30 thématiques différentes. En même temps, on a la réputation d'être très solides sur la connaissance des sujets", indique-t-elle. Résultat, lorsqu'Amnesty signe une tribune, elle apporte une crédibilité bienvenue. Et de façon très concrète, Amnesty intervient également de façon matérielle. "On a la chance d'avoir des locaux plutôt grands. On invite d'ailleurs les associations LGBT+ à utiliser plus souvent nos salles de réunions !", se réjouit la présidente.

Le risque du burn-out militant

Avec tout ça, celle qui a milité pour l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, ne s'imagine pas avoir d'enfant. Où trouverait-elle le temps d'éduquer un bambin ? "Avoir pour femme la présidente d'une telle ONG, ça change beaucoup la vie du couple", insiste Isabelle, sa femme. Cécile Coudriou estime donner bénévolement 40 heures par semaine de son temps à l'association, en plus de son travail d'universitaire. Isabelle, qui partage son engagement et la conseille régulièrement évoque le syndrome du burn out militant, et la nécessite de savoir souffler. "Heureusement que je peux compter sur son soutien, car parfois, c'est dur", insiste Cécile Coudriou. Difficile de partager tranquillement un dîner avec sa femme quand des personnes meurent torturées dans le monde, qu'une nouvelle loi sécuritaire porte atteinte aux libertés et que les élections américaines tiennent le monde entier en haleine.

"Quand je sens que ça dépasse les limite, je lui demande de tout couper, comme la semaine dernière, pendant quatre jours", pointe sa femme. Sébastien Tüller, le responsable des questions LGBTI, mais surtout son ami, l'invite également à prendre du temps pour profiter de son couple et de ses amis. Quand elles ont un moment, elles l'emploient pour aller au cinéma ou une expo. Enfin, Cécile Coudriou peut envisager de quitter sa tenue de Wonder Woman.

 

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