Valery Giscard d'Estaing a été en avance sur son temps concernant le féminisme. Mais il n'a rien fait pendant son septennat pour lutter contre la répression policière qui touchait les homosexuels.
Lors de son hommage à Valery Giscard d'Estaing, Emmanuel Macron a loué le "courage", "l'audace" de son prédécesseur. Pour l'histoire, VGE est l'homme qui a sorti la France du gaullisme, un réformateur de la société. Première de toutes les avancée, la légalisation du recours à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) pour les femmes. Mais force est de constater que concernant les gays et les lesbiennes, il fut loin d'être un visionnaire.
"Pendant ces années, il y a un souffle de modernité, mais sur la question homosexuelle, Giscard a tout faux. Il ne revient pas de suite sur l'amendement Mirguet qui repénalisait l'homosexualité. C'est supprimé aux tous derniers moments de son septennat", note le sociologue Frédéric Martel auteur de Le Rose et le Noir (ouvrage qui n'est plus édité).
L'homosexualité, un "fléau social"
En 1960, en effet, l'Assemblée nationale vote l'amendement Mirguet qui définit l'homosexualité comme un "fléau social" au même titre que la tuberculose, l'alcoolisme ou la prostitution. "Quiconque aura commis un acte impudique ou contre-nature avec un individu de mineur de même sexe" peut être poursuivi, écrit la loi. Cet amendement sera finalement supprimé par le gouvernement de Raymond Barre en 1980. "Valery Giscard d'Estaing a vraiment traîné des pieds", assure le sociologue.
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Lorsqu'en 1974, VGE abaisse l'âge de la majorité, il poursuit une discrimination existante entre homos et hétéros. Alors que la majorité sexuelle est à 15 ans pour les hétéros, elle l'est à 18 pour les homos. C'est François Mitterrand qui reviendra sur cette distinction en 1982. "Il abaisse la majorité sexuelle, qui est un progrès, mais conserve une différence moins par homophobie que par méconnaissance du sujet", poursuit Frédéric Martel. On compte tout de même auprès de lui un ministre homo à la Culture, Michel Guy (mort du sida en 1990).
Des condamnations toujours en vigueur
Mais surtout, les homos, notamment masculin, sont toujours pourchassés par la police. Pendant les années 1970, l'outrage public à la pudeur est plus durement sanctionné lorsqu'il concerne les homos. Valery Giscard-d'Estaing ne fait pas grand chose pour faire cesser cette persécution. En 1973, 251 personnes sont poursuivie pour homosexualité, elles sont 147 en 1974 et 179 l'année d'après.
L'homosexualité se vit encore grandement dans le placard, même si quelques bars commencent à émerger du côté de la rue Sainte-Anne à Paris. Un certain nombre de films cinématographiques sont également interdits aux moins de 18 ans parce qu'ils évoquent l'homosexualité.
"En 1977, Chirac devient maire de Paris et se positionne pour l'élection présidentielle de 1981 sur un discours beaucoup plus conservateur que Giscard. Il augmente la répression, poussé par un mouvement conservateur", explique Mathias Quéré, auteur de Qui sème le vent récolte les tapettes, une histoire des groupes de libération homosexuels en France de 1974 à 1979.
Pas de réponse au CUARH
"Si VGE fait des réformes, ce n'est pas tant que c'est un libéral. La situation sociale est explosive et il est obligé de lâcher du lest. La société post-68 voit émerger des mouvements citoyens. Le mouvement féministe notamment est très fort à l'époque", assure Mathias Quéré. À cette époque, de nombreuses pétitions veulent révolutionner la société et le regard sur la sexualité.
Mais, le Front homosexuel d'action révolutionnaire (FAHR), qui a marqué la génération post-68, arrête ses actions militantes en 1974. "Par définition, le FARH ne s'adresse pas aux politiques institutionnels. C'est une organisation qui voulait révolutionner notre manière de concevoir le monde et la sexualité", complète Sam Bourcier, sociologue et militant pour la création d'un centre d'archives à Paris.
Petit frère du FAHR, le CUARH, est lancé en 1979, avec pour objectif d'influencer la campagne présidentielle. Le jeune Comité d'urgence anti-répression homosexuelle (CUARH) envoie des questionnaires à tous les candidats. Valery Giscard-d'Estaing ne prend pas la peine d'y répondre. "Mitterrand se jète sur la question de la peine de mort et sur la question de l'homosexualité. Il a trouvé ses axes de campagne, un espace que lui a laissé Valery Giscard-d'Estaing", dit Frédéric Martel. Dommage.
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