clubbing"GaysOverCovid", le compte Instagram polémique qui divise la communauté gay

Par Florian Ques le 07/01/2021
gaysovercovid

Depuis plusieurs jours sur le réseau social, une page anonyme prend un malin plaisir à épingler les "party gays" américains qui ne respectent pas les gestes barrières au nom de la fête. Un épiphénomène qui génère du buzz, certes, mais souligne par-dessus tout les failles d'une communauté déjà fragilisée.

"GaysOverCovid", tel est le nom du dernier compte sensation d'Instagram. Bien qu'il existe depuis l'été, c'est depuis seulement une dizaine de jours qu'il explose les compteurs, avoisinant désormais plus de 114.000 followers à l'écriture de cet article. Avec un nom qu'on traduirait simplement par "Les gays avant le Covid", cette page n'a qu'une utilité : sensibiliser la communauté gay à respecter les gestes barrières afin de limiter la propagation du coronavirus. Mais ses méthodes, elles, sont un peu plus controversées.

Du Mexique aux réseaux sociaux

Tout a commencé à Puerto Vallarta. Chaque année, cette zone balnéaire située au sud du Mexique est une destination immanquable pour les gays les plus fêtards. À l'instar d'un Spring Break pour homosexuels, c'est là-bas que s'enchaînent les soirées arrosées. L'alcool coule à flot, les corps se frottent sur la piste de danse. Autrement dit, il ne s'agit pas d'un contexte très recommandable en temps de crise sanitaire. Pour autant, les festivités n'ont pas été annulées. Dans cette bulle hors du temps, le Covid-19 semble ne pas exister. Mais les chiffres de contamination, aux États-Unis comme sur le territoire mexicain, signalent tout le contraire. C'est pourquoi l'administrateur anonyme de "GaysOverCovid" veut tirer la sonnette d'alarme.

 

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Au gré de ses posts, cette page Instagram n'hésite pas à poster les photos d'influenceurs et autres "party gays" qui bravent les interdits sanitaires officiels et continuent de sortir comme si de rien n'était. En voyant que les animations de Puerto Vallarta battaient leur plein, le créateur du compte s'est alors dit qu'il était temps de tenir les concernés pour responsables. Avec dans le viseur, en priorité, les membres du personnel soignant qui sont les plus à risque de reprendre leur travail post-festivités et propager le coronavirus auprès de leurs patients. Une démarche vaguement délatrice qui ne fait pas l'unanimité.

En effet, bien que les photos des fêtards soient ajoutées dans leurs stories publiques, "GaysOverCovid" les reposte allègrement, taguant d'ailleurs ces derniers tout en leur glissant une petite leçon de morale. Au cours du week-end passé, un des hommes concernés a fait part de sa colère via Facebook, comme le rapporte le média Queerty. "Nous offrons 500 dollars à quiconque peut nous aider à identifier la tête pensante derrière le compte @GaysOverCovid, avance-t-il. Qu'il sache que nous sommes à ses trousses".

Une polémique encore vive

Si le fondateur de cette page s'est fait son lot d'ennemis, il a aussi réuni toute une armée d'alliés – dont beaucoup d'hommes homosexuels qui déplorent l'attitude jugée égocentrique de ces fêtards en Speedo. Un cas particulier irrite profondément certains internautes : celui de Mike Schultz. Infirmier de profession, cet homme a contracté le Covid-19 plus tôt cette année, après avoir participé à un énorme rassemblement pour gays à Miami. Après deux mois passés à l'hôpital suite aux complications causés par la maladie, Mike Schultz assure ne pas être allé à Puerto Vallarta pour les fêtes de fin d'année. Mais comme le rapporte LGBTQ Nation, il aurait partagé des photos des soirées là-bas sur Facebook, écrivant qu'il était désormais question de "la loi du plus fort. C'est la vie. Désolé". Une attitude désinvolte que beaucoup décrient.

 

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Dans une récente vidéo partagée sur Instagram, le psychologue américain Greg Cason s'adresse aux "party gays" qui s'insurgent contre l'existence du compte "GaysOverCovid" et qui aimeraient la voir disparaître. "Si vous êtes énervé, en colère ou sur la défensive, c'est peut-être parce que ces critiques vous touchent car votre comportement n'était pas bon dès le départ, souligne-t-il. Il est peut-être temps de prendre du recul, de se calmer, de regarder les gens qui ne sont pas partis faire la fête et de se rendre compte de leurs sacrifices pour le bien des autres". Une dissonance qui ne se limite pas qu'aux fêtards.

Une communauté plus que jamais divisée

Car si les participants à ces soirées déchaînées sont potentiellement à blâmer pour la propagation du Covid-19, les gens qui les mettent en place doivent être tout autant mis en cause. Selon un post de "GaysOverCovid", les organisateurs de la White Party de Puerto Vallarta savaient ce qu'ils faisaient. "Nous vous demandons de ne pas poster l'adresse ou de la communiquer puisqu'il s'agit d'un événement privé pour nos invités et nous ne souhaitons pas que ça s'ébruite ou que ça cause des problèmes avec le public", peut-on lire de leur part dans un mail envoyé aux fameux invités. Plus encore, toute photo ou vidéo de l'événement était interdite cette année. Un peu comme s'il y avait une crainte des représailles…

Alors que son nombre d'abonnés continue de grimper, "GaysOverCovid" continue de créer la polémique et de diviser la communauté gay. D'un côté, certains encouragent le créateur du compte à poursuivre son rôle de justicier autoproclamé. De l'autre, certains craignent que cette "chasse aux sorcières" ne déclenche une vague d'homophobie dans son sillage. "Les gays sont-ils de plus gros transgresseurs que d'autres ?, s'interroge un internaute. Pourquoi uniquement cibler les hommes gays ? Ça invite tout type de gens à être homophobes envers eux, en plus de leur donner une 'excuse' pour agir ainsi". Après tout, peut-être qu'un débat bien plus large - mais surtout bienveillant - doit avoir lieu sur nos identités ?

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Crédit photo : White Party via Instagram