EuropeEn Pologne, une ONG veut classer les écoles selon leur accueil des personnes LGBTQI+

Par Nicolas Scheffer le 27/04/2021
Pologne

Une ONG polonaise a lancé un sondage pour classer les établissements scolaires selon leur accueil des personnes LGBTQI+. L'objectif est de récompenser les établissements qui ont le courage de prôner l'égalité dans un pays où sévit une LGBTphobie d'État.

Pour le ministre de l'Éducation en Pologne, les personnes LGBTQI+ "ne sont pas égales aux personnes normales". En retour, une ONG polonaise, la fondation GrowSpace, a lancé un sondage en ligne auprès des étudiants et des écoliers de toute la Pologne. L'idée ? Classer les écoles selon la qualité d'accueil des personnes LGBTQI+. Une initiative permettant de récompenser les établissements qui mettent en place des initiatives, en dépit de la LGBTphobie du gouvernement au pouvoir.

17 questions sont posées aux étudiants, aux professeurs et aux encadrants des établissements publics, privés et catholiques, indique RFI. Le questions portent sur l'attitude des enseignants vis-à-vis des couples LGBTQI+ ou le respect des pronoms des personnes transgenres. L'enquête pose également des questions sur les manifestations d'intolérance - comme des insultes homophobes - et leur gestion par le personnel encadrant.

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Le sondage a été lancé pour la première fois à Varsovie en 2018, 6.000 personnes y ont participé l'année dernière. Cette année, toutes les écoles du pays sont encouragées à répondre au questionnaire en ligne. "Nous voulons cibler non seulement les grandes villes, mais aussi les petites villes, pour donner aux candidats l'occasion de vérifier à quoi ressemble la question de la tolérance et de l'acceptation des personnes LGBT dans une école donnée", indique Dominik Kuk le créateur du classement. Les résultats du classement seront annoncés en juin sous la forme d'une carte de l'égalité. Les 10 écoles les mieux classées recevront un "diplôme de l'égalité".

70% des jeunes LGBTQI+ ont déjà eu des pensées suicidaires

Selon l'association Campagne contre l'homophobie, 70% des jeunes polonais LGBTQI+ ont déjà eu des pensées suicidaires.  Une personne trans sur deux a déjà été agressée en raison de son identité de genre. Depuis l'arrivée au pouvoir du parti Droit et Justice en 2015, le gouvernement installe un environnement délétère pour les personnes LGBTQI+. Le jour de la journée de visibilité transgenre, le président du parti Droit et Justice, Jaroslaw Kaczyinski, a défendu une société où "un homme est un homme, et une femme est une femme", rappelle RFI. Pas étonnant donc que la Pologne arrive tout en bas du classement de l'ILGA sur les conditions de vie des personnes LGBTQI+ dans 49 pays européens.

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Le sondage a pour vocation à montrer aux écoles en bas du classement que la discrimination existe au sein de leurs établissements. "Il y a trois jours, une fille de 17 ans a voulu quitter la Poméranie (au nord de la Pologne, ndlr) pour Varsovie. Elle préférait être sans domicile plutôt qu'auprès de sa famille qui la bat. Elle n'était pas seulement discriminée par les mots, mais on la bat physiquement simplement parce qu'elle est LGBT+. Cette adolescente se sent très seule. On a cherché un endroit où elle pourrait être en sécurité. La police l'a retrouvée et la ramenée chez ses parents. Et maintenant, si elle s'enfuit à nouveau, elle risque la prison. Cette situation est malheureusement courante", décrivait l'activiste Margot auprès de TÊTU.

Un gouvernement LGBTphobe

Le ministre de l'Éducation, Przemyslaw Czarnek a suscité de nombreuses critiques pour ses propos LGBTphobes. Selon lui, les chercheurs universitaires sont victimes d'une dictature des opinions libérales. Il compte présenter une loi au Parlement pour "libérer les conservateurs à l'université". "Les croyances selon lesquelles le mariage est entre un homme et une femme, qu’une mère est une mère, qu’un père est un père, doivent pouvoir être exprimés dans les universités", a-t-il affirmé. Le ministre "ne voit pas de place dans les programmes scolaires" pour la "théorie du genre".

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Selon lui, "l'idéologie LGBT" "a les même racines néomarxistes que le national-socialisme hitlérien". En 2019, il décernait des "diplômes du mérite" à des collectivité qui se sont déclarées "sans LGBT". Il s'était prononcé pour l'interdiction des marches pour l'égalité.

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Pendant la campagne présidentielle, le président sortant, Andrzej Duda promettait d'interdire l'éducation des enfants sur les sujets LGBTQI+. "Les parents sont responsable de l'éducation sexuelle de leurs enfants. Ce n'est pas possible pour une institution d'interférer dans la manière dont les parents élèvent leurs enfants", disait-il en juin 2020 avant de signer une charte pour la famille. Il a aussi assuré qu'il interdirait les couples homos de se marier ou d'adopter des enfants. "Il s'agit d'une idéologie de l'étranger. En aucun cas notre pays serait capable d'accepter que ça arrive", disait-il alors, cité par Reuters. En mars, un projet de loi a été déposé en ce sens.

 

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