Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022 propose la généralisation de "Labo sans ordo". Déjà testée à Paris notamment, l'opération permet de réaliser un test de dépistage au VIH, par une prise de sang et une sérologie, sans ordonnance ni avance de frais dans n'importe quel laboratoire d'analyse médicale.
Pouvoir entrer simplement dans un laboratoire d'analyse médicale, sans ordonnance, pour y réaliser un test de dépistage VIH, cela nous faciliterait bien la vie. À partir de ce lundi 11 octobre, les députés examinent comme chaque automne le projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui, parmi les propositions cette année (PLFSS 2022), comprend une généralisation de cette mesure déjà testée à Paris et dans les Alpes-Maritimes.
Sérologie VIH : prise de sang sans ordonnance
Baptisée "au labo sans ordo", cette réforme de simplification "vise à proposer une offre de dépistage complémentaire, plus accessible, grâce à un dépistage dans les laboratoires de ville, sans ordonnance et sans avance de frais", indique le ministère de la Santé dans son dossier de presse. Concrètement, la prise de sang permettant d'analyser la sérologie VIH, dont s'occupent déjà les laboratoires, se ferait désormais sans passer par les cases médecin/ordonnance/avance de frais.
En France, sur 172.700 personnes qui vivent avec le VIH, on estime que 24.000 ignorent leur statut sérologique. Un chiffre bien trop élevé, alors qu'une personne séropositive détectée et placée sous traitement a aujourd'hui la même espérance de vie que la population générale.
Une préconisation de la Cour des comptes
En 2019, dans un rapport qui a fait date, la Cour des comptes a étrillé la gestion du sujet VIH par le ministère de la Santé. "La France a mis en place une stratégie très ambitieuse visant à éradiquer les nouveaux cas à l’horizon 2030, mais elle ne s’est pas donné les moyens d’atteindre ses objectifs, en particulier en matière de prévention et de dépistage", écrivaient les magistrats.
Le document de 140 pages émettait dix recommandations, parmi lesquelles "accroître significativement l’offre de dépistage du VIH en autorisant le remboursement par l’assurance maladie des sérologies sans prescription médicale, et la diffusion en vente libre des autotests dans les officines, tout en facilitant leur mise à disposition gratuite". Autre préconisation : "Évaluer ces actions en 2022".
La lutte contre le VIH
L'association Aides de lutte contre le VIH/sida se félicite de cette généralisation à venir du dépistage sans ordonnance, indiquant à TÊTU : "Nous participerons à toutes les initiatives qui redonneront de l'élan au dépistage et à un accès facilité et gratuit au dépistage". L'asso rappelle par ailleurs qu'une toute nouvelle plateforme, jefaisletest.fr, permet de recevoir par La Poste un autotest au VIH. Et de marteler : "Il est indispensable, dans le contexte actuel, de mettre en place et soutenir une offre nationale des IST et du VIH à distance".
Car dans son dernier Bulletin épidémiologique concernant le VIH, Santé publique France le reconnaît : "Le dépistage est le maillon faible de la cascade du VIH en France. Malgré de nouvelles recommandations et une diversification de l’offre, l’accroissement du volume de tests ne suffit pas à réduire rapidement le délai entre infection et diagnostic." Le document remarque que l'expérimentation de l'opération "au labo sans ordo" a permis "une augmentation nette du volume de tests".
En 2018, selon les derniers chiffres disponibles, le délai entre infection et diagnostic médian était estimé à 3,6 ans sur la période 2014-2018. Par ailleurs, 17% des homos et des bis (HSH) déclarent n'avoir jamais fait de test. En outre, depuis le début de l'épidémie de Covid-19, la lutte contre le VIH a besoin d'un nouveau souffle. Lors du premier confinement, par exemple, les dépistages ont été divisés par deux (-56%) et ont eu du mal à reprendre alors que les déplacements étaient de nouveau possibles. La co-découvreuse française du VIH et prix Nobel de médecine, Françoise Barré-Sinoussi, a estimé qu'au niveau mondial, on pourrait avoir perdu dans cette crise sanitaire dix ans dans la lutte contre le VIH. Mais le gouvernement veut y croire : "Quand il s’agit de prévention, on sait mettre les moyens", nous assurait en juin le ministre de la Santé, Olivier Véran.
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