EuropeStérilisation obligatoire des personnes trans : les Pays-Bas présentent des excuses

Par Nicolas Scheffer le 02/12/2021
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Jusqu'en 2014, les Pays-Bas obligeaient les personnes transgenres à être stérilisées pour pouvoir transitionner à l'état civil. La ministre néerlandaise de l'Éducation en charge de l'Émancipation a présenté des excuses officielles.

"Évidemment que des normes sur l'apparence physique n'ont rien à faire dans une loi, et celle-ci ne peut en aucune façon entraîner une obligation de se faire opérer. Il est inconcevable que les Pays-Bas aient décidé de telles choses en 1985 et aient permis qu'elles perdurent jusqu'en 2014". La déclaration rapportée par Le Monde d'Ingrid van Engelshoven, ministre de l'Éducation des Pays-Bas, en charge du porte-feuille de l'Émancipation, est nette. Ce samedi 27 novembre devant le Parlement, elle a officiellement présenté des excuses aux personnes transgenres en raison des souffrances liées aux dispositions légales qui les obligeaient, dans la période citée, à se faire stériliser pour pouvoir demander leur changement d'état-civil.

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En 2020, des excuses non-officielles avaient déjà été prononcées par un autre ministre, Sander Dekker, lors d'une réunion en ligne. "Vous ne rendez pas justice avec des excuses sincères dans un tel cadre. Le gouvernement doit assumer qu'il a ajouté des souffrances inutiles. Ensuite, il doit regarder les personnes concernées avec la dignité qu'il convient", explique Ingrid van Engelshoven dans le quotidien néerlandais De Volkskrant.

Traitement hormonal et stérilisation

La loi adoptée en 1985 obligeait les personnes transgenres à subir un traitement hormonal et des opérations visant à modifier leur apparence physique pour pouvoir changer d'état civil. Plus grave encore, elles devaient être définitivement stérilisées pour obtenir la modification de leurs documents officiels. Jusqu'en 2001, les personnes transgenres devaient même se séparer de leur partenaire le cas échéant.

Les associations des droits humains dénonçaient alors ces atteintes à la vie privées, à l'intégrité physique et au droit de fonder une famille, pourtant protégés par la Convention européenne des droits de l'Homme. "La législation des Pays-Bas, qui à l'époque représentait une avancée, est aujourd'hui en décalage par rapport aux pratiques optimales existantes et à l'interprétation qui est généralement faite de leurs obligations au regard du droit international relatif aux droits humains", pointait l'ONG Human Rights Watch en 2011.

Une indemnisation de 5.000 euros

Il a fallu attendre 2014 pour que ces exigences soient abandonnées. Depuis, l'avis d'un médecin est suffisant pour changer d'état civil et l'obligation de stérilisation est abandonnée. Les personnes trans qui s'étaient soumises à la loi ont pu demander une indemnisation de 5.000 euros (en Suède, le montant est de 22.500 euros) en guise de réparation, rappelle le quotidien. Sur les 2.000 attendues, 420 personnes l'ont demandée.

"Je ne considère pas ces excuses comme un point final, mais plutôt de départ."

En 2019, les atteintes aux droits des personnes transgenres sont désormais punies aux Pays-Bas. Et en 2024, les cartes d'identité n'y comporteront plus la mention du genre, jugée "inutile" par la ministre. Le "sexe" sera néanmoins toujours mentionné sur les passeports, qui répondent à des normes européennes. Un projet de loi prévoit enfin que les personnes transgenres n'auront plus à consulter de médecin pour effectuer leur transition administrative. Et la ministre d'assurer : "Je ne considère pas ces excuses comme un point final, mais plutôt de départ. Il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la place sociale des personnes trans. Un congé de transition devra être mis en place lors de la prochaine législature".

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