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politiqueLégalisation de la GPA : fermé par Macron, le débat rouvert par ses ministres

Par Nicolas Scheffer le 29/04/2024
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Alors qu'Emmanuel Macron a toujours refusé d'envisager la légalisation en France de la gestation pour autrui (GPA), et que son ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, en avait même fait une "ligne rouge", ce dernier affirme aujourd'hui que "ce débat n'est pas clos". Et sa collègue chargée de l'Enfance et des Familles, Sarah El Haïry, d'appeler à sortir "de l'hypocrisie" et à "ouvrir un débat". Un nouveau cap ?

Changement de cap à 180° du gouvernement sur la question de la gestation pour autrui (GPA). À la fin d'une semaine compliquée pour les familles homoparentales, à nouveau attaquées à coups de fake news par le lobby réac (extrême droite en tête) à la suite du faire-part de naissance du couturier Simon Porte Jacquemus, la ministre en charge de l'Enfance et des Familles, Sarah El Haïry, a dénoncé ce samedi 27 avril "l'hypocrisie" consistant à ne pas ouvrir le débat sur la légalisation d'une GPA éthique… Curieux choix de terme, quand le refus catégorique d'ouvrir ce débat est porté au plus haut de l'exécutif, par le président de la République lui-même.

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"Moi je souhaite qu'on sorte de l'hypocrisie. L'hypocrisie, c'est quoi ? C'est qu'on sait que c'est un sujet qui est difficile à aborder parce qu'il est instrumentalisé par des extrêmes. Je souhaite simplement que la préparation de notre pays à avoir un jour ce débat puisse se faire parce que oui, il y a des enfants qui vont bien, leurs parents les aiment", a développé Sarah El Haïry sur le plateau de BFMTV, ajoutant : "Ouvrir un débat (…), c'est sain et c'est serein." Le lendemain, sur la même chaîne, le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, est allé dans son sens : "Moi, à titre personnel, ce qui me gêne, c'est une possible marchandisation du corps de la femme.(…) Ce débat, il n'est pas clos", a-t-il déclaré.

Macron trois fois contre la GPA

Les deux ministres arriveraient presque à nous faire croire que la majorité présidentielle l'aurait toujours voulue, cette discussion. Sauf que le président de la République et son gouvernement ont jusqu'ici toujours fermé le ban d'une légalisation de la GPA en France. "Je ne suis pas favorable à autoriser la GPA en France. Ce sujet soulève un débat philosophique sur la capacité à disposer de son corps et à le marchandiser. À mes yeux, c’est un débat impossible à trancher", déclarait Emmanuel Macron à têtu· dès 2017. "Mon souci de protection m’amène à ne pas souhaiter ouvrir la possibilité de la GPA en France. Sa légalisation poserait en effet la question de l’exploitation du corps des femmes"avait maintenu le chef de l'État auprès de têtu· en 2022, lors de la campagne pour sa réélection, après avoir fait savoir dès la présentation de son programme : "Je considère que la pratique de la GPA n'a pas à avoir cours en France."

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Une position de principe verrouillée à double tour par la Première ministre d'alors, Élisabeth Borne, auprès de têtu· l'été suivant : "Le président et moi-même sommes contre l’idée qu’on ouvre la porte à la marchandisation du corps humain." En 2021, le même ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, déclarait dans une interview à Femme actuelle : "La GPA est une ligne rouge que nous ne souhaitons absolument pas franchir."

"Ne pas encourager le recours à la GPA"

C'est aussi sous la présidence d'Emmanuel Macron qu'ont été rognés les droits des enfants nés d'une GPA réalisée à l'étranger. Après que Christiane Taubira, ministre de la Justice sous François Hollande, avait, en 2013 dans une circulaire, enjoint aux magistrats de reconnaître les enfants concernés à l'état civil, Emmanuel Macron promettait en 2017 : "Il faut permettre la reconnaissance des enfants nés par GPA à l’étranger. On ne peut pas les laisser sans existence juridique. Ces enfants participent d’un projet d’amour. Il faut arrêter l’hypocrisie, et je porterai ce projet pour compléter la circulaire Taubira." Mais, bien que la reconnaissance des enfants nés d'une GPA ait ensuite été entérinée par la jurisprudence de la Cour de cassation, la loi de bioéthique adoptée en 2021 (celle qui a ouvert la PMA à toutes les femmes) a inclus une mesure interdisant la reconnaissance automatique des parents qui ont eu recours à une GPA à l'étranger. "On ne veut pas d’automaticité dans la reconnaissance de la filiation pour ne pas encourager le recours à la gestation pour autrui", justifiait alors Éric Dupond-Moretti.

Depuis ces prises de position, plusieurs élus de la majorité se sont montrés plus favorables au don de gestation, ou au moins à l'ouverture du débat, mais à chaque fois "à titre personnel", soucieux de ne surtout pas embarquer la majorité dans ce débat. Une évolution sur ce sujet "ne se fera pas dans cette législature" car "la GPA ne figure pas dans le contrat présidentiel et législatif que nous avons passé avec les Français au printemps 2022", assumait ainsi l'ancien ministre Clément Beaune l'an dernier dans Le Nouvel Obs. "Le débat, là-dessus, est clos", considérait Olivier Véran en 2021, tout en indiquant : "Je ne serais pas choqué qu’un jour on puisse en débattre et que cela permette d’éclairer la représentation nationale." En 2019 un certain Gabriel Attal, devenu entretemps Premier ministre, laissait entendre auprès de Libération "qu'il ne serait pas contre une GPA 'éthique', pour avoir un enfant, si c'était légal en France". Plus récemment, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, venu de la droite, faisait savoir à Quotidien qu'il poursuivait sa "réflexion" sur le sujet. Alors, la question demeure : le dossier est-il réellement ouvert en macronie, ou bien est-il mort-né ?

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Crédit photo : capture d'écran BFMTV

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