tribuneAugmentation des violences LGBTphobes : lettre ouverte à Gabriel Attal

Par Collectif le 02/05/2024
Le Premier ministre Gabriel Attal.

Face aux nombreuses agressions LGBTphobes déjà recensées en France depuis le début de l'année 2024, 57 associations adressent ce courrier au Premier ministre, Gabriel Attal, pour l'appeler à "faire preuve de courage politique" contre la résurgence de la haine anti-LGBT.

Lettre ouverte au Premier ministre, M. Gabriel Attal, sur l’augmentation des violences LGBTphobes en France depuis le début de l’année 2024

Monsieur le Premier ministre,

Nous, représentant·es associatif·ves, élu·es et militant·es, vous adressons cette lettre ouverte en réaction aux dernières agressions homophobes en recrudescence dans toute la France, et ce depuis le début de l’année.  

En 2024, onze ans après le vote de la loi dite du mariage pour tous, l’homophobie et la haine anti LGBTQIA+ sont toujours présentes et font rage dans l’espace public, et ce, dans un silence institutionnel assourdissant.  

Insultes banalisées dans la rue et jusque dans les cours d’école, chants homophobes dans les stades, agressions physiques et verbales violentes, guet-apens, tags homophobes sur nos lieux de vie et dégradation de nos locaux associatifs – rappelons l’attentat à la bouteille explosive dans le Centre LGBTQI+ de Tours en 2023 ; la violence envers les personnes, les associations et tout simplement les symboles LGBTQIA+ prend de multiples formes. Ces violences sont en constante augmentation tant en nombre qu’en intensité, sans que la police ou la justice ne s’alarment ou ne se mobilisent face à cet inquiétant phénomène accru.  

Depuis maintenant deux ans, cette vague de haine progresse sans rencontrer de véritable opposition de la part des pouvoirs publics, pourtant garants de notre sécurité, tout comme de la sécurité de tout citoyen ou citoyenne français.

Il est grand temps que cette inaction et ce silence complice cessent et que votre gouvernement prenne enfin pleinement ses responsabilités. Nous avons le droit de vivre dans l’espace public en sécurité, librement et sereinement, sans avoir peur. Nous avons les mêmes droits que le reste de la population. Nous ne pouvons tolérer la menace et les intimidations de la part d’une frange marginale de plus en plus hostile et véhémente. 

Nous entrons dans une période de célébration et de lutte importante pour les personnes LGBTQIA+, et pour toute la société, notamment avec la journée internationale de luttes contre les LGBTIphobies du 17 mai prochain, le mois des Fiertés qui débutera dès juin ainsi que les nombreuses marches de fiertés partout en France. 

Il est hors de question que ces temps forts de nos luttes soient compromis, pas plus qu’ils ne soient instrumentalisés pour donner l’illusion d’une action publique forte en faveur de la lutte contre les LGBTphobies, nous y serons particulièrement vigilants. Nous attendons de votre part de réelles actions pour contrer la violence qui se diffuse et permettre que nos marches revendicatives, célébrations et commémorations se déroulent sereinement. 

Aussi, dans moins de 100 jours, le monde entier sera réuni à Paris, en Île-de-France et partout en France, pour les Jeux Olympiques et Paralympiques. Il ne tient qu'à vous de décider de l'image que vous souhaitez offrir au monde. Celle d'un État de droit, attaché aux droits humains et aux libertés fondamentales et qui a fait de la lutte contre toutes les discriminations un véritable pilier de son action, ou celle d'un État qui laisse s'installer silencieusement une violence décomplexée contre l’ensemble des personnes LGBTQIA+. Nous sommes sûr·es que ce n’est pas l’image du pays des droits humains et des libertés fondamentales que vous défendez. 

Ainsi, nous réclamons sans attente :  

- Une condamnation systématique et sans équivoque de toutes les formes de violence, de haine et d’agression à l’encontre des personnes, des associations et symboles LGBTQIA+, au plus haut niveau de l’État, sans que nous ayons besoin de faire pression pour espérer une réaction institutionnelle.

- Une analyse quantitative et qualitative du précédent Plan national d’actions pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ (2020-2023) afin d’en tirer des enseignements concrets, en complément du rapport d’évaluation réalisé  par la CNCDH. 

- Une mise en route effective du Plan national pour l'égalité, contre la haine et les discriminations anti LGBT+ (2023-2026), avec des moyens accrus et pérennes, avec un pilotage réunissant les associations LGBTQIA+ initialement auditées lors de son élaboration. À cette date, nous attendons toujours la première réunion suite aux  premières annonces, de 2023… 

- Une réelle prise en compte de nos rôles, expertises et revendications, en commençant par une rencontre systématique avec les associations LGBTQI+. À date, et ce malgré nos demandes, nombres d’associations, dont l’Inter-LGBT, ne se sont vu proposer de rencontre avec le ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes et la Lutte contre les discriminations, et ses structures afférentes, alors qu’un remaniement a eu lieu le 11 janvier dernier.

Aussi au regard de l’actualité, nous réclamons la mise en pratique effective des mesures du plan actuel suivantes :  

- Renforcer la formation initiale et continue des policiers et gendarmes aux enjeux d’inclusion et de lutte contre les actes LGBTphobes, avec notamment la mise en place de sessions de formation et de sensibilisation annuelles dans tous les commissariats et gendarmeries afin d’assurer la prise en compte effective de nos plaintes et un réel  accompagnement des victimes, qui se voient encore trop souvent mises en doute et décrédibilisées lors du dépôt de leur plainte. 

- Identifier et répertorier les lieux et les actes d’agression LGBTphobes pour y renforcer la protection des personnes et des biens, avec notamment un suivi chiffré et mis à jour, le tout accessible, et adossé à un comité de suivi mensuel en partenariat avec les associations LGBTQI+ afin d’y apporter nos expertises et proposer des solutions réalistes et réalisables. Nos associations ne peuvent se substituer au travail des institutions en matière d’identification et de répertoire. Nous pouvons vous y aider, pas vous remplacer.  

- Responsabiliser et accompagner les territoires sous le pilotage des préfets et des procureurs de la République, en réunissant réellement dans tous les territoires tous les CORAH et en dédiant autant que cela s’impose, des groupes de travail spécifiques aux questions LGBTQIA+, au contrôle et à la mise en œuvre du plan LGBT+ ainsi qu’au suivi des agressions et des lieux d’agression et aux mesures de prévention et de luttes contre la haine anti-LGBT+ qui en découlent.  

Enfin, au vue du contexte particulièrement transphobes, des deux propositions de lois au Sénat et à l’Assemblée nationale contre le droit des mineurs et personnes trans, nous réclamons qu’un plan spécifique sur les questions trans et contre la transphobie, grandes absentes du plan LGBT+ 2023-2026, soit travaillé en réunissant les associations LGBTQI+ concernées.  

Monsieur le Premier Ministre, nous sommes en intimement convaincu·es : faire en sorte que la haine LGBTphobe ne soit plus une réalité dans notre pays et ce, dès 2024, n’est pas faire preuve de prosélytisme, mais c’est avant tout répondre de sa responsabilité gouvernementale et faire preuve de courage politique.  

Nous restons naturellement disponibles pour vous aider à réaliser cette tâche immense qui vous incombe.

Nous nous sentons aujourd’hui encore bien seul·es face à un retour décomplexé de forces et de voix réactionnaires. Agissons ensemble. La liste des victimes de la haine LGBTQIAphobe s’allonge à un rythme alarmant sans déclencher de réaction à la hauteur. Ne laissez pas nos noms agrandir une liste de mort·es et de victimes de la haine LGBTphobe, que nous nous sentons à l’heure actuelle bien seul·es à pleurer. 

Vous avez toutes les cartes en mains, Monsieur le Premier ministre, pour décider que l’ensemble de votre gouvernement soit enfin pleinement investi à nos côtés.  

À lire aussi : Contre l'offensive anti-trans, dimanche de manifestations partout en France ce 5 mai

LISTE DES 57 ASSOCIATIONS SIGNATAIRES :

Inter-LGBT, Interassociative lesbienne, gaie, bi et trans
SOS homophobie
ACT UP-PARIS
AIDES 
ARDHIS 
Sidaction 
Fédération LGBTI+ 
UNEF  
Association OUTrans 
le RAVAD (réseau d'assistance aux victimes d'agressions et de discriminations)
STOP homophobie 
Centre LGBTI du Poitou 
Nosig, centre LGBTQIA+ de Nantes  
Centre LGBTQIA+ Marseille 
exaequo, centre LGBTI+ de Reims 
Les ami.es du Patchwork des Noms 
Association Sportive Motocycliste de France  
Arc Essentiel 
HES LGBTI+ 
SNEG & CO
Les ecologistes LGBTQIA+ 
Les écologistes-EELV 
Shams-France  
Génération·s 
Montpellier Kinkster  
D&J Arc-en-ciel 
Arc.en.correze 
ENIPSE 
Association PASTT 
Les Concerts gais 
FSU 
Focus-IST  
Tribagofrance 
Centre LGBTI de Touraine 
Les ActupienNEs
Gestuelles 29
Alertes 12 
Sajmah 
Association des Parents et futurs parents gays et lesbiens - APGL NEFLA - network of European LGBTIQ* Families Associations Entre2basket 
Mobilisnoo 
MAG Jeunes LGBT+ 
Action Justice Climat Paris 
Equivox 
Homoboulot 
ADHEOS 
Union étudiante 
Pride Marseille 
Les Sœurs de la perpétuelle indulgence - Couvent de Paris LES AUDACIEUX dite les Audacieuses et les Audacieux  Fier.es et queer 
Contact France 
La Boucle 
Les Cannelions 
Fep-CFDT 
FSGL 

Crédit photo : Ludovic MARIN / AFP