Pour changer des conseils sur comment répondre à votre oncle raciste, on a pensé cette année à économiser votre énergie. Alors plutôt que de vous épuiser à réexpliquer que la Terre est ronde, voici une liste de livres à offrir pour Noël dont la lecture donne à penser, à explorer, à réfléchir, sur des sujets de société souvent caricaturés dans les débats familiaux.
Les fêtes de fin d’année arrivent et avec elles, parfois le stress des réveillons. Comment va se passer ce dîner avec la grand-tante qui vous mégenre, l’oncle raciste qui force sur la bouteille ou encore avec ce cousin qui considère que Bilal Hassani n’est pas un "vrai homme" ? Pour répondre à leur petites piques et aux réflexions discriminantes, voici une sélection de livres à glisser sous le sapin à leur intention. L’idée : permettre d’ouvrir la discussion pour que le repas de Noël soit plus safe.
Pour chaque préjugé ou idée étriquée qui a la fâcheuse habitude de revenir dans les repas de famille, la rédaction vous propose un roman, une bande dessinée ou un essai qui amène à réfléchir. Un livre qui permettra, on l’espère, de participer à déconstruire une partie des préjugés de vos proches !
"On peut plus rien dire sans être traité d’homophobe"
A-t-on encore besoin de rappeler que oui, "enculé" est une insulte homophobe et sexiste ? Pour éviter d'avoir (encore) à l'expliquer, et plus largement à revenir sur cette idée qu'on ne peut plus rien dire, vous pouvez vous tourner vers le livre 100 œuvres d’art censurées, d’Emmanuel Pierrat (éd. du Chêne, 35 euros). Depuis le XVe siècle à nos jours, cet ouvrage décortique les raisons pour lesquelles des œuvres comme Le jugement dernier de Michel-Ange (1536-1541) ou Immersions (Piss Christ) d’Andrès Serrano (1987) ont été censurées, souvent par des politiques ou des religieux.
"Être gay, c'est pas être une folle avec une plume dans le cul à la Pride"
Pour répondre à cette distinction récurrente et follophobe, en plus d’offrir le dernier TÊTU, vous pouvez glisser le livre L’Intranquille, de Joseph Kai (éd. Casterman, 20 euros). Ce roman graphique s’intéresse à la vie queer de Beyrouth, au Liban. L’histoire raconte la performance d’une artiste en parcours de transition. La police intervient alors qu’elle est sur scène, et l’embarque. Peu après dans un café, la communauté LGBTQI+ s'interroge : n'était-ce pas trop provoquant comme spectacle ? Après tout, ne l'a-t-elle pas bien cherché ?
À ces interrogations, le héros, un homme cis gay, répond : "Je me demande ce que [mon corps] serait sans le poids du rejet, de la menace et de la peur. J'aurais tellement voulu me connaître sans ça". Une façon de répondre aux débats sur l’importance d’avoir des icônes queers comme Bilal Hassani ou Barbara Butch.
Vous pouvez aussi ajouter le très bel ouvrage Pride, de Matthew Todd (éd. Gründ, 29,95 euros) qui revient en photos et en textes sur l’histoire des luttes LGBTQI+ ou encore A Pink Story, de Kate Charlesworth (éd. Casterman, 25 euros), une bande dessinée sur une lesbienne née en 1950 au Royaume-Uni. Avec son histoire, on découvre aussi les enjeux politiques de cette époque où être LGBTQI+ était passible de prison.
"Un enfant a besoin d'un papa et d'une maman"
On le sait, les enfants ont été instrumentalisés par la propagande de la Manif pour tous tentant de faire croire qu’être un couple lesbien ou gay serait "contre-nature". Plutôt que d’écouter cette France-là, écoutons les enfants. L’autrice Kolia Hiffler-Wittkowsky a recueilli seize témoignages d’enfants nés dans un couple lesbien : Gosses d’homos, récits d’enfants de couples lesbiens (éd. Max Milo, 19,90 euros).
Sans surprise, le principal problème de ces enfants est le rejet des autres et la lesbophobie. Malöé, 14 ans, a d’ailleurs trouvé une façon très drôle de répondre à la réflexion "tu ne peux pas avoir deux mamans" :
"- Emilie, elle t’a porté dans son ventre ?
- Non.
- Donc c’est pas ta mère !
- Et ton père ?
- Quoi mon père ?
- Il t’a porté dans son ventre ?
- Bah, non !
- Donc c’est pas ton père."
À ces témoignages, vous pouvez ajouter le livre de la philosophe Marianne Chaillan, Pensez-vous vraiment ce que vous croyez penser ? (éd. Équateurs, 18 euros). Au travers de textes philosophiques et de petits jeux, l'autrice invite à réfléchir sur la PMA, la GPA ou encore sur le travail du sexe. Un ouvrage accessible à toustes et pensé comme un livre dont vous êtes le/la héro·ïnes.
"Moi, raciste ? Arrête un peu !"
Pour éviter de vous épuisez à argumenter face à des murs d'"ami noir", offrez plutôt Des vies de combats, femmes, noires et libres, d’Audrey Célestine (éd. L’Iconoclaste, 22,50 euros). De Joséphine Baker à Christiane Taubira en passant par Rosa Parks ou Beyoncé, l’autrice brosse des mini-portraits de ces femmes, de leurs parcours et de leurs combats. Une succession de petites nouvelles qui permettent aussi de découvrir des personnes peu connues et de réaliser les conséquences du racisme pour les personnes concernées.
"Les migrants sont des profiteurs et des violeurs"
Cette antienne de l’extrême droite, Béatrice Huret y croyait un peu aussi. Sympathisante du FN, veuve de policier, elle va raccompagner un homme parce que la pluie est très forte sur Calais ce soir-là. L’homme lui demande de le laisser en bordure d’un bois. Le lendemain, angoissée qu’il soit mort sous la pluie, elle va partir à sa recherche et entrer dans la jungle de Calais. Très vite, elle va devenir bénévole et tomber amoureuse de Mokhtar, un migrant iranien. Son livre Calais mon amour (éd. Kero, 17,90 euros) est à glisser sous tous les sapins.
"Il faudrait interdire la prostitution"
Déjà, vous pouvez répondre que la loi de 2016 a précarisé les travailleur·ses du sexe (TDS), rendant leurs conditions de travail pires qu’avant. Puis vous pouvez offrir le livre de Pauline Verduzier, Vilaines filles, les travailleuses du sexe, les clientes et la journaliste (éd. Anne Carrière, 18,50). De Paris à New-York, elle est partie à la rencontre des dominas, des escorts ou encore des TDS qui travaillent en appartement ou dans la rue. On la suit à travers ses doutes, ses questionnements éthiques et sa curiosité. Jamais voyeur, ce livre est écrit comme un roman et l’on s’y plonge volontiers.
Les livres pour tâter le terrain sur les sujets LGBTQI+
Vous avez envie de profiter de Noël pour savoir si vous pouvez faire votre coming out sans problème, ou tout simplement pour ouvrir le débat ? Voici trois livres qui devraient vous y aider.
Nos amours radicales (éd. Hachette, 19,95 euros) est un ouvrage collectif qui raconte l’amour à travers une succession de différentes nouvelles, avec des histoires hétéros et LGBTQI+. Dans "Alors, saute !", Nanténé Traoré raconte ce que c’est que de se découvrir lesbienne adulte. "J’ai trop mal de voir mes fondations se casser la gueule d’un coup, j’ai trop mal de me dire que je me suis peut-être menti pendant 26 ans. J’ai honte, j’ai peur, je me dis que c’est impossible. (...) ça arrive aux autres d’être lesbienne, pas à moi." C’est aussi une bonne façon d’aborder les transidentités car au fil de son récit, il raconte ses questionnements et son début de transition.
Autre possibilité : Au coin d’une ride, de Thibaut Lambert (éd. Des ronds dans l’eau, 14 euros). L’auteur vous embarque en bande dessinée dans un couple gay. Éric vient de laisser Georges, son compagnon, dans une maison de retraite. Georges a la maladie d'Alzheimer et n'est plus gérable au quotidien. Leurs déchirements, leurs doutes sont dessinés avec une grande douceur.
Enfin, pour les enfants, la maison On ne compte pas pour du beurre édite des livres à 15 euros. Dans La Vallée du Miel et La Voix Bleue, Lila vit des aventures extraordinaires. Au détour d’un dessin, on découvre que Lila a deux mamans… De leur côté, Hic et Nunc sont deux faux jumeaux de dix ans. Dans On n’est pas petits et Pareil et différents, les deux enfants s’interrogent sur leur vie et leur avenir. Leurs deux papas les guident dans cette enfance faite de joie et de pique-niques.
Bonus : "le Covid est une invention"
Pour terminer cette sélection de livres, voici notre recommandation sur le sujet incontournable des fêtes en 2021. Depuis deux ans que ce virus habite nos vies, certaines personnes persistent à penser qu'il n'est pas réel, empêchant un vrai débat sur l’état de nos droits et de nos libertés. La philosophe Barbara Stiegler s’interroge sur la façon dont le gouvernement a géré la crise : quelles conséquences sur les fausses infos ou sur la démocratie ? Son ouvrage s’appelle De la démocratie en pandémie (ed. Tracts Gallimard, 3,90 euros).
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