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billetPride : le contraire de la fierté, c'est disparaître

Par Thomas Vampouille le 23/06/2022
Présidentielle : ce que réclament les associations LGBTQI+

Ce week-end de Marche des fiertés à Paris, et plus largement ce mois de juin qui célèbre nos identités à chaque Pride partout en France, sont aussi l'occasion de réfléchir à ce qui fonde une communauté LGBTQI+, et au sens de notre visibilité dans l'espace public.

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Qu’avons-nous en commun ? La question est posée chaque fois qu’au hasard d’une appli de rencontres gay, l’étiquette “hors milieu” surgit sur le profil d’un garçon homo, plantée là comme le drapeau de sa non-appartenance à la communauté gay, encore moins LGBTQI+.

Cette idée d’une “communauté homosexuelle” a fleuri dans la première moitié du 20e siècle aux États-Unis pour désigner la visibilité urbaine des homos via des “quartiers gais”. Dont la nécessité s’est, dès le départ, trouvée contestée par certains concernés. “Une civilisation « gay » s’est créée, qui a ses ghettos (…) à l’intérieur des villes, quartiers spécialisés, avec leur style de vie, leurs distractions”, décrit le 10 novembre 1979, dans Le Figaro Magazine, Guy Hocquenghem, dont on sait qu’il n’eut pas que de bonnes intuitions, avant de pointer le risque d’un “enfermement du ghetto”.

En France, l’idée s’est cristallisée un peu plus tard dans le contexte du sida, qui a fait douloureusement apparaître celle d’une tragique communauté de destin (le “cancer gay” dans Libération, c’était il y 39 ans). C’est alors qu’au-delà de l’entraide vitale, la communauté s’est organisée en peuple politique : visibilité, revendication, Act Up. Un mouvement qui n’a pas non plus échappé à la sempiternelle accusation accompagnant dans notre pays toute politisation d’une catégorie de la population : celle d’une “tentation communautaire” s’opposant au légendaire universalisme à la française.

La possibilité d'une fierté gay

Sans faire de procès anachronique aux écrits de l’époque, l’expérience a montré que c’est tout le contraire qui s’est produit. Il faut se souvenir que le coming out marquait à l’origine non pas tellement la sortie fracassante du placard dans une société qui n’y était pas encore prête, mais plutôt l’entrée dans cette communauté protectrice qui, avant internet, n’existait que par ses lieux, le fameux “milieu”. Ce n’est qu’une fois ouverte cette possibilité d’être soi, sans masque ni honte, que le coming out a pu se tourner vers l’extérieur et devenir une “fierté gay”. Or nos luttes, contre le sida puis pour la reconnaissance des couples homosexuels, n’ont produit ni entre-soi ni droits spécifiques, mais plus de liberté, d’égalité, de fraternité.

Cet apprivoisement solitaire de notre identité sexuelle ou de genre, puis sa révélation au monde, c’est justement notre trait d’union. “Puisque l’homosexuel peut se cacher, il n’existe pas socialement avant de s’être lui-même avoué et désigné comme tel”, écrit encore Guy Hocquenghem en 1979, ajoutant cet avertissement : “Réciproquement, il pourrait redisparaître demain, pour peu qu’une violente répression surgisse.” Et en effet, à quoi s’attaquent en premier lieu les régimes homophobes, de celui de Poutine à celui d’Erdogan ? À nos Prides.

Aujourd’hui, alors qu’une génération solo avait commencé au tournant du 21e siècle à pronostiquer la fin de la nécessité communautaire, revendiquant un monde “post-gay” où l’on n’aurait plus besoin ni du Marais ni de la Pride, cette fin de l’histoire s’est trouvée contredite – à nouveau – par les marges. Ce sont notamment les personnes trans ou racisées qui ont remis au goût du jour le besoin de politiser nos Prides, tandis qu’une résurgence réactionnaire menace de l’Europe aux États-Unis. Nous n’aurions plus besoin du Marais ? Peut-être, d’ailleurs il se vide déjà de ses mille lieux à nous. Mais de la fierté, nous ne pouvons nous dissocier : le contraire, c’est disparaître. Et la communauté en crée les conditions. Alors, à la prochaine Marche de nos fiertés, soyons donc comme des folles de la messe, regardons notre voisin·e de gauche, puis notre voisin·e de droite, et entonnons ensemble ces paroles de Michel Berger : on n’est pas seuls puisqu’on est ensemble.

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Crédit photo : à la Pride de l'Inter-LGBT 2021, Élodie Hervé