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variole du singeVariole du singe : vague d'abstinence en attendant le vaccin contre monkeypox

Par Laure Dasinieres le 15/07/2022
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Alors qu'il faut parfois plusieurs semaines pour se faire vacciner contre le monkeypox, certains préfèrent l’abstinence au risque de transmission et de contamination. Ils témoignent. 

"Aucune disponibilité en ligne". Ce 14 juillet, c'est la seule mention qui s’affiche sur le site Doctolib pour les personnes concernées parisiennes souhaitant prendre rendez-vous pour se faire vacciner contre le monkeypox (ou variole du singe). Alors qu’avec l’annonce, six jours plus tôt, de l’élargissement de la vaccination en prévention, les Agences régionales de santé (ARS) devaient suivre pour ouvrir des lieux dédiés et renfoncer l’offre, les doses et les rendez-vous manquent, laissant des milliers de personnes sans couverture – notamment HSH multipartenaires et TDS – à travers la France. 

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Si l’on sait que le monkeypox ne se transmet pas uniquement par voie sexuelle, il est recommandé pour s'en prémunir de limiter le nombre de ses partenaires. Certains ont décidé de réduire le risque d’une manière radicale en optant pour l’abstinence sexuelle en attendant d’être pleinement vaccinés et immunisés – sachant que le vaccin ne protège pas tout de suite après l’injection mais plutôt à partir de 8 jours d’après les premières études, et que deux doses sont a priori nécessaires pour acquérir une immunité durable. Mais chacun envisage l'abstinence à sa manière…

Monkeypox versus vacances

Certains, comme Nathan, envisagent une abstinence "relative". Pansexuel en couple non-exclusif "mais en couple quand même", il a d’abord pensé à ne plus fréquenter que ses partenaires réguliers "mais ça n'a pas grand sens s'iels voient d'autres personnes", s’est-il rendu compte. Alors, jusqu’à la vaccination, il limitera ses rapports à ceux qu’il a avec son amoureux, "histoire de se protéger mutuellement"

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Parmi, les abstinents "totaux", les motivations et les modalités varient évidemment en fonction des histoires personnelles de chacun – notons toutefois qu’aucune des personnes avec lesquelles nous avons échangé ne prône l’abstinence en lieu et place du vaccin. Pour Ulysse, les choses sont assez simples : "J’ai choisi l'abstinence jusqu'à que je puisse me faire vacciner. Je n'ai pu avoir un rendez-vous que pour le samedi 16 et je serai déjà parti à l’étranger chez mes parents pour les vacances. Je préfère donc attendre plutôt que devoir m'isoler et souffrir trois semaines, surtout quand je vois comment sont suivis les patients." Pour le moment, il vit bien cette situation : "Cela ne me pèse pas encore. Cela m’arrive souvent d’être abstinent pendant plusieurs semaines, par exemple lorsque j’ai un surcroît de travail, c’est une situation que je sais gérer.

Peur de la stigmatisation

Si Hugo craint tant la maladie qui gâcherait ses vacances que la maltraitance médicale, Thomas redoute de son côté la stigmatisation liée à la maladie : "On peut tout à fait dire que l’on se confine dix jours pour un Covid et personne ne sourcille. Mais avec le monkeypox, ce sont trois semaines, et c’est bien difficile de trouver une autre excuse. Je n’ai personnellement aucun problème de transparence sur ma vie personnelle, notamment au travail, mais il faut tout de même se rendre à l’évidence qu’annoncer à ses proches et collègues qu’on a la variole du singe, c’est une autre histoire. Surtout en ce moment, alors que tout le monde raconte tout et n’importe quoi." Thomas aussi fait avec cette période de disette : "Franchement, comparé au confinement, c’est facile. Et puis, avec la canicule, je me sens tout flasque et pas sexy du tout", s’amuse t-il. 

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Hubert s’abstient quant à lui parce qu’il souffre de la maladie de Still, qui l’oblige à prendre des traitements immunosuppresseurs durant les poussées. "Tant qu'on n'aura pas un truc qui ne soit pas géré avec les pieds, et surtout un gouvernement qui ne s'en fout pas, je vais arrêter de voir des garçons. Je crains qu’avec ma maladie, le monkeypox ne provoque une forme qui me conduise directement à l’hôpital. Quand je suis en crise, je dois en effet prendre des médicaments qui diminuent l’immunité et quand j’attrape un virus, cela me provoque une crise… C’est sans fin. Mon médecin généraliste – très au fait de santé communautaire et des questions de réduction des risques – m’a lui aussi conseillé d’éviter de voir des gens en attendant d’être vacciné."  

"Cette abstinence me dérange politiquement"

Pour Hugo, ancien chemsexeur, l’abstinence est une sorte de suite logique dans son parcours : "Je suis à un moment de ma vie où j'ai déjà énormément réduit le nombre de mes partenaires sexuels, dans la mesure où je suis en train de réapprivoiser une sexualité sans produits. J'étais donc déjà presque abstinent depuis plusieurs mois. Le monkeypox a juste confirmé la tendance."

Il explique son ressenti qui mêle dimensions intimes et politiques : "Je vis cette abstinence plutôt bien à titre personnel, mais je suis en colère contre les autorités d'être plus ou moins obligé d'en arriver là pour ne pas risquer de propager l'épidémie. Plus de deux mois après les premiers cas en France, on devrait être mieux organisés pour faire face. Alors, je dirais que cette abstinence me dérange politiquement, mais que personnellement, émotionnellement, ça passe.

Une abstinence qui fait aussi tiquer les spécialistes de la santé communautaire. "Je comprends ce réflexe de protection mais il serait préférable de privilégier la réduction des risques en se choisissant un partenaire stable (et fiable sur la base d’un contrat clair) le temps d’avoir une vaccination complète. J’ai vécu ces stratégies d’abstinence à la période d’hécatombe sida. Et je les comprenais. En revanche, j’ai aussi vu les résultats dus à une grande frustration qui gênerait un truc de transgression et de pratiques à risques", s'inquiète sur Facebook Fred Bladou, activiste sida et chargé de mission santé chez Aides.

Le retour des bulles sociales ?

Rappelons que l’abstinence relève du choix personnel, qui n’a pas à souffrir d’un quelconque jugement, mais qu’elle peut aussi ne simplement pas être une option pour certaines populations exposées, comme les travailleur·ses du sexe qui ne pourront pas se mettre au "chômage technique" en attendant la vaccination.

Un alternative à l’abstinence totale pour les personnes qui ont de multiples partenaires pourrait être une forme de poly-exclusivité le temps d’être vacciné. Vous vous souvenez peut-être des bulles sociales préconisées au début de l’épidémie de Covid ? Il s’agissait de ne fréquenter qu’un cercle restreint d’amis et de proches qui, eux-mêmes, ne fréquentaient que les personnes de cette bulle. Le même principe appliqué au monkeypox – Je ne baise qu’avec quelques amants réguliers et eux qu’avec moi et/ou entre eux – serait aussi un bon moyen de réduire les risques et d’œuvrer contre la propagation du virus. 

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