LGBTQI+LGBT+ : malgré elle, l'UEFA ouvre une discussion politique importante pour l'Europe

Par Nicolas Scheffer le 24/06/2021
Amnesty International a distribué des drapeaux LGBT à Munich

En refusant au nom de la neutralité politique d'illuminer le stade de Munich aux couleurs LGBT de l'arc-en-ciel pour le match Allemagne-Hongrie mercredi soir, l'UEFA a réalisé un coup… politique.

Qui a dit que les compétitions sportives ne devaient pas être mêlées de politique ? Ce mercredi 23 juin avait lieu à Munich le match entre l'Allemagne et la Hongrie pour la qualification en huitièmes de finale de l'Euro 2021. Si les joueurs ont terminé comme dans le match France-Portugal par un nul (2-2), c'est la cause LGBTQI+ qui a gagné. Et pour cause, à son corps défendant, l'UEFA a mis un gros coup de projecteur sur l'homophobie d'État en Hongrie. Réalisant, en tentant de rester neutre, un coup politique.

Le match Allemagne-Hongrie très politique

Le match Allemagne-Hongrie a ainsi conduit à de nombreuses actions politiques. Alors que retentissait l'hymne magyar dans le stade bavarois, sous la pluie, un homme a couru sur la pelouse avec un drapeau arc-en-ciel. Dos aux équipes, il l'a brandi devant les joueurs avant d'être plaqué au sol par la sécurité puis évacué. Selon un reporter de la chaîne sportive ESPN présent sur place, il a été applaudi du côté allemand des tribunes.

Côté allemand toujours, Manuel Neuer, le gardien, a de nouveau arboré à son bras un brassard rainbow. Il le porte depuis son match contre le Portugal, dans le cadre du Mois des fiertés. Pas totalement sans risque puisque l'UEFA, organisatrice du tournoi et qui a refusé au stade de Munich d'afficher mercredi les couleurs de l'arc-en-ciel jugées "trop politiques" dans ce contexte, avait ouvert une enquête contre le joueur qui aurait pu conduire à une amende. Une enquête finalement vite enterrée par l'UEFA, anticipant cette fois les réactions à une éventuelle sanction qui aurait été incompréhensible, d'autant que l'instance elle-même a repeint son logo aux couleurs LGBT face au tollé international provoqué par sa réponse au sujet du stade de Munich.

Pour répondre au refus de l'UEFA d'illuminer le stade de Munich, les bénévoles d'Amnesty international en Allemagne avaient prévu de distribuer quelque 11.000 rainbow flags à l'entrée du match. "Les drapeaux arc-en-ciel étaient plus nombreux que les drapeaux allemands à l'arrivée des fans", rapporte Associated Press. "Les droits humains concernent tout le monde, que vous soyez homo, bi, transgenre ou autre. Nous devons toujours nous battre pour nos droits. C'est pourquoi je suis ici, pour les Hongrois qui ne peuvent pas vivent leur vie comme nous", a pointé sur place la drag queen Zoey Rachel Pride, citée par l'agence de presse américaine.

Les dirigeants européens sortent du bois

Surtout, le "rainbow gate", comme on appelle désormais l'affaire en Allemagne, a obligé les dirigeants européens à sortir du bois pour dénoncer la loi homophobe et transphobe votée récemment par la Hongrie. Mardi, une première déclaration initiée par la Belgique et appuyée par 14 autres pays de l'Union européenne, dont la France, a pressé la Commission européenne d'agir, même si les leviers sont faibles. Le lendemain au cours d'une visite à Paris, la présidente allemande de la Commission, Ursula von der Leyen, a qualifié la loi hongroise de "honte", contraire aux "valeurs fondamentales de l'UE". Elle compte prendre sa plume pour exprimer ses "préoccupations".

"Menaces contre les droits fondamentaux et en particulier le principe de non-discrimination en raison de l'orientation sexuelle"

En attendant, au lendemain du match, les dirigeants de 18 pays membres de l'UE, dont la France, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie, se sont fendus ce jeudi 24 juin d'une lettre commune sur ce dossier. Sans mentionner la Hongrie ni son Premier ministre Viktor Orban, le texte déplore des "menaces contre les droits fondamentaux et en particulier le principe de non-discrimination en raison de l'orientation sexuelle" et rappelle l'"attachement à nos valeurs fondamentales communes, consacrées par l'article 2 du traité de l'UE". La déclaration a été publiée quelques heures avant le début d'un sommet européen à Bruxelles, ces jeudi 24 et vendredi 25 juin, où, indique une source élyséenne à TÊTU, le sujet sera "très probablement" inscrit aux discussions entre les chefs d'État.

En ne se mêlant pas de politique, l'UEFA aura donc finalement réussi à ouvrir une discussion fondamentale au sein de l'Union européenne, sur ses valeurs et l'importance qu'elle accorde à leur respect en son sein.

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Crédit photo : Amnesty international/Matthias Balk