Abo

interviewShygirl nous parle sexualité et sentiments pour la sortie de son album, "Nymph"

Par Tessa Lanney le 30/09/2022
shygirl,album,Nymph,bi,bisexuelle,chanteuse,shygirl nymph,shygirl album

La chanteuse londonienne Shygirl, connue pour son franc-parler sur des thèmes comme le désir et la sexualité féminine, sort son tout premier album, Nymph, et en profite pour ajouter de la romance et des sentiments à son catalogue.

Shygirl, c'est un son puissant, des refrains qui envoient, des harmonies vocales subtiles et une sensualité débridée, décomplexée. Si la chanteuse londonienne de 29 ans a su s'imposer en exprimant ses désirs sans barrière, c'est sur un autre registre qu'elle se dévoile dans son tout premier album, Nymph, sorti ce vendredi 30 septembre, après ses deux EP "Cruel Practice" et "ALIAS". La veille, elle dévoilait "Shlut", l'un des clips qui composent son nouveau projet.Le monde de l'intime n'a pas de secret pour elle, et c'est dans cette veine qu'elle explore cette fois des sentiments plus personnels, se mettant à découvert. Nous l'avons rencontrée lors de la journée internationale de la bisexualité, heureux hasard puisque l'artiste s'est toujours montrée transparente sur le fait d'être bi et engagée dans la communauté LGBTQI+.

À lire aussi : Pomme, l'interview pour têtu· : "On a toustes besoin d’un câlin en ce moment, non ?"

Dans quel état d'esprit as-tu réalisé ce premier album, Nymph ? Que cherchais-tu à y exprimer ?

Shygirl : Cet album fonctionne comme une capsule temporelle, avec à l'intérieur ce qui fait que je suis qui je suis aujourd’hui. J’explore des sonorités définitivement plus mélodiques, et probablement de façon plus sentimentale aussi. Mon public reconnaîtra des éléments familiers dans mes sons, mais j’ai voulu leur apporter plus de profondeur. J’espère que c’est réussi ! Quand j'ai commencé, j’avais envie de faire un son cool et de partager mes idées, alors aller sur le registre des sentiments, de la vulnérabilité, ça ne m’intéressait pas vraiment. Mais grâce à mes deux précédents EP, j’ai pu m'inventer cet espace où je me sens à l’aise d’être plus candide. Je n’appréhende pas de parler de sentiments tant que je le fais à ma façon. Finalement, la transition s’est faite naturellement. Maintenant que j’ai attiré l’attention du public, il est temps d’entamer une conversation plus ouverte.

En tant qu'artiste, quel est ton rapport à la communauté LGBTQI+ ?

Je me suis montrée le plus possible engagée envers la communauté queer et je me situe sous le parapluie queer. Il ne s’agit pas seulement d’une question de sexualité. Je vois les membres de la communauté comme les alliés de ma musique. En me définissant comme queer, je me suis sentie à l’aise comme jamais auparavant. Parfois, je sors avec un gars et je vis une expérience complètement hétéronormative. Est-ce que pour autant, quand ça arrive, je considère que je me situe intégralement dans la norme ? Non, même dans ces moments-là je continue de me définir comme queer, parce que je ne renie en rien la communauté et je ne cesse pas de défendre ses intérêts, nos intérêts. Je suis vraiment reconnaissante envers la communauté queer parce qu’elle m’a permis de grandir. Je lui dédie ma musique, en quelque sorte, sans avoir forcément eu besoin d’être super explicite.

Mais on comprend que tu n'es pas fan des étiquettes…

Certaines étiquettes nous aident à trouver notre identité mais parfois, je les trouve assez restrictives et facteurs d’isolement. J’ai l’impression que les jeunes générations les refusent de plus en plus. C’est ce que j’observe avec ma petite soeur de 13 ans. Dans son école, à Londres, il est complètement normal de parler de ce genre de choses. C'est un débat intéressant. Bon nombre d’étiquettes pourraient disparaître à partir du moment où on a intégré ce à quoi elles renvoient, qu'on a normalisé ce qu'elles désignaient. Parfois, une étiquette limite le débat parce qu’on n’approfondit pas les subtilités de ce qu'un terme signifie pour la personne qu'il désigne. Je suis davantage partisane du dialogue, du partage d’expérience.

shygirl,album,Nymph,bi,bisexuelle,chanteuse,shygirl nymph,shygirl album

Tu as eu des difficultés à parler publiquement de ta bisexualité ?

Le truc avec mon parcours, notamment en ce qui concerne ma bisexualité, c’est que je n’ai jamais connu de réelle difficulté ni vraiment rencontré d'obstacle. Mes parents étaient plutôt ouverts alors je ne m’en souciais pas. Je n’ai jamais craint de me montrer explicite. Je voulais aussi que les gens puissent apprendre à me connaître en profondeur. J’ai conscience d’avoir connu un parcours privilégié, j’ai pu disposer de l’espace nécessaire pour me découvrir et m’épanouir sans ressentir la moindre honte. J’ai l’impression que c’est exactement ce que j'essaye de promouvoir dans ma musique, l'importance de découvrir qui l'on est réellement.

La sexualité est un domaine que tu explores énormément, est-ce que le fait d'être bi influence ton rapport à la musique ?

Cela affecte probablement la façon dont j'aborde les choses à travers ma musique, et explique pourquoi le thème des relations est aussi récurrent puisqu'elles ont participé à façonner mon identité. Quand on me regarde, ma bisexualité n’est pas forcément quelque chose d’évident. Surtout que je suis assez discrète sur ma vie privée, mais celle-ci reste une source d’inspiration indéniable. Par exemple, en général, je dois bien avouer que je n’ai pas de chance en amour… Mais malgré les mauvaises expériences, je ne perds pas espoir. J’imagine que tout cela a aussi participé à me forger. Ça se ressent plus particulièrement dans la chanson "Firefly", qui est certainement celle dans laquelle j’exprime le plus ma vulnérabilité, dans laquelle j’ai repoussé le plus mes limites. Bref, je trouve difficile de rendre compte d’une déception amoureuse parce que, je suis incorrigible, je retiens toujours le bon côté des choses. C’est d’ailleurs probablement mon pire trait de caractère ! J’ai tendance à répéter les mêmes schémas en me disant "après tout, ce n’était pas si mal".

Dans ton album, on sent notamment l'influence de sonorités des années 2000, de Madonna par exemple. Tu avais pensé quoi de l'iconique baiser entre Madonna et Britney ?

Je les aime toutes les deux, et j’adorerais collaborer avec elles un jour. Je suis partagée parce que personnellement, je suis en général assez mal à l’aise avec les démonstrations publiques d’affection et le sensationnalisme qu’il y a autour. J’ai toujours été un peu réticente à cela dans mes relations personnelles. Parfois, plus particulièrement lorsque je relationne avec une femme et qu’on exprime notre affection en public, j’ai du mal à ne pas me sentir comme l’objet d’un spectacle. C’est difficile de convaincre son cerveau qu’il doit arrêter de penser comme ça. Je ne sais pas si les actions comme ce baiser entre Madonna et Britney participent à améliorer la visibilité, ou aussi à davantage nous sexualiser.

Que penses-tu des accusations de queerbaiting qui frappent certains artistes, comme par exemple Harry Styles ?

On ne peut pas tout avoir. C'est paradoxal de vouloir à la fois que la culture queer soit davantage visibilisée et normalisée, mais de vouloir la protéger à tout prix des influences extérieures dès lors qu'elle devient mainstream. Souvent, on remarque le même type de réactions lorsqu'on s'aventure sur le terrain de l'appropriation culturelle. En même temps, il y a certaines façons de faire. Nous, les artistes, disposons d'une certaine influence sur la culture alors c'est notre devoir de faire preuve de justesse, d'authenticité.

À lire aussi : "Chair tendre" : rencontre avec Lysandre Nury, premier acteur intersexe d'une série française

Crédits photos : Because Music