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EuropeUrsula von der Leyen oublie les LGBT dans ses priorités pour 2024

Par Nicolas Scheffer le 13/09/2023
Ursula von der Leyen au Parlement européen le 13 septembre 2023

Dans son discours annuel sur l'état de l'Union, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a évoqué tous les dossiers présents sur son bureau... Et les atteintes aux droits des personnes LGBTQI+ n'en font visiblement pas partie.

Le discours devait durer trente minutes, il en a fait le double. Ce mercredi 13 septembre, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, s'est adressée au Parlement de Strasbourg devant lequel elle a passé en revue ses dossiers : inflation, intégration de la Roumanie et de la Bulgarie dans l'espace Schengen, guerre en Ukraine, écologie, intelligence artificielle, asile... Mais les droits des personnes LGBTQI+, pourtant particulièrement menacés dans de nombreux pays d'Europe, comme en Hongrie, en Pologne et en Italie, n'ont quant à eux pas été évoqués.

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La présidente de la Commission a pourtant bien cerné les enjeux : "Nous avons un État de droit que nous entendons défendre", déclarait-elle en 2021 à l'adresse de la Pologne et de la Hongrie. En 2020, elle proclamait que les "zones anti-LGBT" qui pullulaient en Pologne n'avaient pas leur place dans l'Union, les qualifiant de "zones sans humanité". En 2021 encore, alors qu'une loi anti-LGBT interdisant la "promotion de l'homosexualité" était adoptée en Hongrie, Ursula von der Leyen avait fait part de sa "honte". "Etre soi-même n'est pas une question d'idéologie. C'est votre identité. Et nul ne pourra jamais vous la retirer", affirmait-elle. Elle avait également lancé deux procédures d'infraction contre ces deux pays, l'arme nucléaire diplomatique censée faire respecter les valeurs européennes.

Législations homophobes et promesses non tenues

Mais aujourd'hui, lors de son discours sur l'état de l'Union, rien. À peine un mot, en fin d'allocution, pour dire son souhait d'une Europe "où vous pouvez être qui vous êtes, aimer qui vous voulez". Pourtant, certaines zones anti-LGBT subsistent toujours en Pologne. En Hongrie, le premier ministre Viktor Orbán poursuit le grignotage des droits des personnes LGBTQI+. En Italie, la présidente du Conseil des ministres, Giorgia Meloni, demande aux procureurs de modifier l'état civil des enfants nés de PMA pour n'y inscrire qu'une des deux mères. En juin 2022, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Bulgarie pour sa légèreté à traiter les crimes homophobes. Quant à la Roumanie, elle s'en est pris à la prétendue "propagande" LGBT au sein des écoles... Bref, non, il ne fait pas bon être une personne LGBTQI+ dans toute l'Union européenne.

La Commission européenne pèche par ailleurs par une absence de résultats concernant son engagement sur l'obtention de droits nouveaux. "Si vous êtes parent dans un pays, vous êtes évidemment parent dans tous les pays", affirmait la présidente en 2020, annonçant la création d'un dispositif, le Certificat européen de parentalité, qui profiterait aux deux millions d'enfants issus de familles homoparentales. Une nécessité pour faire valoir son statut de parent à l'école, devant le médecin, ou encore pour voyager. Mais depuis qu'elle a été proposée en décembre 2022, l'idée est restée au placard. Tout comme l'ambition d'étendre la liste européenne des crimes de haine, qui devait inclure les actes LGBTphobes. Cette extension permettrait de faire reconnaître la circonstance aggravante de l'homophobie et de la transphobie dans chaque pays, par exemple en Italie, où elle n'existe pas.

Ce discours particulièrement frileux sur nos droits se tient alors que des élections renouvelleront le Parlement européen en juin 2024. "Pour rester, Ursula von der Leyen a besoin du PPE, le groupe de la droite dont elle est issue. Donc, elle parle à la droite : business, compétitivité, industrie, migration, libre-échange... en revanche, il n'y a quasiment rien sur l'État de droit, rien sur les droits fondamentaux, sur les droits sociaux", souligne un observateur de la politique bruxelloise. "Le thème central de la campagne européenne sera de savoir de quel côté penchera la droite, côté réactionnaire ou du côté du centre, analyse Mélanie Vogel, sénatrice écologiste des Français de l'étranger. Le silence d'Ursula von der Leyen sur les questions LGBT prouve qu'elle n'a pas répondu à cette question."

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Crédit photo : Capture d'écran Parlement européen