Dans un climat de répression des familles homoparentales mis en place par le gouvernement de Giorgia Meloni, le parquet de Padoue a annoncé saisir 33 actes de naissance enregistrés par des couples de femmes, pour en rayer l'une des deux mères…
La chaleur est suffocante, sur le parvis du Palais de justice de la ville de Padoue, ce vendredi 23 juin. Sur le pavé, une trentaine de poupons symbolisent les 33 enfants de familles homoparentales enregistrées dans cette ville du nord de l'Italie, non loin de Venise, et qui risquent de perdre, d'un point de vue légal, une de leurs mamans. Le 19 juin, le parquet de la ville a en effet annoncé se saisir des actes de naissance de ces familles. À Padoue comme dans une dizaine de villes italiennes, le maire Sergio Giordani, du Parti Democrate (PD, centre-gauche) a donné pour consigne de faire figurer le noms de la mère biologique et de la mère d'intention sur les actes de naissance d'enfants de couples lesbiens. Nés en Italie, ils ont été conçus à l'étranger car la procréation médicalement assistée (PMA) demeure ici réservée aux couples hétérosexuels.
À lire aussi : L'Estonie légalise le mariage pour tous, premier pays de l'ex-URSS à le faire
Iryna Shaparava est la référente régionale de l'association Famiglie Arcobaleno (Familles arc-en-ciel), qui a lancé l'appel à manifester. Elle retrace : "Fin janvier, le ministre de l'Intérieur Matteo Piantedosi a fait émaner une circulaire demandant aux préfets de bloquer les actes de naissance comportant deux papas d'enfants conçus à l'étranger grâce à la gestation pour autrui (GPA). Puis le parquet de Milan a décidé d'étendre le blocage aux enfants de couples lesbiens." En juin, c'est au tour de la procureure de Padoue, Valeria Sanzari, de se saisir de l'ensemble des actes enregistrés depuis 2017. Un excès de zèle "qui nous met profondément en colère", commente Iryna pour têtu· : "En Italie, plus de 1.000 enfants sont concernés, mais pour ce gouvernement, la seule famille valable c'est un papa, une maman".
Criminaliser les parents homos
Valentina et Daniela, mamans de Caterina, un an et demi, conçue au Danemark et née à Padoue, habitent à Vicence et n'ont pas pu venir à la manifestation. Leur colère n'est pas moins forte au bout du fil : "Nous sommes au centre d'une campagne haineuse, patriarcale, fasciste et machiste. Nous n'avons pas l'intention de nous laisser faire, nous allons nous défendre, et résister", assènent-elles.
Cette campagne contre les familles homoparentales est orchestrée par le gouvernement de Giorgia Meloni et son parti d'extrême droite Fratelli d'Italia. Sur le parvis du tribunal, le député Alessandro Zan (PD), venu soutenir l'association, explique : "Il s'agit d'attaques systématiques, qui se traduisent par le refus de l'Italie de signer le règlement européen reconnaissant les enfants de familles homoparentales, mais aussi par l'absence de l'Italie de la procédure lancée par l'Union européenne contre Viktor Orban et sa loi LGBTphobe. Enfin, on arrive à la circulaire du ministre Piantedosi, qui empêche l'inscription des enfants. L'objectif est de criminaliser les familles homoparentales".
Interdire la GPA, même à l'étranger
Au Parlement est en cours le débat sur une proposition de loi visant à faire de la GPA, que la droite appelle "utérus à louer", un délit universel puni même lorsque la gestation pour autrui est pratiquée à l'étranger. "Une loi folle et inapplicable, commente Zan. Sur la GPA, mon parti est divisé. Personnellement, je suis pour une GPA équitable et solidaire. Mais il faudrait déjà mettre à jour le droit à la famille, rendre légal le mariage pour tous, permettre aux célibataires d'adopter, ouvrir la PMA aux couples lesbiens... mettre au cœur du débat la GPA, c'est un moyen de détourner l'attention."
Des sujets sur lesquels la ministre de la Famille, de la natalité et de l'égalité des chances, Eugenia Rocella, n'a pas l'intention de légiférer, envisageant plutôt "une sorte d'amnistie pour les enfants enregistrés jusqu'ici, après l'adoption de la loi sur la GPA délit universel", comme elle l'a déclaré dans une interview au journal Corriere della Sera. De son côté, le Parti démocrate devrait présenter une proposition de loi début juillet, au moment du vote.
Dans l'attente des 33 procès qui devront fixer le sort des enfants de Padoue, les militantes de l'association Famiglie Arcobaleno restent sur le qui-vive. "Nous voulons à tout prix éviter que cette campagne de haine s'étende comme une tâche d'huile à d'autres villes, conclut Iryna, et en attendant, nous restons aux côtés des familles."
À lire aussi : Lois anti-trans aux États-Unis : des juges commencent à freiner le lobby réac
Crédit photo : Ludovic MARIN / AFP