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Europe"C'est la première loi anti-gay en Italie" : Giorgia Meloni, la haine en actes

Par Lucie Tournebize le 24/08/2023
Alessandro Zan, député du PD italien

Figure des droits LGBT+ à la Chambre des députés en Italie, Alessandro Zan est secrétaire national aux droits civiques au sein du Parti démocrate (PD, centre-gauche). Il analyse l'offensive en cours du gouvernement de Giorgia Meloni contre les familles homoparentales. 

La Chambre des députés italienne a approuvé une loi visant à faire de la gestation pour autrui (GPA) un délit universel, baptisée loi Varchi. Le texte sera devant le Sénat en septembre. Pensez-vous qu'il sera adopté ?

Alessandro Zan : Cette loi est la première loi anti-gay en Italie. En criminalisant la GPA même lorsqu'elle est pratiquée dans un pays où elle est légale, Giorgia Meloni et son gouvernement s'en prennent avant tout aux couples gays, les seuls dont la parenté est mise en doute lorsqu'ils enregistrent à l'état civil un enfant né par GPA à l'étranger. D'ailleurs, Fratelli d'Italia [Frères d'Italie, le parti d'extrême droite de Giorgia Meloni, ndlr] a été condamné à verser 25.000 euros de dédommagement à un couple d'hommes dont l'image avait été utilisée lors d'une campagne contre la gestation pour autrui, rendant évident que le problème n'est pas la GPA mais le fait que les homosexuels y aient recours. Lorsqu'elle reçoit Elon Musk, Giorgia Meloni ferme les yeux sur ses enfants nés par GPA car il est hétérosexuel, riche et blanc. D'ailleurs, même si elle est votée, cette loi sera inconstitutionnelle et inapplicable, puisqu'elle nécessite la collaboration des pays où se déroule la maternité. Toujours est-il que c'est très violent : des enfants, des jeunes conçus par GPA qui vivent actuellement en Italie, entendent les politiques dire que leurs parents sont des criminels.

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Et ce n'est pas qu'une loi, on voit qu'il y a tout un plan contre les familles homoparentales…

D'abord, le gouvernement Meloni a rejeté le Règlement européen renforçant la reconnaissance des droits de filiation entre États européens, qui aurait donné les mêmes droits aux enfants de familles homoparentales sur les sols français et italien. Ensuite, il a refusé de s'associer au recours européen contre les lois LGBTphobes du gouvernement hongrois. Enfin, il a publié une circulaire interdisant aux maires d'enregistrer les enfants nés par GPA ou de deux femmes ayant eu recours à la PMA à l'étranger [ces pratiques étant interdites en Italie, ndlr]. Conséquence, 33.000 familles de Padoue ont reçu une lettre du tribunal saisissant l'acte de naissance de leurs enfants !

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Comment l'opposition compte-t-elle contrer le gouvernement ? 

Nous allons faire front commun contre la loi Varchi. Avec le Parti démocrate, nous préparons actuellement une loi sur le mariage pour tous et l'ouverture de l'adoption aux couples homosexuels. Cet automne, nous souhaitons demander que ce projet soit mis à l'agenda du Parlement de façon anticipée, ce que le gouvernement risque de refuser. Mais nous devons montrer aux Italiens quel est le vrai visage du gouvernement Meloni, qui prétend aux côtés de Salvini n'avoir rien contre les homosexuels. J'aimerais qu'elle fasse enfin son coming out : qu'elle avoue être homophobe, ce sera plus clair pour tout le monde !

Pensez-vous que la société italienne soit prête à évoluer sur les droits LGBT+, sachant qu'il n'y aujourd'hui aucune loi en Italie contre les discriminations LGBTphobes ?

Je crois que l'évolution de la société italienne est similaire à celle de pays voisins comme la France ou l'Espagne. Seulement, l'extrême droite réactionnaire tente par tous les moyens d'idéologiser la société, de s'adresser aux tripes des Italiens en faisant miroiter un modèle de famille traditionnelle qui n'existe plus – une maman, un papa, un foyer stable, l'ordre et la discipline, soit des valeurs post-fascistes – en réponse aux angoisses réelles liées à la précarité, au changement climatique… C'est une façon de faire converger ces peurs vers un modèle toxique, qui refuse les nuances et qui produit une société schizophrène. C'est d'autant plus absurde que ces discours viennent de personnalités politiques dont les familles ne correspondent même pas à ce modèle, avec des enfants nés hors mariage, des amants ou des divorces… On voit bien que ce qui compte, c'est avant tout d'instaurer une frontière entre la famille homoparentale et les autres, faisant des personnes LGBT+ des boucs émissaires. L'extrême droite s'est alignée sur les positions de Giorgia Meloni qui se montre féroce envers toutes les minorités : les migrants, les femmes, les personnes LGBT+. La société qu'ils veulent est blanche et patriarcale, et ils combattent tout ce qui sort de ce cadre.

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Crédit photo : Alessandro Bremec / NurPhoto via AFP