La parole queerphobe se libère, et les discours hostiles à toute manifestation de non-conformité à la binarité de genre convergent désormais de partout. C'est pourquoi, ce dimanche 26 mai, il faut manifester avec la Riposte trans.
Ségolène Royal ou Recep Tayyip Erdogan ? Signe des mauvais temps qui courent, il devient difficile de distinguer, dans l'inflation mondiale des discours anti-queer, les propos tenus par une ancienne candidate socialiste à la présidentielle française de ceux du président islamo-conservateur de la Turquie.
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Si personne ne le lui demandait, Recep Tayyip Erdogan a en effet jugé utile de donner son avis sur l'Eurovision – auquel son pays n'a plus participé depuis 2012. "Lors de tels événements, il est devenu impossible de rencontrer une personne normale", a-t-il déclaré lundi à l'issue d'une réunion de son cabinet, dans un petit discours rapporté ce mardi 21 mai par l'agence américaine Associated Press. Qualifiant les artistes de la compétition de "chevaux de Troie de la corruption sociale" qui encouragent la "neutralisation du genre" (sic) et menacent évidemment la famille traditionnelle, il en a conclu : "Nous comprenons mieux pourquoi nous avons pris la bonne décision en gardant la Turquie à l'écart de cette compétition honteuse au cours des douze dernières années."
L'internationale genriste
Des propos qui font curieusement écho à ceux tenus, dès le surlendemain du concours européen de la chanson, par Ségolène Royal, finaliste de la présidentielle 2007 pour le Parti socialiste (PS). "Ce n’était pas un concours de talent musical, mais un concours de laideur, de vulgarité, de grossièreté, d’exhibitionnisme (sanctionné par la loi mais diffusé à des millions d’enfants et d’ado !!)", a écrit sur X (Twitter) celle qui semble avoir troqué le "désir d'avenir" (son slogan en 2007) pour une nostalgie réac. Et d'appeler, sans rire, à "une enquête sérieuse sur les méthodes ainsi qu’un bilan financier détaillé de cette exhibition minable".
On vous épargne les commentaires, particulièrement salés cette année, venus de la droite et de l'extrême droite sur cette édition très fière et queer de l'Eurovision, remportée par l'artiste suisse non-binaire Nemo avec une chanson proclamant justement qu'il a cassé "le code" de l'identité binaire de genre. Soit le cauchemar absolu des fervents défenseurs du genrisme. Forgée il y a déjà vingt ans par la géographe irlandaise Kath Browne, cette notion rassemble, comme l'explique fort bien un utile billet du socio-anthropologue Christophe Broqua paru le 16 mai sur The Conversation, les forces hostiles à toute infraction aux normes de genre dominantes : "Le genrisme recouvre bien entendu les prises de position publiques et militantes qui se donnent pour objectif de « sauver la différence des sexes » (par exemple celles de La Manif pour tous et ses dérivés). Mais il concerne aussi tous les comportements quotidiens impliquant la stigmatisation des individus non conformes."
De Vladimir Poutine à La Manif pour tous, du Vatican aux islamistes, de Trump à Le Pen en passant, donc, par Erdogan et Ségolène Royal, le genrisme est bel et bien devenu un nouvel internationalisme qui fait fureur. Et qui justifie une réponse unie. À ce titre, les associations participantes à la "Riposte trans", initiée le 5 mai contre une proposition de loi transphobe portée par la droite au Sénat, appellent à un deuxième round ce dimanche 26 mai, deux jours avant l'examen du texte. Toustes contre le genrisme !
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Crédit photo : Andreas Hillergren/ TT / AFP