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reportagePremier épisode réussi de la "riposte trans" face au lobby réac

Par Antoine Allart le 06/05/2024
Manifestation du 5 mai 2024, place de la République à Paris pour défendre les droits des personnes trans, dans le cadre de la "riposte trans et féministe" Crédit photo : Antoine Allart

Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées à Paris et dans plusieurs villes de France, ce dimanche 5 mai, pour répondre à la droite et à l'extrême droite qui s'en prennent aux personnes trans, et plus largement aux droits LGBT+ et à la liberté de disposer de son propre corps.

"C'est une question de vie ou de mort." Linh, 21 ans, vient tout juste de commencer sa transition de genre, et aujourd'hui il le dit : "J'ai peur." Comme lui, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées place de la République à Paris mais aussi dans 49 villes de France (Lyon, Marseille, Montpellier…), ce dimanche 5 mai à l'appel de 800 collectifs et personnalités, pour exprimer leur inquiétude face à l'offensive anti-trans de la droite et de l'extrême droite, et pour affirmer leur détermination à défendre les droits LGBTQI+ ainsi que la liberté de disposer de son propre corps, envers et contre le lobby réac. Au terme de cette journée de manifestations, le ministère de l'Intérieur a recensé 10.880 participant·es en France dont 2.500 dans la capitale.

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Cette mobilisation, que plusieurs collectifs ont baptisée "riposte trans", est une réponse aux attaques transphobes qui se multiplient en effet en France, comme en témoigne la parution récente, abondamment relayée par plusieurs médias, du livre Transmania, ramassis de préjugés LGBTphobes. Une transphobie qui, comme aux États-Unis, commence à trouver des débouchés politiques : ainsi sera examinée au Sénat le 28 mai une proposition de loi portée par la droite, derrière Jacqueline Eustache-Brinio (Les Républicains, LR), visant à interdire les bloqueurs de puberté et toute démarche de transition de genre aux personnes mineures, et à rendre passible tout médecin qui y participerait de deux ans de prison et 30.000 euros d’amende. À l'Assemblée nationale, une proposition de loi similaire est portée par les députés du Rassemblement national (RN).

"Ne rien lâcher" face au lobby réac

Ces lois, pointe Vivi, femme trans membre de l'association Bicause, sont "l'apogée d'une idéologie qui existe depuis plusieurs années, appuyée par des tribunes, des campagnes de désinformation qui labourent l'opinion et entretiennent les fantasmes". Ce qui rend nécessaire à ses yeux la mobilisation : "Il faut absolument contrebalancer socialement, politiquement, et au niveau de la bataille des idées, l'idéologie portée par une frange conservatrice et identitaire de la société." D'autant, relève la militante âgée de 69 ans, qu'aujourd'hui "on s'en prend aux jeunes".

"Je ne comprends pas comment on peut vouloir blesser quelqu'un, se battre contre quelqu'un qui veut juste exister", soupire Jude, jeune ado trans de 16 ans, dans un mélange d'inquiétude et de rage. À son âge, elle est déjà consciente du combat "qu'il va falloir mener, encore pendant longtemps, avant de pouvoir sortir dans la rue sans avoir peur de se faire agresser".

"Se mobiliser pour"

Au pied de la Statue de la République, à Paris, les prises de parole se sont succédé pendant plus de trois heures sous les lourds nuages gris et le crachin de ce dimanche. Mot d'ordre souvent répété : "Ne rien lâcher" face au lobby réac. Les pancartes brandies rivalisent de créativité pour décliner cette détermination : "Trans Vie Liberté", "Je veux être ce que je suis", "Laissez-nous trans-quilles", "On trans-gressera vos règles", "Dora l'impostrice"

Plusieurs personnalités politiques, toutes issues des rangs de la gauche, ont participé au rassemblement parisien. On y a aussi repéré plusieurs personnalités comme l'auteur et compositeur Woodkid, ou encore Keiona et Soa de Muse, queens révélées dans Drag Race France. "On devrait laisser les enfants être qui ils ont envie d'être. Je suis une personne non-binaire, je me suis posé des questions sur ma transidentité et je trouve important que l'on puisse échanger dessus", soutient la seconde auprès de têtu·.

Dans la tribune d'appel à la mobilisation, les collectifs rappellent l'importance de garantir une "transition dépsychiatrisée, libre et gratuite pour les personnes majeures et mineures". Ils demandent également un "accès à la PMA pour toutes les personnes trans", "l’arrêt des mutilations sur les enfants intersexes" et des "moyens massifs pour les services publics afin d’assurer l’accès réel à l’IVG, aux transitions et à la contraception". À Paris, l'humoriste Lou Trotignon a aidé à détendre les esprits, avant de rappeler que "se mobiliser contre est important, mais se mobiliser pour est essentiel". Espérons que ce 5 mai réussi ait une suite !

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Crédit photo : Antoine Allart pour têtu·

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