Pour ou contre l'affiche de la Pride de Paris 2025 ? On aurait pu rêver meilleur démarrage à ce mois des Fiertés que de regarder la famille LGBTQI+ s'étriper autour du visuel choisi par l'Inter-LGBT, organisatrice des événements parisiens de la fin juin.
Le Front homosexuel d'action révolutionnaire (Fhar) contre Arcadie, Act Up-Paris vs. Aides, pour ou contre Mylène… La famille LGBTQI+ n'en est pas à sa première guerre fratricide. Nous avons plein de raisons de nous diviser, et c'est très bien comme ça : la commu serait beaucoup moins fun sans son fameux sens du drama et ses sempiternelles embrouilles entre chapelles militantes, ou même entre les multiples façons de vivre notre queeritude. Il faut que ces différences existent : c'est justement la raison d'être des versions alternatives de Prides qui émergent ici ou là (des Panthères roses aux Prides radicales), ainsi que des cortèges hétérogènes qui composent les marches "classiques", permettant d'exprimer bien des slogans et des sensibilités.
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Mais là où le rôle de têtu· est de se faire l'écho de la commu, toute la commu, celui de l'Inter-LGBT est de rassembler ses membres autour d'un dénominateur commun. Et, ce faisant, de fédérer le plus largement la communauté LGBTQI+. Dire cela, ce n’est pas appeler à rouvrir le robinet d'eau tiède qu'on a souvent reproché à l'interassociative et à ses mots d’ordre plan-plan. D'ailleurs, celui choisi cette année est le bon, têtu· vous l'a assez seriné depuis plusieurs années maintenant : contre l'internationale réactionnaire, unissons-nous bordel !
L'Inter-LGBT a commis deux erreurs. La première est de discernement, en imaginant que cette affiche produirait autre chose que de la division à tous les étages. La deuxième est politique, pour n'avoir pas pris en compte la conflictuosité actuelle et le besoin impérieux, en cette période, de rassembler. Le résultat est contraire au but poursuivi : le financement de la Pride est en péril, son mot d'ordre invisibilisé.
La Pride n'appartient pas à la direction de l'Inter-LGBT, ni à aucun parti politique.
Tout combat politique nécessite une stratégie adaptée à l'objectif poursuivi. Le 27 juin 1969, le nôtre a eu besoin d'une émeute au Stonewall Inn de New York pour lutter contre la persécution policière. Dans les années 1970, nous avons eu besoin des outrances du Fhar pour jeter les prémices d'un mouvement LGBTQI+ en France, puis d'Homosexualités et Socialisme (HES) pour que nos revendications (le pacs puis le mariage) trouvent une traduction politique. Nous avons eu besoin de l'activisme d'Act Up pour alerter contre le sida, mais aussi d'Aides pour assurer le soutien aux malades abandonnées. La mission assignée à l'Inter-LGBT est simple : unir et mobiliser.
Pour se dépêtrer de la polémique qui menace l'existence même de la Pride de Paris, l'Inter-LGBT "s'engage dès l'année prochaine à lancer des opérations de consultations plus larges et étendues" sur le choix de son affiche. Dont acte. Et nous, alors ? Eh bien c'est à notre tour de mesurer notre responsabilité : faut-il lâcher notre marche pour une affiche ? Hors de question. La Pride n'appartient pas à la direction de l'Inter-LGBT, ni à aucun parti politique : elle est la nôtre, et nous ne l'abandonnerons pas. Dans l'édito du numéro anniversaire de têtu·, sorti cette semaine, nous appelons : "Face aux cons, nous le savons, une seule solution : faire front. Hors de question de baisser les bras. On va marcher et on va se battre. Ils ne sont rien puisque nous sommes ensemble." La désertion ne servirait que le lobby réac, alors engagez-vous, rengagez-vous, dans la Pride, dans les assos, dans nos lieux, etc. La commu unie ne sera jamais vaincue !
Crédit photo : STRINGER/AFP