VIHLutte contre le VIH/sida : pourquoi Florence Thune, directrice générale de Sidaction, est inquiète

Par Nicolas Scheffer le 26/03/2021
VIH

La lutte contre le VIH a pâti du Covid-19. Les dépistages et les délivrances de PrEP reculent, et les assos de lutte contre le Sida ont souffrent économiquement. La directrice générale de Sidaction, Florence Thune, se dit "inquiète pour 2021 et 2022".

La lutte contre le VIH a souffert depuis le début de l'épidémie de Covid-19. Le confinement du printemps 2020 a conduit à une baisse de 56% des dépistages, les délivrances de PrEP ont diminué de 36% par rapport aux attentes, Solidays a dû être annulé, faute de pouvoir réunir des festivaliers. La veille du lancement de Sidaction, la directrice générale de l'association, Florence Thune, revient avec TÊTU sur cette année difficile. Même si la recherche scientifique suscite de nombreux espoirs. Un nouvel essai de vaccin prometteur vient de débuter sa phase 1. La PrEP pourrait bientôt être mensuelle et non plus quotidienne.

Cette année, Sidaction reprend après avoir été annulé l'année dernière. Qu'est-ce que vous en attendez ? 

Pendant trois jours, nous allons pouvoir parler d'autre chose que de l'autre virus, la Covid-19. Nous attendons de pouvoir collecter des fonds. L'année dernière, nous avons dû accuser un recul important de collecte. On a fait le dos rond en 2020 parce que nous avions des réserves. Je suis plus inquiète pour 2021 et 2022 car on sait que le contexte économique sera contraint.

Est-ce qu'il y a eu un sentiment de prise de conscience de l'urgence des enjeux chez les politiques ?

Quand on voit les ratés du décret qui doit permettre aux médecins généralistes de prescrire la PrEP il y a de quoi en douter. On ne voit pas assez de campagne d'incitation au dépistage. Je suis également inquiète par la fusion de l'ANRS et du programme REACTing, une nouvelle agence s'occupe de la recherche sur le VIH, les hépatites et les virus émergents. On n'a pas de garantie budgétaire sur la partie des virus émergents. La crainte, c'est que s'il manque de l'argent pour cette partie, on pioche sur le budget qui concerne le VIH.

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Il y a un an, pendant le premier confinement, les dépistages du VIH ont chuté de 56%, est-ce qu'on a rattrapé ce retard ? 

On l'a rattrapé en partie, mais pas complètement. Avant l'épidémie de Covid, trop de personnes ne connaissaient pas leur statut.  Sur les 173.000 personnes vivant avec le VIH, environ 24.000 personnes ne connaissent pas leur statut sérologique. Pour rappel, en 2019 en France, un quart des personnes qui découvraient leur séropositivité étaient à un stade sida ou un stade très avancé.  Il y a un risque de dégradation de leur santé et de transmission du VIH. On craint que le Covid-19 aggrave ce chiffre. Vu les chiffres de 2020, on craint que le VIH ne gagne du terrain au niveau mondial. Comme le rappelle Françoise Barré-Sinoussi, certains scientifiques estiment même que l'on pourrait perdre dix ans dans la lutte contre le sida.

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La recherche avance pourtant, est-ce envisageable d'éradiquer le virus et avec quelle stratégie ? 

L'éradication du virus est envisagée à très très long terme. On espère atteindre au moins un stade de rémission : où le virus puisse être contrôlé par un traitement en une seule fois. Cela signifie qu'on n'aurait plus à prendre un traitement à vie. On se rapproche de la commercialisation en France d'un traitement par injection une fois par mois, qui est déjà autorisé aux États-Unis. On espère que ce traitement pourra être administré tous les trois mois.

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Pourquoi a-t-on trouvé un vaccin contre le Covid-19 en un an, alors qu'on n'en n'a toujours pas contre le VIH 40 ans après les premiers cas ? 

Beaucoup d'essais vaccinaux ont conduit à des échecs, même si les chercheurs apprennent beaucoup de ces échecs. Le Covid pose problème avec quelques variants. Les épidémiologistes parlent de centaines de milliers de variants de particules de VIH. C'est un virus très complexe qui mute énormément, c'est l'obstacle principal à trouver un vaccin efficace. Notre inquiétude, c'est que l'argent mis pour la recherche sur des virus émergeants préempte celle sur le VIH, car on ne meurt plus du VIH. C'est un non-sens parce qu'un traitement préventif coûte beaucoup moins cher qu'un traitement à vie.

 

Pour faire un don pour la lutte contre le VIH, vous pouvez vous rendre sur le site de Sidaction ou par SMS, en envoyant DON au 92110 (don de 5 euros, SMS non surtaxé). Vous pouvez également appeler le 110. 

 

Crédit photo : Christophe Morin / Sidaction