A l'occasion de la marche des fiertés, la Présidente L.R. de la Region Île-de-France a réalisé une vidéo de soutien à destination de celles et de ceux qui défileront ce samedi.
Nous en avons profité pour interroger en exclusivité Valérie Pécresse sur les raisons de son absence du cortège de la marche des fiertés ainsi que sur sa politique vis-à-vis de la communauté LGBT dans un entretien à lire ci-dessous. La Présidente de Région, qui souhaite "n'être jugée que sur ses actes", y précise notamment les conditions du soutien par la Région Ile-de-France de la marche des fiertés parisienne et y annonce sa volonté de créer une agence régionale de lutte contre les discriminations.
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Participerez-vous à la Marche des fiertés ? Que représente-t-elle pour vous ?
La Région est le premier financeur de la Marche des fiertés. Elle donnait 23 000 euros l’année dernière, elle donnera 25 000 euros cette année. On a augmenté le budget alloué à la Marche car elle a à faire face, vous le savez malheureusement, en plan Vigipirate au niveau alerte attentat, à des frais supplémentaires en matière de sécurité.
Pour moi, la Marche est à l’évidence un évènement d’intérêt régional pour plusieurs raisons. Elle est devenue un lieu symbolique d’exercice de la liberté d’expression en France mais également partout dans le monde. Le fait qu’elle soit interdite dans plusieurs pays justifie à lui seul que notre région la soutienne.
En plus, c’est un moment fort dans la lutte contre l’homophobie. Ma décision a été prise bien avant la tuerie homophobe d’Orlando. En avril, nous avons réuni les associations de lutte contre l’homophobie et je leur ai dit que je voulais que ma région soit la Région de la liberté d’expression et de la lutte contre l’homophobie. Et je tiens à le dire parce que j’ai entendu pas mal de choses qui sont fausses et je demande à être jugée sur des actes, pas sur des procès d’intention.
En revanche, je n’ai pas prévu d’y participer personnellement parce que d’expérience, je sais que dans ces manifestations il peut y avoir des mots d’ordre politiques que je ne partage pas. Ça m’est arrivé par le passé, ça peut arriver aujourd’hui. Je pense par exemple à la légalisation de la GPA, que je ne soutiens pas.
J’ajoute que je ne veux pas donner le sentiment de faire de la récupération politique d’un événement auquel je n’ai pas participé par le passé et auquel je participerais aujourd’hui.
Le mot d'ordre cette année concerne les droits des personnes trans. Êtes-vous au fait des revendications de ces associations, notamment celle ayant trait à un changement d'état civil libre et gratuit comme déjà mis en place dans de nombreux pays ?
Sur la question des personnes transgenres, j’ai soutenu Roselyne Bachelot quand elle a fait sortir la situation des transgenres du registre des maladies mentales. Sur la question du changement d’état civil, je ne suis pas une spécialiste de la question mais je pense que les personnes transgenres doivent avoir le droit de changer leur état civil de manière plus simple.
Cela étant dit, les agents d’état civil ne sont pas aujourd’hui formés pour faire face à ce type de demande. La loi qui vient d’être votée ne règle pas le problème. Il faut continuer de travailler politiquement sur le sujet.
Il semblerait que vous vous plaigniez d’être malmenée par une partie de la communauté LGBT et du milieu associatif. Cependant, vos prises de positions interpellent. Pouvez-vous comprendre qu’il puisse y avoir une défiance à votre égard ?
Ce que je voudrais dire, car c’est essentiel, c’est qu’on peut avoir été contre le mariage pour tous sans être homophobe. Et il y a un moment, il faut juger les personnes sur leur bilan. J’ai été la première ministre des universités à avoir lancé une campagne de lutte contre l’homophobie à l’université. Quand j’étais présidente de la Mission Famille avec Patrick Bloche, nous avons en 2006 modernisé le PACS.
Alors, oui j’étais contre le Mariage pour tous, oui je pensais que ça crispait la société, oui je pensais qu’il fallait l’union civile, oui je l’ai défendue de toutes mes forces. Mais, je suis une républicaine, la loi a été votée et dès le lendemain j’ai dit qu’on ne reviendrait pas dessus. Non pas pour des raisons juridiques mais pour des raisons d’humanité. Parce qu’il y avait des personnes derrière la loi, qui s’aimaient, qui s’étaient mariées, qu’il y avait des familles. Le sujet pour moi est clos.
Qu’en est-il des conseillers régionaux issus de la Manif pour tous ?
Il y a effectivement dans ma majorité de 121 élus, deux élus qui sont issus du PCD et trois élus Républicains du mouvement Sens commun. La Vice-Présidente chargée de l’action sociale, de la santé et de la famille est une élue Modem du département de la Seine-Saint-Denis, c’est Farida Adlani. C’est elle qui est responsable auprès de moi. Caroline Carmantrand, présidente de la Commission Famille, Action sociale et Handicap ne fait pas partie de l'exécutif régional. Elle a été élue par les membres de la commission famille et a été choisie pour ses compétences dans ce domaine.
J’ai réalisé autour de moi l’alliance d’une droite qui va du Modem jusqu’aux chrétiens démocrates, avec des pro et des anti mariage pour tous. C’est une alliance qui fait bouger les lignes, qui rassemble et qui réconcilie. C’est ça que je veux porter comme projet régional.
J’ai également nommé, ça ne vous a pas échappé, Jean-Luc Romero-Michel comme ambassadeur dans la lutte contre le VIH/Sida. J’ai fait adhérer la Région à l’initiative "Île-de-France sans Sida". Jugez- moi sur mes actes !
Pouvons-nous revenir sur la polémique entourant la suppression du char de la Région Île-de-France ?
Oui, ce char, j’y reviens car c’est important. Le gouvernement nous a coupé 140 millions d’euros de dotations globales de fonctionnement cette année. Donc, j’ai dit qu’il fallait faire des économies. Je ne pense pas que ce soit la vocation d’une Région d’avoir un char dans une manifestation festive.
En revanche, la subvention qui va à la marche augmente de 2 000 euros pour faire face à l’augmentation des dépenses de sécurité. Par ailleurs, je vous rappelle que le Centre Régional d’Information et de Prévention du SIDA (CRIPS), financé par la Région, est présent à la Marche et qu'il a son char. La Région est donc présente.
Vous qui êtes à la tête de la Région Ile de France depuis plus de 6 mois, quelles actions comptez-vous mettre en oeuvre pour lutter contre les discriminations et les actes homophobes ?
Alors, on va voter à la rentrée un grand plan de lutte contre tout type de discriminations. Pour cela, je souhaiterais la création d'une agence régionale de lutte contre les discriminations. Car pour l’instant on a seulement une agence pour l’égalité entre les femmes et les hommes et je trouve que c’est insuffisant.
Les discriminations vont aujourd’hui dans tous les sens. Nous vivons dans une région fracturée. Il faut résister à la tentation communautariste. J’ai été élue, je tiens à le rappeler, sur un sursaut républicain. On m’a accusée de défendre la race blanche et les Franciliens ont rejeté cette tentative de racialisation du débat régional. Le message des électeurs a été clair. Nous sommes tous Franciliens et nous voulons vivre ensemble.
Je suis une républicaine intransigeante. Encore une fois, la loi sur le Mariage pour tous a été votée et à partir du moment où elle a été votée, c’est notre loi commune, même si je ne l’ai pas votée. Je suis contre les communautarismes donc vous ne me retrouverez pas dans une logique communautaire. Jamais ! En revanche, vous me retrouverez toujours sur une logique de respect des personnes dans leur identité. Moi je respecte chaque personne en face de moi dans sa singularité. Je ne me pose pas la question de savoir quel est son sexe, sa couleur de peau, son identité sexuelle…
Quand sera créée cette agence de lutte contre les discriminations ?
On en parlera en septembre. Pour l’instant, je mène un travail avec le défenseur des droits, nous ne devons pas être en concurrence mais bien en complémentarité. Je ne veux pas recréer une énième structure. Je veux voir ce que la Région peut apporter de plus.
C’est donc à l’état de projet pour l’instant ?
C’est un projet auquel je tiens et j’ai fait voter lors de la dernière séance un amendement pour dire que cette lutte devait être un fil conducteur de toutes les politiques régionales.
Et la semaine prochaine, on va voter une première délibération qui va mettre en place un réseau de lanceurs d’alertes dans tous les organismes financés par la Région et notamment dans les associations sportives. Parce qu’on a un sujet d’homophobie dans le sport et de discriminations au sens large : le problème du sport au féminin, du communautarisme dans le sport... Un communautarisme dans les deux sens : du racisme comme on l’entend généralement mais aussi du racisme anti-blanc, du sexisme et de l’homophobie…