C’est la petite bouteille sur le présentoir du bureau de tabac, celle qui nous fait un peu planer et dont on abuse parfois pour le rush dans les soirées dansantes ou lors de folles nuits d’amour… Mais ce vasodilatateur souvent employé dans le sexe gay nécessite quelques précautions : guide d'usage avant de snifer du poppers.
Le poppers est un vasodilatateur (il dilate les vaisseaux sanguins), initialement utilisé en médecine pour le traitement de certaines maladies cardiaques. Les ampoules contenant ces substances produisaient à l’ouverture un bruit (pop) qui a donné le nom au produit. Les principaux effets annexes observés étaient une euphorie et un sentiment de relaxation, qui furent détournés pour être un usage dit "récréatif" lors de rapports sexuels…
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Du médoc au sexe
Inventé en 1844 par le chimiste français Antoine-Jérôme Balard qui synthétisa le nitrite d’amyle, le poppers est utilisé pendant le 19e siècle pour guérir les angines de poitrine. Dès les années 1970, il circule d’abord dans les milieux homosexuels pour ses effets sur la sexualité : augmentation de la durée de l’érection, amplification des contractions orgasmiques, retard de l’éjaculation.
À l’arrivé du sida, au début des années 1980, on accuse un temps le poppers d’être responsable du syndrome du Kaposi (les tâches brunâtres apparaissant sur la peau des malades en stade sida), mais on est maintenant sûr que cela n'a rien à voir avec le VIH, et que l'usage du poppers ne facilite en rien la transmission des IST.
Son utilisation s’est ensuite répandue chez les jeunes, qui recherchent davantage les effets euphorisants que sur la sexualité. À 17 ans, un jeune sur dix en aurait déjà snifé au moins une fois. Quelque 3% des 18-25 ans s’installent ensuite dans la consommation, selon les chiffres de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT), soit trois fois plus que la moyenne générale.
Ça fait quoi, le poppers ?
Une inspiration dans chaque narine (l’odeur peut paraître très chimique de prime abord), puis l’impression de s’envoler, de défaillir, de vivre un moment très fort (d’où son utilisation pendant le sexe), le corps vibre et se dilate (y compris l’anus) pendant que le cerveau se compresse, il fait très chaud pendant deux minutes. C'est le fameux rush. Après, plus rien, sauf parfois des migraines (allez-y donc progressivement). Chacun réagit différemment à l’euphorie provoquée en fonction du contexte : rire aux éclats, sensation de vivre la musique, augmentation de l’excitation et de l’énergie sexuelle…
Le poppers est-il légal ?
Le poppers est aujourd'hui légal en France : son usage et sa vente sont autorisés. Cela n’a pas toujours été le cas : interdit à la vente en France le 26 mars 1990, puis l’ex-Premier ministre François Fillon a tenté en 2007 d’en interdire la fabrication, l’importation, l’exportation, l’offre, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la mise en vente – mais le Conseil d’État en a décidé autrement. Malgré la tentative en 2011 de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie de faire de même, le Conseil d’État a annulé un décret allant en ce sens le 3 juin 2013.
Où trouver du poppers
Ces petites fioles discrètes ont toujours été disponibles à la vente sur internet, dans les sex-shops ou sauna gays, ainsi que dans de nombreux bureaux de tabac.
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Par où le prendre ?
La seule voie d’utilisation du poppers est l’inhalation de ses vapeurs par le nez. L’utilisation préconisée par les fabricants est de laisser ouvert le flacon dans une pièce propre, bien aérée et sèche, et de laisser se diffuser les effets dans l’air ambiant. C'est du moins ce qu’ils affichent sur l'étiquette, probablement pour ne pas être la cible de procès en cas de conséquences médicales après une inhalation trop poussée.
Il existe une technique qui consiste à plonger une cigarette dans le poppers puis d’en tirer une taffe : ATTENTION, le produit est inflammable et potentiellement explosif au contact du feu. On vous déconseille donc toute utilisation associée de près ou de loin, à une flamme (attention aussi aux bougies qui traînent).
Est-ce que le poppers se boit ?
Surtout pas, malheureux ! La recette des "Jalapenos Poppers" n’a absolument rien à voir avec les petites fioles euphorisantes, même si le piment fourré va certainement vous donner des sueurs et vous dilater un peu l’anus…
Boire de poppers pourrait créer des dommages irréversibles sur vos voies ORL. L’administration par voie anale peut être dangereuse également : enflammer les muqueuses peut engendrer des lésions qui veut être graves, et sont aussi des portes d’entrées aux IST, dont le VIH, si le rapport n'est pas protégé.
Quels sont les risques d'utilisation ?
Lors d’un usage occasionnel : vertiges, maux de tête, étourdissement, transpiration, rougeurs de la peau, irritation des yeux, sensibilité à la lumière, baisse de la tension artérielle, brûlure des narines.
Lors d’un usage régulier : éternuements, écoulement nasal et inflammation des muqueuses nasales, problèmes cutanés du type éruptions, croûtes par brûlure autour du nez ou de la bouche (prenez donc soin, pendant l'inhalation, de ne pas toucher la fiole avec votre nez).
Consultez rapidement les urgences en cas de symptômes inquiétants ou durables.
À forte dose, le poppers peut :
- Provoquer une dépression respiratoire
- Endommager les cloisons nasales
- Provoquer des anémies graves (fatigue due à la baisse de la capacité des globules rouges à fixer l’oxygène)
- Provoquer des problèmes passagers d’érection (c’est un comble mais puisque ça dilate les vaisseaux, ça peut empêcher l’érection)
- Provoquer des rougeurs et des gonflements du visage
- Faire apparaître des croûtes jaunâtres autour du nez et des lèvres.
Poppers + Viagra = danger
C'est une consigne à retenir absolument. Pour un usage du poppers en contexte sexuel, il est formellement déconseillé de l’utiliser en association avec du Viagra, du Cialis et autres médicaments destinés à favoriser l'érection car les interactions avec le poppers créent un réel risque cardiaque.
Et quand ça dérape ?
Certains poppers très concentrés provoquent des vertiges violents, voire des malaises. En cas de surdosage, il se peut que vous ayez ces symptômes : diarrhée, crampes abdominales, maux de tête violents, vertiges, évanouissement (chute possible), altération de la vue (réversible), convulsions (rares), déficit d’apport en oxygène dans l’organisme qui peut, dans certains cas exceptionnels et rares, être fatal.
Peut-on devenir accro au poppers ?
Non, le poppers ne provoque pas de dépendance physique ni d'effet de craving. L’arrêt n’entraîne pas de syndrome de sevrage.
Quelles précautions prendre ?
Toute consommation de produit chimique expose à des risques. Il est toujours préférable de s’abstenir, en tout cas de reporter la consommation quand on se sent fatigué, stressé, mal ou qu’on éprouve des angoisses ou de l’appréhension. Il est également préférable de consommer avec des gens de confiance, dans un contexte rassurant. N'oublions pas qu'il s'agit d'un usage récréatif.
>> En résumé, précautions à prendre dans l'usage du poppers :
- Règle numéro 1 : ne pas prendre de poppers avec du Viagra, du Cialis et autres médicaments destinés à favoriser l'érection (risque cardiaque)
- Ne jamais utiliser de poppers près d’une flamme (produit inflammable)
- Éviter le contact du liquide avec les muqueuses (risque de brûlure), en particulier le nez, la bouche, et bien sûr les yeux (rincer immédiatement et abondamment à l'eau claire)
- Ne pas multiplier les inhalations dans un court laps de temps (risque de surdose)
- En cas de mal de tête/vertige, cesser l’inhalation et aller respirer de l’air frais
- Le mélange de l’alcool et du poppers favorise les maux de tête, les vertiges et les évanouissements
- Ne pas prendre de poppers lorsqu’on conduit un véhicule
- En favorisant une certaine excitation sexuelle, la prise de poppers peut aussi favoriser la prise de risque. Pensez à ne pas oublier les protections qui vous conviennent, capote ou PrEP.
EN CAS DE SOUCI : drogues-info-service. 0800 23 13 13, de 8h à 21h (appel gratuit).
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