Chaque semaine Les Mots à la bouche vous proposent leurs coups de cœur littéraires. Aujourd'hui, ils partent à la rencontre des travailleurs du sexe gay.
Cette semaine on vous offre plusieurs regards sur la prostitution gay. D’abord avec la réédition événement de Néons de Denis Belloc, ensuite avec le deuxième tome aussi scotchant que le premier du Crépuscule du tourment de Léonora Miano, et enfin dans la Chine des 70’s avec les Garçons de cristal de Bai Xianyong.
Néons, roman de Denis Belloc, éditions du Chemin de fer, 150p, 17€
Synopsis : Livre phénomène, salué par la critique lors de sa parution en 1987, Néons est un récit exutoire, sans fard ni limites. Dans ce texte écorché et douloureux, qui n’est rien d’autre qu’une quête éperdue d’amour, Denis Belloc revient sur ses années de jeunesse : l’enfance sans père, sa mère remariée à un homme qui le maltraite, la découverte à onze ans de son homosexualité dans une pissotière, l’errance puis la prostitution sur les boulevards de Pigalle à Barbès. La force du récit est de ne rien excuser ni juger de cette dérive implacable et parfois miraculeusement lumineuse. Il n’y a chez Belloc ni misérabilisme, ni regret, juste le pouvoir implacable d’une langue dont l’obscénité et la cruauté tour à tour révulse et fascine.
Avis du librairie : Denis Belloc (1949-2013) était un écorché vif, doublé d’un formidable écrivain. Cette nouvelle édition de Néons offre la chance de le redécouvrir, car ses livres sont presque tous épuisés. Citons Marguerite Duras à propos de ce livre : « Éclatant, magnifique, comme toujours la vérité ».
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Crépuscule du tourment Tome 2 : Héritage, roman de Léonora Miano, Grasset, 320p, 20€
Synopsis : Après des années passées à l’étranger, Amok revient au pays afin d’élever son fils dans un environnement préservé du racisme. Ce retour ravive d’amers souvenirs, des conflits familiaux, l’inconfort d’une appartenance sociale mal assumée. En proie à un accès de violence, il bat sa compagne Ixora. Horrifié par son geste, il prend la fuite pour affronter son père dont il pense avoir hérité « le fauve caché dans l’âme des hommes de sa lignée ». Dans sa course, il est victime d’un accident de voiture qui le laisse semi-conscient : c’est par l’esprit qu’il traverse ses gouffres intérieurs, revisite son histoire intime et ses blessures secrètes.
Il s’agira pour lui de s’accepter pour être en mesure de transformer son lourd héritage. Épousant la structure d’un thème de jazz, donnant une voix aux vivants et aux morts, ce roman est celui de la reconquête de soi et de la rédemption.
Crépuscule du tourment Tome 1, Melancholy mettait en scène quatre voix de femmes s’adressant au même homme : un chœur convergeant vers un centre muet. Crépuscule du tourment Tome 2, Heritage part de l’intériorité de cet homme, autour duquel gravitent d’autres figures masculines et les femmes de sa vie.
Avis du librairie : En guise de contrechamp au tome 1, l’auteure nous dévoile la personnalité en souffrance d’Amok, sa violence intérieure, ses traumas et son attirance pour les hommes. Un parcours initiatique éprouvant et pourtant salutaire, qu’il partage avec Regal, prostitué des grands hôtels. Roman d’une noirceur magnifique, d’une écriture fleuve, alternant les voix - des vivants comme des morts -, avec la vigueur d’un air de jazz et la beauté d’un chant ancestral.
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Garçons de cristal, roman de Bai Xianyong, Picquier poche, 477p, 11€
Synopsis : "Notre royaume ne connaît que la nuit noire. Il ignore le jour. Nul ne nous connaît ni ne nous respecte. Notre nation ressemble à la cohue d'un rassemblement de corbeaux. Il nous arrive de nous choisir un chef, mais, désinvoltes, nous sommes aussi prêts à le renverser si tel est notre bon plaisir, car nous sommes une population qui adore le nouveau, déteste les vieilleries, et non pas un peuple de bonne conduite." Dans une langue où s'interpénètrent tradition et modernité, Bai Xianyong dépeint le monde des " garçons de cristal ", ces homosexuels qui font commerce de leur corps dans le Taipei des années soixante-dix, et dont le quotidien âpre et poignant s'éclaire d'une lumineuse fraternité.
Avis du librairie : Les romans gays chinois traduits en français se comptent sur les doigts d’une main. Garçons de cristal est l’un d’entre eux, et c’est un chef d’œuvre. Il est dédicacé « à ces enfants sans famille qui errent au coin des rues, au fond, au plus profond de la nuit noire ». Une sorte de « My own private Idaho » dans les Taipei des 70’s. Inoubliable.
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