De nombreux catholiques LGBT+ ont manifesté leur colère et leur déception après les propos du pape François mettant en parallèle homosexualité et psychiatrie, le dimanche 26 août. Nous avons interrogé plusieurs d'entre eux pour connaître leur ressenti.
« Je pensais véritablement qu'il y avait une certaine ouverture chez ce pape. Mais il n'en est rien. » Ludovic est particulièrement déçu, ce lundi matin. Cet étudiant en histoire de 21 ans, baptisé et élevé dans la foi catholique, vient d'entendre les propos tenus dimanche 26 août par le pape François, préconisant le recours à la psychiatrie lorsque des parents constatent les orientations homosexuelles de leurs enfants.
« Quand cela se manifeste dès l’enfance - les penchants homosexuels -, il y a beaucoup de choses à faire par la psychiatrie, pour voir comment sont les choses », a-t-il dit dans l'avion qui le ramenait à Rome après avoir passé deux jours à Dublin pour la Rencontre mondiale des familles. Rappelons au passage que l'homosexualité ne figure plus sur la liste des maladies mentales de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 1990.
Aujourd'hui, Ludovic confie être athée car il ne pouvait plus « supporter la violence dont sont victimes les personnes LGBT+ catholiques ». Ce Strasbourgeois envisage même de se faire débaptiser :
« J'y songeais depuis longtemps, mais les déclarations du pape viennent appuyer mon éventuelle décision. Je me suis éloigné de l'Église de façon assez 'calme', mais le jour où j'ai eu le sentiment qu'elle me crachait dessus, j'ai vraiment eu une colère incommensurable. »
« C'est honteux et humiliant »
Si Isabelle* glisse qu'elle ne serait pas capable d'aller jusqu'à se faire débaptiser, elle estime que les propos du pape François sont « à vomir ». D'ailleurs, cette cinquantenaire a d'abord cru à une phrase sortie de son contexte, voire à un montage. « C'est honteux et humiliant, gronde auprès de TÊTU celle qui a été 'laïque consacrée'. Cela ne fera que donner du grain à moudre aux 'cathos tradis' qui iront dire que les homosexuels sont tous des malades ou des prédateurs. »
Ecœurée, elle finit par lâcher, à propos du pape François : « Pour moi, il ne représente plus la tête de mon Eglise depuis ce matin. Je savais qu’il y aurait un avant et un après l’Irlande ».
« Je ne me sentais plus à ma place »
De son côté, Elena, élève de terminale en région parisienne, bisexuelle, regrette des propos stigmatisants vis-à-vis de sa religion : « Ce qui m’énerve le plus c’est que cela va représenter la parole de la chrétienté sur ce sujet. »
Cette jeune fille de 16 ans confie ne plus aller à la messe et ne plus fréquenter de paroisse :
« Il est difficile d’être LGBT+ à l’Eglise à partir du moment où l’on comprend les discours 'homophobes' et pro-Manif pour tous de certains prêtres. Je ne me sentais plus à ma place lorsque j’entendais des propos discriminant les LGBT+. »
Elle tient en revanche à assurer que ses croyances, elles, sont encore bien présentes : « Cela ne remet en aucun cas ma foi en question car je crois en un Dieu aimant qui accepte les enfants LGBT+. »
« Le prêtre m'a conseillé l'abstinence à vie »
Benjamin est croyant, pratiquant et homosexuel. Cet étudiant parisien de 21 ans continue de fréquenter une paroisse parisienne, mais de « façon anonyme ». Il n'a d'ailleurs évoqué son orientation sexuelle qu'une seule fois avec un membre du clergé, en confession, juste avant sa confirmation. « Le prêtre, bien qu’extrêmement gentil au demeurant, m’a tout de même conseillé l’abstinence à vie. Je vous laisse imaginer ma réaction. »
Selon lui, l'ecclésiastique n’a « pas traité la chose comme une erreur, mais considérait plus cela comme un handicap à réfréner ». Désormais, il préfère se tenir à l'écart de la communauté paroissiale.
« C'était parfois compliqué quand on voyait certaines personnes ramener des drapeaux de la Manif pour tous lors des rencontres. Mais depuis l’adolescence et mon coming-out, j'ai appris que pour garder ma foi, il fallait que je la sépare du dogme et des pratiques. »
Envisage-t-il un jour d'être 'out' dans sa paroisse ? « Le jour où je la sentirai ouverte à la discussion, oui. Mais certainement pas actuellement, et pas avec de tels mots du pape. »
« Il ne faut pas omettre le reste de sa déclaration »
Sur les propos du pape justement, d'autres personnes préfèrent relativiser. C'est le cas de Guillaume, 20 ans. Si cet étudiant en droit à Paris se dit peiné, il estime qu'« il ne faut pas omettre le reste de sa déclaration, dans laquelle il explique que le 'silence' ou le rejet ne sont pas les bonnes réactions face à un enfant qui présente des 'tendances' homosexuelles, que c'est un 'défaut de paternité' ».
« Ce sont des mots forts et importants, notamment pour tous les jeunes LGBT qui sont jetés à la rue par leurs parents. »
Lui raconte avoir été très bien accepté par sa famille au moment de son coming-out. Il a aussi évoqué son orientation sexuelle avec plusieurs prêtres, ainsi qu'une religieuse et évoque des réactions disparates en fonction des paroisses.
« Les plus traditionalistes expliqueront que ça ne change rien à qui on est mais qu'il faut 'éviter le passage à l'acte'. Mais certains prêtres ont un regard beaucoup plus moderne, et conçoivent l'amour entre deux personnes de même sexe. »
« Un retour en arrière »
Interrogée par TÊTU, une représentante de l'association LGBT+ chrétienne David et Jonathan regrette des propos qui peuvent être source de souffrance pour des catholiques LGBT+ :
« C’est un retour en arrière et un signal qui n’est pas engageant pour tous les cathos homos qui, parfois, ne vont plus à l’Eglise de peur d'être stigmatisés. »
Et de conclure, amère : « Cela ne va pas aider à ressouder l'Eglise ».
*Son prénom a été changé à sa demande.
Crédit photo : AFP.